Editorial : Le Parlement vote comme un seul homme

Le Parlement vote comme un seul homme

Comme chaque année, la session du Parlement s’est achevée par les votes des différentes lois, budgets et rapports gouvernementaux passés en revue durant le rassemblement politique (4 au 11 mars).

Baromètre de la popularité du leadership en interne, une analyse des votes électroniques des 2896 délégués révèle que le nombre de voix « contestataires » au sein du Parti ne cesse de se réduire depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping. L’an dernier, le niveau d’approbation des politiques du Président avait atteint les 98,5% – niveau record – contre seulement 85,3% lors de sa prise de pouvoir en 2013.

Ainsi, le 14ème plan quinquennal (2021-2025), dont les maîtres-mots sont « secteur manufacturier, innovation, environnement, réforme sociale, défense, et auto-suffisance », a été adopté à 2873 voix (soit 99,2%), 11 « contre » et 12 abstentions. Mais l’exemple le plus frappant de cette session 2021 est sans aucun doute celui du projet de réforme du système électoral hongkongais, adopté sans aucune opposition (2895 voix « pour », une seule abstention). À titre de comparaison, la loi de sécurité nationale adoptée l’an dernier avait reçu 2873 voix « pour », 11 « contre » et 12 abstentions.

Cette quasi-unanimité est-elle le résultat d’un réel consensus autour du leader ou plutôt d’une peur des représailles sur fond de campagne anti-corruption ? Difficile à dire, si ce n’est que l’anonymat supposé du système électronique de vote a été plusieurs fois mis en doute par les délégués dans le passé… Quoi qu’il en soit, cette tendance est à interpréter comme la consolidation de l’autorité de Xi Jinping.

Autre expression de ce resserrement autour du « noyau » du Parti : très peu d’édiles ont osé exprimer leurs doutes vis-à-vis des politiques actuelles du Parti durant cette grand-messe.

Alors que l’an dernier, les propos du Premier ministre Li Keqiang en (visio) conférence de presse avaient suscité un débat national autour du niveau de pauvreté réel du pays et ravivé les spéculations de luttes intestines, cette année, le n°2 du gouvernement n’a pas fait de vagues, se contentant de défendre un objectif de croissance du PIB « d’au moins 6% » « pas si bas » tout en reconnaissant « les incertitudes qui planent sur la relance économique chinoise, mais aussi mondiale ».

Il y a bien He Yiting, ex-directeur adjoint de l’École Centrale du Parti et fidèle de Xi Jinping, qui a averti contre « la montée du nationalisme » en Chine, nuisible à l’image du pays à l’étranger. Un message probablement adressé au ministre des Affaires étrangères Wang Yi, présent dans la salle, et son armée de diplomates « combattants ». Deux jours plus tard, Wang Yi a justement tenté d’adopter un ton plus conciliant dans sa conférence de presse. Un exercice périlleux étant donné que Pékin n’est pas prêt à la moindre concession sur des sujets comme Hong Kong, le Xinjiang ou la mer de Chine du Sud… L’ancien idéologue a également préconisé « la prudence » dans la manière dont la Chine gère ses relations avec des « pays importants ». À la veille d’une première rencontre avec le nouveau secrétaire d’État américain Anthony Blinken et le conseiller à la sécurité nationale à la Maison-Blanche Jake Sullivan en Alaska (États-Unis) le 18 mars, He Yiting sera-t-il entendu ?

L’ex-ministre des Finances Lou Jiwei, connu pour son franc-parler, a lui, mis en garde contre les difficultés fiscales à venir, sous l’effet du ralentissement économique mondial, du vieillissement de la population et de l’endettement croissant des gouvernements locaux. Des propos publiés quelques jours avant l’ouverture du Parlement, mais qu’il a tenu lors d’un forum fin décembre. Durant cet évènement, le directeur du Comité des affaires étrangères du comité national de la CCPPC a également accusé la Banque Centrale et le régulateur financier d’avoir ignoré les « risques systémiques » et fait preuve de « négligence » dans leur supervision des banques (régionales) et des firmes d’État.

Malgré ces rares prises de parole en public, l’unité de façade que se donne le Parti offre de moins en moins d’éléments aux observateurs pour repérer d’éventuelles dissensions… C’est pourquoi le moindre changement dans le protocole de ce grand rendez-vous politique hautement chorégraphié, est scruté à la loupe. Justement, durant presque toute la durée du Parlement (sept jours sur huit), deux tasses à thé ont été placées sur la table du Président Xi, au lieu d’une seule pour le reste de l’assemblée, le Secrétaire général bénéficiant déjà de son serveur masculin attitré. Faut-il voir dans ce traitement de faveur un renforcement symbolique de son statut au sein du Parti à la veille du 20ème Plenum de 2022, ou simplement des considérations gustatives, de santé, ou de sécurité personnelle ? Le mystère reste entier.

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