Infrastructures : Pékin – Trois canaux périphériques

Pékin consomme plus d ’eau qu’elle n’en produit. D’où le mégaprojet de Canal Sud-Nord (cf photo, durant les travaux), ouvert en décembre 2014, qui a dérivé du Yangtzé de janvier à mi-mai 200 millions de m3 – sur les 1,5 milliard nécessaire. 

La mairie de Pékin présentait en avril (révélé le 30 juin) un nouveau projet : entourer la capitale de 3 canaux concentriques. En 6 à 8 ans de travaux, elle pense pouvoir relier sur 20km ses canaux et lacs du centre-ville (canal intérieur), ses douves et voies d’eau sur 60km sur le canal intermédiaire, et creuser les 230km du canal extérieur. Soumis par Jia Shaofeng, chercheur à l’Académie des Sciences, le concept permettrait de réduire la pollution grâce aux stations d’épuration et à la circulation d’eaux aujourd’hui dormantes. Il combattrait aussi les crues d’été, toujours plus dangereuses ces dernières années du fait d’intempéries toujours plus fortes croissantes.

Mais ce concept fait objecter d’autres hydrologues, d’abord sur le coût, plusieurs dizaines de milliards de yuans. Puis il y a les incertitudes techniques—quoique la mairie déclare peaufiner le dossier depuis 2002.
Le 1er souci touche à la rareté en eau. Avec ses branches Est et Centre, le Canal Sud-Nord ne pourra fournir davantage, et le 3ème parcours Ouest, supposé conçu pour pomper le Yangtzé à la source au Tibet, ne verra peut-être jamais le jour. D’autres rivières autour de Pékin (Zhuan, Yongding, Chaobai) sont surexploitées. Où donc trouver la ressource pour un si ambitieux lacis de plans d’eau ? 

Un autre problème est le recyclage. Pékin retraitait déjà 860 millions de m3 en 2014, alimentant 90% de ses parcs et canaux. Mais les experts avertissent : si ces eaux contenant des effluents résiduels, métaux lourds et autres, étaient déversées dans ces 3 canaux aquatiques, elles risqueraient de contaminer les nappes aquifères, surtout au nord-ouest d’où est pompée en partie l’eau « potable ». Pour ces raisons, la mairie n’a pas annoncé de date au début des travaux.
On s’en souvient peut-être : en juin 2014, un projet de canal de 160 km jusqu’à Tianjin , était soumis par l’Académie des Sciences Sociales de Pékin, visant à faire de la capitale « un port de mer », et alimenter une géante centrale de désalinisation – toujours pour étancher la soif des 21 millions d’habitants. La aussi, le projet avait soulevé une nuée d’objections financières et scientifiques, et avait été vite enterré.
Aussi ce dernier concept de « trois canaux aquatiques » doit être vu comme ce qu’il est : l’émanation d’une administration de technocrates imaginatifs, dans une ville bien nantie en budgets, habituée à régler ses problèmes à coup d’audace volontariste.

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