Le Vent de la Chine Numéro 15 (2019)

du 14 au 20 avril 2019

Editorial : Une Chine, deux Europe ?

Le 8 avril, la visite du 1er ministre Li Keqiang au 21ème Sommet Chine-Europe à Bruxelles s’annonçait difficile. Dès mars, l’Union Européenne s’était dotée d’une stratégie en 10 points, traitant la Chine en «rival systémique » – le Président Macron déclarait fini « le temps de la naïveté ». Au 1er avril entrait en vigueur son mécanisme de surveillance des investissements étrangers, surtout chinois : exaspérée par l’absence de réciprocité sur le marché chinois, et inspirée par l’exemple américain,  l’Union se durcissait. De plus dans ces palabres, le Brexit n’arrangeait rien, en embolisant les forces des diplomates des 28 Etats membres. Pourtant, déjouant tous les pronostics, la rencontre aboutit sur un communiqué commun, ce qui n’était pas arrivé en 2016, ni 2017, et il est riche de substance. Il fut acquis par une rare pression des Européens – menaçant à un certain point de quitter la table – une stratégie peut-être inspirée par la fermeté de l’équipe de D. Trump. Côté chinois aussi, notoirement et de longue date, on était anxieux de s’arracher à l’isolement. Avant le G20 d’Osaka du 28-29 juin, Pékin voulait montrer à Washington son entente avec l’Europe, son premier partenaire commercial avec 575 milliards d’€ d’échanges en 2018. 
En trois révisions arrachées en 72h, les 28 obtinrent donc des changements, peut-être capitaux, à la règle du jeu. Le premier est une promesse pékinoise d’un mécanisme politique continu de vérification du respect des engagements pris, avec rapport à soumettre au sommet d’ici décembre. La Chine accepte aussi de remettre en cause ses subventions à ses industries, et de protéger d’ici décembre les appellations géographiques des produits européens (Champagne, Parmesan…) Surtout, d’ici fin 2020, elle s’engage à boucler le traité de protection des investissements en panne depuis 2013.
Après toutes ces concessions, Li pouvait s’envoler à Dubrovnik (Croatie) pour un rendez-vous moins conflictuel, le 9ème sommet « 16+1 » avec 16 nations d’Europe Centrale et de l’Est (CEEC) dont 11 membres de l’UE et quatre candidats à son accession, tous en attente des milliards de $ chinois (déjà 15,4 milliards de $ versés depuis 2012) en investissements d’infrastructure « BRI ». La rencontre de Dubrovnik revêtait une signification particulière, car un nouveau membre devait le rejoindre et non des moindres, la Grèce : le « 16+1» devenait « 17+1 ». Vis-à-vis de ce soutien chinois à l’Europe Centrale, Bruxelles, Paris et Berlin expriment leur réticence. En 2017, le veto grec, commandé par la Chine, à une motion européenne sur les droits de l’Homme, restait dans tous les esprits : la Chine tentait de « diviser pour régner » ! Avant sa venue à Bruxelles, Li voulait rassurer, dans une interview au quotidien allemand Handelsblatt, en réitérant sa promesse de loyauté envers la construction européenne, et son « indéfectible soutien à sa prospérité et à son unité ».
À écouter le politologue londonien Kerry Brown, Li Keqiang pourrait être sincère, et refléter un nouveau tropisme pro-européen au sein du leadership socialiste. Sous la houlette erratique de D. Trump, les Etats-Unis ont cessé d’être fiables, et la Chine doit se reposer sur la base de stabilité qui lui reste—l’Union Européenne, désormais plus respectée, et plus motivée à faire front commun. De ce point de vue, le fait pour les « 16+1 » d’avoir soumis à l’UE leurs projets d’accords, préalablement à la rencontre avec la Chine, est un pas encourageant, vers une capacité renforcée à parler d’une seule voix !  Une dernière chose est à retenir de ce sommet  euro-chinois si particulier, en rupture par rapport à des années de faits du prince et de langue de bois. Rétrospectivement, il explicite une technique qui servit si bien la Chine ces 20 dernières années, le fait de faire des promesses floues afin de pouvoir ensuite s’en distancier. Aujourd’hui cependant, les partenaires sont extrêmement précis, et tenaces : la Chine semble devoir reculer, face à l’UE, comme face aux USA. Sous réserve d’inventaire, une nouvelle ère s’ouvre.


Environnement : Crédit carbone – le monstre du Loch Ness émerge 

Cent fois annoncé, cent fois reporté, le plan ETS (Emission Trading System) sort des limbes, publié le 3 avril par le ministère de l’Ecologie et de l’Environnement (MEE). Inspiré du mécanisme fonctionnant depuis une vingtaine d’années au sein de l’ONU et de l’Union Européenne, ce mécanisme de crédits carbone, veut encourager les coupes d’émissions de gaz à effet de serre (GES), suivant les obligations prises dans le cadre de la COP 21 de Paris.

Pour déployer ce système ETS, trois phases sont prévues.

– La première a lieu de 2018 à 2019, période pendant laquelle MEE et NDRC (chef d’orchestre de l’économie et cogestionnaire de l’ETS) mettent en place l’infrastructure.

Chaque centrale thermique consommant plus de 10.000 tonnes de houille-équivalent par an, rejetant dans l’air 3 milliards de tonnes de CO2/an, doit s’enregistrer et déclarer ses émissions auprès des services régionaux de l’environnement avant le 31 décembre.

Sur cette base, le MEE octroie sans frais à la centrale un nombre de crédits carbone annuel (un par tonne de CO2), correspondant à sa pollution moins 5%—l’objectif annuel de réduction visé. L’ETS chinois veut éviter les erreurs de son ancêtre européen : trop de crédits carbone avaient découragé les industriels à investir dans la réduction d’émissions, et la faiblesse des vérifications avait ouvert la porte à de nombreuses fraudes. « La clé de voûte tiendra au ‘MRV’ (Management, Reporting, Verification » déclare Chen Mei’an, de la start-up pékinoise IGDP. En effet, les déclarations des centrales seront vérifiées par des firmes privées agréées. C’est une tâche que l’Etat doit déléguer pour éviter de se trouver en conflit d’intérêts. Ces vérificateurs sont rémunérés directement par l’Etat, pour éviter toute tentative des centrales de les soudoyer. Depuis 2013, 35 firmes agréées par le ministère à travers le pays, telle ChinaCarbon, vérifient les déclarations des centrales thermiques pour le compte des sept bourses régionalespilotes d’échange de crédits carbone. Elles réalisent également études, forums, expos et recherches de techniques de production à bas carbone et d’amélioration de l’ETS. 

– Deuxième phase : en 2020 débutera une année de répétition générale, pour faire fonctionner le système « à blanc » : les crédits carbone seront encore fictifs, mais les firmes devront « rendre » au ministère ceux qu’elles auront consommés, et commencer à comptabiliser et déclarer leurs émissions réelles, tout en faisant valider leurs chiffres par les vérificateurs. En parallèle, les bourses régionales  fusionneront en une place nationale, pour encadrer les futurs échanges des crédits non consommés.

– Enfin, dès 2021, le système s’appliquera vraiment : rester dans son quota permettra à la centrale le renouvellement de sa licence ; le dépasser, et ne pas acheter de complément, entraînera des amendes, voire la fermeture. Démarrera également l’extension du système à d’autres secteurs polluants (aciéries, métaux non ferreux, cimenteries)  rejetant 5 milliards de tonnes de CO2. Au total, 100.000 usines seront concernées.

Un débat décisif a eu lieu entre administration et secteurs, sur les seuils de référence (benchmarks) pour l’attribution des quotas selon les types de centrales et leurs performances. Les lobbies souhaitaient que 11 seuils soient reconnus, ce qui aurait érodé l’effort réclamé de chaque unité. Finalement, seuls deux à quatre seuils seront retenus : « heureusement, conclut Chen Mei’an, le sérieux et la sévérité ont prévalu ».

En fin d’année comptable, les entreprises devront alors faire les comptes : celles « vertueuses » ayant investi pour polluer moins et ne dépassant pas leurs quota de crédits carbone, pourront vendre en bourse leur reliquat à celles « gaspilleuses » ayant émis davantage que leurs crédits impartis. Si celles-ci ne peuvent plus en acheter—soit parce qu’il n’y en a pas sur le marché, soit parce que le cours du crédit carbone n’est pas dans leurs moyens—elles devront arrêter la production—soit jusqu’au 1er jour de l’année comptable nouvelle, soit à jamais et déposeront le bilan. C’est d’ailleurs le but : faire disparaître ces unités trop vétustes ou trop petites, à forte intensité d’émissions et incapables de se décarboniser.

Enfin, en dehors du ETS, le parapluie chinois anti-pollution atmosphérique sera complété par une taxe carbone, destinée à tous les petits producteurs (ceux émettant moins de  29000 tonnes de CO2/an), et par les crédits de réduction d’émission certifiés nationalement (CCER) octroyés en reconnaissance de coupes de pollution, suite à l’emploi de nouvelles technologies, par exemple dans les  énergies renouvelables. Ces CCER seront aussi un produit vendable en bourse, au même titre que les crédits carbone.

Un dernier instrument « écolo-financier » viendra compléter la panoplie : l’émission ponctuelle de crédits carbone à titre onéreux et aux enchères. Leur utilité sera de refroidir le marché en cas d’envol des cours et d’éviter une hécatombe de faillites socialement dommageable.

Comme on voit, c’est tout un paysage industriel et financier radicalement nouveau qui apparaît. Il bouleversera le tableau de l’économie chinoise, avec des conséquences encore imprédictibles. La seule chose qu’on puisse en dire est que l’écologie y entre par la grande porte—et que la Chine, avec l’audace qui caractérise son nouveau cadre réglementaire, risque de prendre la tête du peloton mondial de la décarbonisation.


Economie : Marche arrière, toute !

La Chine se débat entre croissance en panne et critiques de l’étranger –le bras de fer commercial avec les USA, et la présence réduite à 40 chefs d’Etat au Forum BRI de Pékin (25-27 avril) sur les 138 pays dits « alliés » de ce concept des nouvelles routes de la soie.

Dans ce contexte, il est intéressant de constater des demi-tours discrets du régime, sur plusieurs politiques exemplaires.

– La première touche à l’urbanisme. A partir de 2017, sur ordre du gouvernement, les mégapoles telles Pékin ou Shanghai entamaient des actions massives d’expulsions de migrants et démolitions de leurs habitats.

Or le 8 avril, la NDRC (l’organe planificateur de l’économie) tente de relancer l’exode rural vers les villes moyennes. Désormais, les critères pour obtenir le hukou, permis de résidence conditionnant l’accès subventionné à des services (santé, éducation), seront réduits dans les villes de 3 à 5 millions d’âmes telles Wuxi ou Ningbo, et supprimés dans les villes de 1 à 3 millions, telles Shijiazhuang, Lanzhou ou Jilin. Parallèlement à la démarche de la NDRC, des villes à la population supérieures à 5 millions tentent de profiter du mouvement : Hangzhou et Xi’an, capitales provinciales, annoncent depuis janvier qu’elles vont adoucir leurs critères de hukou pour permettre aux diplômés et jeunes talents de venir chez elles.
Grâce à ces mesures, l’Etat espère mener à bien son plan en vigueur depuis 2016, censé s’achever en 2020, pour accueillir 100 millions de nouveaux citadins. D’ici fin 2019, il vise aussi à rehausser de 1% le taux d’urbanisation national, qui était de 59.6% fin 2018.

Comment comprendre ce demi-tour de la politique urbanistique ? Par la décroissance des villes, qui menace directement leur prospérité. Une étude récente rapporte que près d’un tiers des villes du pays sont en chute libre démographique, par épuisement du filon de l’exode rural. Dès lors, une concurrence effrénée entre les conurbations s’engage, pour les derniers migrants ou jeunes diplômés, afin d’utiliser et rentabiliser les métros, écoles et logements que les villes continuent à bâtir. La NDRC laisse faire, dans l’espoir de faire des villes de 3ème et 4ème rang ses derniers relais de croissance.

– Un autre demi-tour est perceptible, au chapitre de la natalité : à défaut d’une action de l’Etat, c’est le secteur privé qui bouge. Lors des deux assemblées de mars (ANP, CCPPC), malgré les alertes répétées des démographes, le pouvoir avait renoncé à décréter l’abolition totale du planning familial –peut-être pour ne pas avoir à démanteler l’administration en charge.

Cependant à Yixing dans le Jiangsu, Far East Holding, firme de fibre optique de 11.000 employés, promettait le 8 avril, à ses jeunes employés en couple, des congés parentaux prolongés et des promotions accélérées, pourvu qu’ils conçoivent un 3ème enfant. Le PDG du groupe justifie l’action par le souci de prévenir le vieillissement de la ville, et l’espoir que les employés bénéficiaires renforceront leur ardeur au travail, sous le besoin de nourrir leur famille élargie. Les internautes cependant remarquent que de tels incitatifs ne suffiront pas à inspirer des familles nombreuses : ce qu’il faudra aux parents, pour assumer les frais toujours plus lourds d’éducation, est un soutien financier, soit par une hausse salariale ou des allocations familiales, pour l’instant invisibles à l’horizon. Pragmatique, He Yafu, démographe du Guangdong, rappelle aux employés de Far East Holding que faire un 3ème enfant contrevient toujours au système officiel en place. Mais cette initiative privée pourra peut-être faire réfléchir l’Etat. C’est en tout cas un signe avant-coureur du souci d’une société entière vieillissante, en mal d’un coup de jeune.

– Un autre tournant touche aux traitement réservé aux entreprises étrangères sur sol chinois. Publiant son bilan d’inspection des provinces et des niveaux de base au 4ème trimestre, l’Office national d’audit constate que « les firmes étrangères ne sont pas équitablement traitées ». 45 agences ont été épinglées à leur imposer des taxes illégales, ou bien à retarder sciemment l’octroi de leur licence.

Le 15 mars, journée des droits des consommateurs, la CCTV, qui de temps immémoriaux concentrait ses piques contre les marques étrangères, s’est cette fois-ci entièrement abstenue. De même, au Plenum, les édiles ont approuvé à toute vitesse une loi des investissements étrangers, se voulant plus protectrice.

La cause du changement d’attitude de l’Etat chinois est aisée à deviner : les levées de boucliers successifs des Etats-Unis et de l’Union Européenne concernant l’accès au marché chinois de leurs entreprises. Notoirement, l’UE n’y achemine chaque année que 3% de ses investissements, découragée qu’elle est par la discrimination et les « chasses gardées » qui y attendent ses firmes. Toutefois, la teneur de la nouvelle loi sur les investissements n’a pas été considérée comme suffisante pour modifier en profondeur le rapport de force.

– Dernière marche arrière, l’autorité de l’audiovisuel bannit les émissions TV impliquant des enfants de stars, tel le populaire « Dad, where are we going ».  Quinze jours plus tôt, c’était au tour de toutes séries TV sur fond de dynastie Ming. Très populaires, elles étaient sans doute trop nostalgiques d’une époque impériale peu au goût du censeur.

Comme par compensation, apparaît en même temps sur smartphone, une application permettant aux citoyens d’approfondir leurs connaissances sur la pensée de Xi Jinping. Ce dernier passe-temps proposé par le régime, permet de deviner vers quelle direction il souhaite rectifier la pensée, et les divertissements des petites gens.


Economie : Le marche ou crève des boîtes

L’économie chinoise est à la peine, tous les feux sont à l’orange clignotant. Lors de la session de l’Assemblée Nationale Populaire en mars, le 1er ministre Li Keqiang prédisait pour 2019 une hausse de PIB de +6% à 6,5%. Mais le think tank américain Brookings le dément sans fard : depuis 2008, la croissance a été exagérée de 1,7% par an en moyenne, aboutissant en 2016 à une économie réelle 12% moins élevée que les chiffres avancés par l’Etat.

Pei Minxin, du Claremont McKenna College avertit : « l’inaptitude de l’Etat chinois à relâcher les rênes de l’économie, conduira le pays à la pire récession de son histoire ». Selon Pei, Pékin n’a pas su voir en le conflit commercial avec les USA une opportunité de réformer son monde des affaires. Les promesses chinoises aux hommes de D. Trump, sextupler les importations de produits made in USA et renforcer la protection des brevets, mais sans remettre en cause les liens troubles entre Etat-Parti, ne vont pas dans le bon sens.

Pendant ce temps, ce conflit impacte négativement le carnet de commandes des usines et le climat d’affaires. Les dernières tendances conjoncturelles laissent apparaître des profits industriels de janvier-février érodés de 14% (105 milliards de $), des ventes auto cassées de -42%, des profits dans les télécoms en baisse de 21% et des exportations de -20,7% en février. Sous l’orage, la hausse du PIB pour janvier-février tombe à +5,3% – le taux le plus bas depuis l’ère de Deng Xiaoping !

Les conséquences ne se font pas attendre –les faillites explosent. Au 1er avril, leur nombre de 2018 était dévoilé : il a doublé (+97%) par rapport à 2017 avec 18.823 cas enregistrés par les tribunaux, dont 40% entre Zhejiang, Jiangsu et Canton.

L’Etat voit en cette concentration géographique une « imperfection du système et la subjectivité des juges locaux ». Mais ces provinces sont aussi les plus riches, celles où le secteur privé est le plus ancré et où l’économie de marché fonctionne le mieux.

Au Hebei, ateliers et PME souffrent de la campagne anti-pollution : ayant dû investir jusqu’à 2 millions de ¥ chacun pour s’équiper de filtres anti-poussières, ils ont été quand même été forcés au chômage technique durant l’hiver (de novembre à mars), pour préserver les cieux bleus de la capitale, causant faillites et licenciements à la pelle au printemps. Et ce n’est pas fini !

Dernière faillite en date : le 28 mars Tuandai, plateforme de prêts entre particuliers (P2P), jetait l’éponge avec pour 2,16 milliards de $ de prêts en cours. S’étant présentés à la police, les deux fondateurs sont mis sous enquête pour levée illégale de fonds. Populaires jusqu’en 2015, 3500 sites de ce type drainaient une part de l’épargne chinoise, nourrissant une florissante finance grise. L’Etat avait intérêt à faire le nettoyage, pour assainir un maquis financier perclus de trafics pyramidaux… En attendant, les 220.000 petits bailleurs de fonds de Tuandai perdent parfois toute leur épargne et se retournent contre l’Etat pour se voir dédommager, sans grand espoir.

La messagerie Rufengda ferme aussi, avec 15 millions de $ de dettes et 3 mois d’impayés à ses 3000 livreurs. En janvier, un groupe de Shenzhen voulait racheter le groupe, mais sans les dettes. L’annulation de la vente signa finalement la mort de Rufengda, après celles d’autres messageries de taille moyenne, telles Kuaijie et Quanfeng faillies en 2018. Une consolidation du secteur de la livraison est donc en cours, au profit des sept plus gros groupes, dont ZTO et S.F., cotés en bourse, qui occupent 70% du marché.

Même les géants commencent à vaciller. JD Logistics, filiale du n°2 du e-commerce JD.com, se mettait le 7 avril à « tester » le passage du revenu minimum jusqu’alors garanti à ses livreurs, au système des commissions pratiqué par la concurrence.  A présent, 20.000 actifs doivent être débarqués par les méthodes les plus drastiques, dont la moitié de livreurs. Fin 2018, le siège de JD.com licenciait 10% de son Etat-major. Le 7 avril, une note interne avertissait sans frais : ceux « qui ne donnent pas le meilleur d’eux-mêmes, peu performants ou trop payés par rapport aux résultats » seront remerciés, à moins d’accepter une position inférieure ou une baisse de salaire. De plus, si deux membres d’une même famille travaillent pour le groupe de Richard Liu, l’un des deux devra présenter sa démission.

Pour pousser les employés volontairement vers la sortie, l’entreprise pratique le « 996 », consistant à travailler 12 heures par jour (« de 9h du matin à 9h du soir, 6 jours par semaine »), jusqu’à l’inévitable burn-out.

Les employés « geeks » se défendent en publiant (anonymement) sur le site Github une liste de 90 compagnies adeptes du « 996 », 16 heures de travail hebdomadaire de plus que ne le permet la loi. Une démarche qui a fait couler beaucoup d’encre sur le portail social Weibo. Les dénonciations collectives des conditions de travail sont déjà rares dans les milieux industriels, elles le sont encore plus dans les secteur du e-commerce et de la high-tech.

JD.com n’est pas seul dans cette mauvaise passe : tous les groupes de l’internet souffrent, de Tencent à Alibaba, de Meituan Dianping à Didi Chuxing. Il s’agit pour ces « licornes » de procéder aux ajustements nécessaires de leur modèle d’affaire pour s’adapter à une croissance ralentie. Ces mesures drastiques chez JD.com sont sans doute nécessaires pour aider l’entreprise à travers la tempête, mais il paraît toutefois peu probable que le modèle du « 996 » triomphe sur le long terme. Sauf que le mal est déjà fait : travailler chez JD.com fera moins rêver ! 


Petit Peuple : Changsha – la jalousie de Zhang Ying (2ème partie)

Le couple Zhang Ying/Feng Mei bat de l’aile – Feng a quitté le foyer. Mais l’annonce d’un bébé peut tout changer. Elle décide donc de revenir à la maison ! 

 Après les  années orageuses, on eût pu s’attendre que l’arrivée d’un enfant assagisse le jeune couple. Il n’en fut rien : à peine Feng Mei de retour à la maison en novembre 2015, chez son mari et ses beaux-parents, les disputes reprirent de plus belle, sur toute question, même la plus futile. Comme pour la punir de sa fuite du foyer, la belle-mère menait la danse. Au nom de la santé du futur héritier, Feng était sommée chaque jour de faire la sieste, de renoncer aux sorties, aux visites des copines (« qui la fatiguaient »), de cesser de grignoter les arachides à la badiane ou les graines de potiron dont elle raffolait. Plus grave, Zhang Ying et sa mère lui faisaient la guerre pour qu’elle cesse son travail, et renonce à son lien au monde, à son salaire. Chaque jour un peu plus, Feng Mei se sentait bâillonnée, dépossédée d’avance de cet enfant qu’elle portait. Suite à la énième séance de critique oiseuse et malveillante, n’y tenant plus, elle prit ses cliques et ses claques, pour rentrer chez ses parents, enceinte jusqu’aux dents.

Zhang Ying le mari esseulé restait déstabilisé, entre fureur et perplexité, incapable de comprendre dans cette évolution qu’il ne maitrisait pas, sa propre responsabilité. Car rien ne serait arrivé, s’il avait osé tenir tête à sa mère pour protéger son épouse. Une fois Feng partie, la mère n’arrangea rien, en lui reprochant de n’avoir su tenir son épouse sous contrôle, par manque de virilité mâle… Pour éviter ces humiliations, au sortir du travail le soir, il fuyait à son tour le foyer. Presque chaque nuit, il se consolait dans les KTV, poussant la chansonnette avec les copains, ou des filles de rencontre.

En février 2016 Zhang Ying commença à ressentir des douleurs pelviennes. Après examen, l’urologue lui apprit qu’il souffrait d’une infection de la prostate. Elle lui faisait risquer la stérilité. A l’annonce de cette nouvelle désagréable, il réfléchit et en tira la conclusion que Feng était forcément coupable. Elle l’avait sans doute trompé avec un autre homme, qui la lui avait repassée. De toute manière, Feng était quand même la responsable, puisqu’elle l’avait abandonné…

Alors qu’il était dans sa chambre à l’hôpital, ressassant ces pensées moroses, Feng l’appela depuis la maternité pour lui apprendre la nouvelle, la seule qui puisse encore sauver leur couple : depuis quelques heures, il était père d’un garçon en parfaite santé !  Mais la bonne nouvelle arrivait trop tard : avec sa mère, Zhang Ying avait déjà décidé que l’enfant n’était pas de lui. À Feng qui lui demandait d’aller au bureau d’Etat civil pour reconnaître leur fils, il déclina sèchement : il n’avait « aucun moyen de  reconnaître l’enfant illégitime » (无发认领, wúfā rènlǐng). Et vu les circonstances, elle comprendrait bien qu’il ne puisse contribuer en quoi que ce soit aux frais de subsistance et d’éducation du rejeton. Et il raccrocha. 

Soutenue par ses parents et ses frères, Feng était blessée et triplement lésée, ayant perdu cette fois définitivement mari, honneur, et soutien pour cette bouche à nourrir. Régulièrement, elle le rappelait chez lui pour insister que Pingping était bien son fils. Mais Zhang Ying, ou sa mère, raccrochait en entendant sa voix.

Deux ans passèrent jusqu’à ce jour de mai 2018 où Zhang et les siens décidèrent de divorcer et convoquèrent Feng Mei au tribunal, selon la procédure en cas de désaccord. Face au juge, le mari offrait à titre de compromis, de reconnaître l’enfant, de payer pension, et de laisser la garde à son ex-femme, si elle, de son côté, acceptait un test génétique, histoire d’en avoir le cœur net.

Et c’est alors que Feng Mei sortit son arme secrète, longuement affûtée : elle acceptait le test ADN, mais à une condition. Devant notaire, chacun mettrait 300.000 ¥ comme enjeu du pari, et comme compensation pour la souffrance psychologique du gagnant. Si Pingping n’était pas de lui, l’argent serait pour Zhang Ying. Mais s’il était de lui, et s’il l’avait injustement accusée, ce serait elle qui raflerait la mise ! L’annonce du pari avait laissé Zhang ahuri, écarquillant les yeux et regardant ses parents perplexe. Quand le juge lui demanda s’il relevait le pari, il ne sut que balbutier que « non, il ne pouvait pas ».

Ce faisant bien sûr, il se mettait dans la pire des situations. Face au juge, il admettait n’être plus si sûr de l’infidélité de sa femme, tout en persistant à réclamer la séparation. « La prostatite du mari, statua le magistrat, n’était pas en soi la preuve d’une infidélité de son épouse ». Et comme le test ne pouvait pas être imposé en l’absence d’unanimité, le divorce fut prononcé aux dépends du mari, astreint au paiement d’une pension et perdant la garde de l’enfant. La chance avait tourné en faveur de Feng Mei, qui récupérait tout – pension, enfant, honneur ! Et plus personne désormais ne pouvait lui contester le droit d’organiser sa vie et celle de son fils, comme elle l’entendait.

 Pour arriver à cette renaissance, il en avait fallu, des orages, des humiliations et des pleurs. Mais Feng a gagné. En prenant les bonnes décisions avec courage et tête froide, elle s’est moqué du « qu’en dira-t-on ». Zhang Ying lui reste emberlificoté, sous l’emprise de sa mère. Tout cela pour n’avoir jamais su se libérer de ses privilèges d’enfant unique et gâté, ni assumer ses responsabilités d’adulte.


Rendez-vous : Semaine du 15 au 21 avril 2019
Semaine du 15 au 21 avril 2019

15 avril – 4 mai Canton : Foire de Canton

 

15-17 avril, Shanghai : IFAT CHINA, Salon de la purification de l’eau, de la valorisation, du recyclage et du développement durable

15-17 avril, Pékin : CIBES (CHINA INTERNATIONAL BUILDING ENERGY EFFICIENCY & ADVANCED BUILDING MATERIALS EXHIBITION), Salon chinois international des économies d’énergie et des matériaux avancés dans le bâtiment

15-17 avril, Pékin : COTTM, dédié au marché du tourisme chinois à l’étranger

16-18 avril, Shanghai, ABACE – ASIAN BUSINESS AVIATION CONFERENCE & EXHIBITION, Salon international des produits et services pour l’aviation en Asie

16-18 avril, Shanghai : AUTOMOTIVE LOGISTICS ASIA CONFERENCE, Conférence sur la logistique dans l’industrie automobile pour les décideurs en Chine

17-19 avril, Pékin : CIHIE – CHINA INTERNATIONAL HEALTHCARE INDUSTRY EXHIBITION – BEIJING, Salon chinois international de l’industrie de la santé

17-19 avril, Pékin : SBW EXPO – BEIJING, Salon professionnel dédié à l’eau potable et à l’eau de source en bouteille

17-19 avril, Pékin : AIFE (ASIA INTERNATIONAL IMPORT FOOD EXPOSITION) – BEIJING, Salon international de l’agroalimentaire et de l’alimentation bio

 

18-21 avril , Shanghai : SHANGHAI WORLD TRAVEL FAIR, Salon Mondial du Voyage

18-25 avril, Shanghai : AUTO SHANGHAI, Salon international de l’industrie automobile de Shanghai

20-24 avril, Shanghai : HORTIFLOREXPO – IPM CHINA : Salon international des plantes et des fleurs

21-23 avril, Shanghai : CHINA EPOWER, Salon chinois international de la génération d’énergie et de l’ingénierie électrique

21-23 avril, Shanghai : POWER CHINA, D-Energy, E-Power, G-Power, W-Power, Salon international des moteurs électriques, des générateurs d’énergies et groupes électrogènes, Salons chinois de la production d’énergie