Religion : Autour du lamaïsme, chaleurs hivernales

A quelques jours de la fin d’année, la politique religieuse chinoise est secouée de spasmes, dont l’épicentre se trouve dans le lamaïsme tibétain

La presse dénonce avec vigueur les faux « Bouddhas vivants ». Selon son décompte, n’existeraient que 358 authentiques « Rinpoche » (ou « Tulkous »), les autres, en grands nombres, étant des imposteurs autoproclamés ou ayant acheté leur titre. L’administration compte certifier les vrais et publier leur liste – pour mieux pouvoir demander des comptes aux autres.
La critique émanant de la Commission Nationale Consultative (CCPPC), est sans doute fondée. Toutefois Xiaba, lui-même Bouddha vivant et vice-directeur de l’Association bouddhiste d’Aba (Sichuan), attribue cette prolifération de faux-Bouddhas au fait que « la population en grande demande de ces maîtres, n’a pas accès aux vrais ».
Sur un front voisin, Chen Quanguo, le Secrétaire du Parti au Toit du Monde, exhorte le Panchen Lama (second plus haut prélat du clergé lamaïste) de rejeter l’autorité du Dalai Lama, en fuite et haï par le régime. Or cette mise en demeure apparaît compliquée. Gyaltsen Norbu, ce jeune Panchen de 26 ans, est mis face à un choix impossible. Son ordination comme onzième Panchen en 1995 s’est déroulée dans un contexte tout sauf harmonieux, en renversant sur ordre du Président Jiang Zemin, Gehdun Choekyi Nyima (en résidence secrète surveillée avec ses parents jusqu’à ce jour), qui venait d’être reconnu Panchen par le Dalai Lama. Ces circonstances font que Gyaltsen n’est pas unanimement reconnu dans la communauté lamaïste. Ainsi, s’il acceptait la demande du Secrétaire Chen, de dénoncer l’autorité du Dalai Lama, il perdrait illico le peu de crédit dont il jouit dans son église, et passerait d’autant plus pour une marionnette. 

Le Dalai Lama, il faut l’admettre, vient de se mettre en position vulnérable en priant le monde (le 5/12) de « dialoguer » avec Daesh.
Trois jours après, le groupe terroriste postait sur internet une chanson appelant des Chinois à rejoindre ses troupes. Ainsi l’appel au dialogue du Dalai ne pouvait tomber plus mal et offrait à la Chine l’argument lui permettant d’affirmer qu’il soutient l’Etat Islamique. 

Dans la série des incidents se déroulant en Chine autour du lamaïsme, le suivant donne peut-être la clé de tout ce malaise.
Par media interposés, Pékin accuse ses cadres ethniques au Xinjiang et au Tibet de déloyauté, de pratique religieuse secrète, et même de soutenir le terrorisme. Très dure, la dénonciation trahit le désarroi du Parti face à une situation ressentie comme un échec. De longue date, le régime recrute très jeune ses futurs cadres Tibétains ou Ouighours, parmi les écoliers les plus doués. Il les forme en écoles spéciales et une fois adultes, les intègre au Parti tout en leur octroyant des postes de confiance dans leur région. Il s’agit donc d’une élite de seconde génération, bilingue. Mais voici qu’aujourd’hui, il constate qu’après tous ses efforts, ses cadres se montrent parfois sympathisants de la cause qu’ils sont censés combattre. Au Xinjiang, 355 de ces cadres ethniques auraient été sanctionnés l’an passé, pour avoir violé la « discipline de Parti ».

Ceci s’explique par l’écartèlement (classique chez des groupes minoritaires) du cadre ainsi formé, entre la fidélité à la patrie et celle envers son peuple. Ce conflit personnel se voit alors exacerbé par le durcissement du régime depuis 2014, et sa dure campagne anti-séparatiste, terroriste et extrémiste. 

C’est dans ce climat tendu que le gouvernement prépare un « Sommet Politique sur les Religions » avant la fin de l’année. Signe de l’importance que ce sujet revêt auprès du chef de l’Etat, ce « synode communiste » sera le premier de ce type en Chine, depuis 11 ans. Son but : « siniser » toutes les fois mondiales pratiquées sur son sol, et « former » tous les clergés (chrétiens, lamaïstes, ouighours)… Autrement dit, le rapport difficile entre le Parti et ses religions, est là pour durer – très longtemps.

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