Chinafrique : Sommet Chine-Afrique, le lien renouvelé

Présidé par Xi Jinping, le 2ème Sommet Sino-Africain (FOCAC) à Johannesburg (4-5 décembre), permit de constater l’ importance stratégique de l’Afrique pour la Chine. Avec l’Europe, l’Afrique est le seul continent avec lequel elle a noué des relations « de bloc à bloc », invitant dès 2006 à Pékin, au Sommet fondateur, tous les Etats africains—sauf ceux ayant installé leur ambassade « chinoise » à Taiwan. 

Signe de respect, Xi Jinping s’est rendu à Johannesburg deux journées, sans compter l’escale au Zimbabwe, chez le vieil allié totalitaire R. Mugabe. Un autre indice fut le montant du chèque alloué à l’Union Africaine : 60 milliards de $, le triple de la dot de 2012, assorti de la levée des prêts sans intérêts, échéant en 2015. Xi offrit la formation de 200.000 techniciens en Afrique et 40.000 en Chine, dans le cadre d’un plan de zones industrielles à l’échelle continentale. 

Cette liste de cadeaux illustre bien la continuité dans l’aide chinoise au développement africain : en 2013, elle versait 13 milliards de $, soit 44% du budget chinois d’aide au développement dans le monde. 

L’effort arrive sous une conjoncture pourtant peu favorable : pour l’Afrique sub-saharienne, le FMI prévoit 3,8% de PIB en 2015, et 4,3% en 2016, en recul par rapport aux 5% de 2014. Les échanges sino-africains sont impactés par la récession mi-programmée («nouveau normal»), mi-subie par l’économie chinoise. Au 1er semestre 2015, les importations chinoises reculèrent de 43%, et les investissements chinois (IDE), de 40% (1,19 milliard de $) par rapport au 1er semestre 2014.

Depuis 2000, les échanges avaient fusé de 10 milliards $ à 220 milliards de $, mais depuis 2013, ils ne progressèrent plus que de 2 milliards de $ en tout et pour tout. La chute de l’import chinois de pétrole et minerais africains (fer, cuivre, titane) ont entaillé les revenus de ces Etats, jusqu’à 60% en Zambie, et 50% au Nigeria, Tout ceci fait craindre à Martyn Davies, du cabinet Deloitte, que des projets investis aujourd’hui en Afrique, le soient à fonds perdus : le capital offert par Xi Jinping, serait « investi quasi à contre cycle ». 

C’est probable, mais c’est voulu –choix politique de long terme. La brutale coupure des importations chinoises, cassant au passage les cours mondiaux de ces « commodities », a mis en lumière la vulnérabilité d’une économie africaine trop axée sur les ressources minières et fossiles, face à un exploitant chinois qui recourt aussi peu que possible à l’emploi local et emporte « sa » marchandise en faisant venir le personnel nécessaire.

Très inquiets lors du Sommet FOCAC, les dirigeants africains espéraient donc la confirmation de l’effort chinois à long terme, et surtout un réexamen des priorités de cette politique : une aide à la diversification des investissements, pour une baisse de leur dépendance envers la Chine. Ils ont obtenu, sinon des réponses, du moins des signaux favorables. 

Cela dit, en préparant son paquet d’investissements en Afrique, la Chine garde les yeux grands ouverts. Comme toute puissance émergente avant elle, elle prépare sa zone d’influence et son marché de demain. Selon McKinsey, le continent noir comptera 20% de l’humanité dès 2025 – autant que la Chine – et deux-tiers des 303 millions de foyers modérément prospères seront alors clients des biens et services chinois. Si la Chine arrive à doter l’Afrique d’un réseau intégral et efficace d’équipements (eau, énergie, transports, communication), la Banque Mondiale prédit au continent une productivité accrue de 40% et 2% de PIB annuel supplémentaire, dont le 1er bénéficiaire étranger sera la Chine. 

Par ailleurs, la principale cause du frein à la croissance chinoise, c’est désormais clair, est la surcapacité de tous ses secteurs industriels (des aciéries aux usines automobiles, cimenteries et panneaux solaires). On connait la stratégie de relance adoptée mais pas encore mise en œuvre : exporter massivement ses surplus à crédit et à prix cassés pour équiper divers pays à travers le monde. C’est son plan « Une route, Une ceinture ». A cet effet, des instruments financiers spécifiques s’installent tels le Fonds « Silk Road », les banques AIIB ou BRICS. Le groupe suisse UBS s’attend à voir ce programme drainer 2000 milliards de $ chinois sous 3 ans : les 60 milliards juste alloués à l’Afrique en sont probablement une partie. 

Dans quels projets iront-ils ? Au Kenya débute le chantier de la ligne ferroviaire Mombasa (port) – Nairobi, avec 3,6 milliards de $ de l’Exim Bank : montant titanesque, égal à l’aide chinoise à l’Afrique en 2014. A Johannesburg, Mme K.D. Zuma, Présidente de l’Union Africaine, a évoqué une ligne ferroviaire « à grande vitesse » avec l’aide de la Chine, qui relierait les pays tout au long de l’axe Nord-Sud du continent. Le projet a été jugé irréaliste car anticipant trop sur le degré actuel d’intégration et sur la capacité locale à rentabiliser et maintenir un tel outil. Avant de bâtir les gares et construire les rames, il faudrait d’abord déployer le réseau d’eau, d’électricité et d’hygiène publique…

Notons que le Zimbabwe reçoit de Pékin 4 milliards de $ pour 12 projets majeurs, dont 25% pour renforcer la capacité de la centrale thermique de 600MW à Hwange. L’Afrique du Sud reçoit 6 milliards, au titre de 26 contrats d’énergie, de transports, une usine automobile (pour exporter autour d’elle), une centrale nucléaire. 

De tout cela, ressort l’image d’un engagement ferme chinois en Afrique. Cité par Le Point, Zhao Changhui, de l’Exim Bank, affirmait en 2013 que « pour les 20 prochaines années, l’Afrique serait la seule destination d’affaires pour la plupart des consortia chinois » – une petite phrase à ne pas oublier.

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