Art : Les utopies de Cao Fei

Les utopies de Cao Fei

Mixant commentaire social, esthétique populaire et références au surréalisme dans ses films et installations, Cao Fei génère des œuvres-documentaires aux notes fantastiques, reflétant les changements rapides et chaotiques qui se produisent aujourd’hui dans la société chinoise. Une pratique particulière et un monde inédit, qui lui valent d’être considérée comme l’une des jeunes artistes chinoises les plus innovantes à avoir émergé sur la scène internationale.

Née en 1978 à Canton, l’artiste multimédia vit et travaille à Pékin. Des vidéos à la performance, le travail de Cao Fei (曹斐) explore les médias digitaux afin de rendre compte de la vie quotidienne et actuelle des Chinois, notamment à travers le biais de la culture internet.

Toujours entre rêve et réalité, ses œuvres capturent la fulgurante transformation sociale et culturelle de la Chine depuis 1992, en soulignant l’impact des influences étrangères des États-Unis et du Japon. Cao Fei s’est ainsi immergée dans les flux de la pop mondiale – pop-cantonaise, animation japonaise et hip-hop américain – fascinée par les jeunes sub-cultures locales.

Dans ses premiers travaux photographiques et vidéo (« COSplayers » (2004)), elle a exploré l’aliénation et le désir d’évasion ressentis par certains jeunes, à travers des personnages de jeux fantastiques. L’interaction entre les mondes virtuel et réel, l’utopie et la dystopie, le corps et la technologie sont des thèmes majeurs pour l’artiste, sur lesquels elle affûte sa vision de la société.

« Whose Utopia », réalisé en 2006, est une œuvre majeure. Le film explore le contraste entre les expériences quotidiennes et les aspirations des travailleurs de la chaîne de montage d’une usine d’ampoules électriques située dans le Delta de la Rivière des Perles, sa région natale.

De ses conversations avec les ouvriers, Cao Fei réalise des performances, une mise en œuvre des rêves et fantasmes de chacun (une ballerine, un musicien, un maître de tai-chi), ce qui mène à la « création de leurs avatars », explique Cao Fei.

Une occasion de s’évader et de se réinventer, dans le cadre conformiste de l’usine. La mise en scène de cette utopie « suggère une perpétuelle disparité entre l’enfermement d’un mode de vie industriel et l’utopie individuelle » poursuit Cao Fei.

Depuis, l’artiste continue de mêler réalité et virtualité, de façon de plus en plus pointue. « RMB City : A Second Life City Planning By China Tracy » (2007) imagine le futur des villes chinoises : les utilisateurs, via leurs avatars choisis, peuvent acheter et échanger des objets, construire des structures urbaines et interagir avec d’autres avatars dans une utopie artificielle… Qui n’a plus rien d’imaginaire en 2021.

En 2018, c’est son film et installation multimédia « Asia One » qui propose une vision hyper réelle du futur proche en examinant l’effet de la technologie sur les relations humaines.

Les œuvres de Cao Fei ont été exposées dans de nombreuses biennales et triennales internationales, dont les 50e, 52e et 56e Biennale de Venise (2003, 2007 et 2015). Des expositions et projections de son travail ont eu lieu dans de prestigieuses institutions telles que la Serpentine Gallery (2006 et 2008) et la Tate Modern de Londres (2002, 2013 et 2014), le Guggenheim Museum (2011 et 2018) et le MoMA à New York (2016 et 2015), la Fondation Louis Vuitton (2016), Palais de Tokyo (2005 et 2017) et Centre Pompidou à Paris (2003, 2014, 2019). Elle fut lauréate du Hugo Boss Prize en 2010. Elle a reçu le Chinese Contemporary Art Award (CCAA), le Best Young Artist Award en 2006 et le Best Artist Award en 2016. Une rétrospective lui a été consacrée à l’UCCA de Pékin entre mars et juin 2021.  

Par Caroline Boudehen

IG: @caromaligne

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