Editorial : Pékin voit l’Europe en rose

À la veille de l’été, Pékin regarde à l’Ouest, vers l’Europe, qu’il considère comme agent stabilisant, comme quille de son bateau, et modèle idéal d’avenir.Avec sa suite d’hommes d’affaires, Philippe, roi des Belges, en visite d’Etat (20-27 juin) entre Pékin et 4 villes chinoises, finalisait avec ses hôtes un projet d’incubateur à Louvain la Neuve, 200 millions d’€ d’investissements pour accueillir des PME sino-belges en bio-, nano– et autres technologies de pointe. Le 29 juin, jour du lancement de la AIIB (Banque Asiatique d’Investissements en Infrastructures, 100 milliards de $ de capital dont 30% chinois, 57 pays fondateurs), le 1er ministre Li Keqiang assistait à Bruxelles au Sommet Europe-Chine, puis enchaînait le soir vers Paris. Reçu en quasi-chef d’Etat, le n°2 chinois devrait visiter, à sa demande, plusieurs sites artistiques tels l’atelier de Rodin (Meudon), les Arènes d’ Arles, le musée MuCEM à Marseille (espace futuriste des civilisations de l’Europe). Ce choix d’un regard très personnel sur une France  « romantique » souligne l’ambiance détendue et confiante entre les deux pays. Li devrait être reçu par le Président Hollande, le 1er ministre Valls, mais aussi d’autres ministres et les Présidents du Parlement et du Sénat. Aussi, une riche moisson de pas moins de 40 accords est attendue. La priorité est donnée à la conférence climatique mondiale COP-21 de fin novembre- Paris et Pékin espérant aider l’assemblée mondiale à accoucher d’une politique contraignante de coupes concertées des émissions de gaz à effets de serre, notamment en entraînant des nations encore hésitantes telle l’Inde. F. Hollande doit d’ailleurs retourner à Pékin à l’ automne, pour dernières concertations. Li Keqiang vendra aussi sa stratégie «  Routes de la soie » : en visitant à Marseille le siège du 1er armateur français CMA-CGM, puis en signant avec la France un code de bonne conduite dans son export vers Afrique et Asie de ses surcapacités industrielles. Parmi les accords attendus, figurent une ambitieuse coopération nucléaire intégrale, permettant -peut-être- de futurs exports conjoints de centrales ; des visas de 5 ans pour industriels et touristes, des visas pour 1000 stagiaires français et chinois ; et un plan de financement des banques chinoises aux PME s’exportant d’un pays vers l’autre. Une alliance est aussi recherchée avec le marché de gros de Rungis, ce dernier étant le plus important au monde. Deux projets matures, mais peut-être pas signés dès cette visite, sont : – l’ouverture à Tianjin d’une chaîne de finition d’ A330 (corollaire d’une commande de 16 milliards de $ en A330) ; – et une convention de sécurité sociale, dispensant de part et d’autre les expatriés de cotiser au système local. Aucun doute, à mesure que la Chine s’affirme, sa capacité et sa soif de coopération avec l’étranger se renforce. Notamment avec des pays comme la France ou la Belgique, vu leur complémentarité et absence de rivalité, contrairement à d’autres pays aux potentialités plus fortes tels USA, Russie ou Inde. Au reste, les points de désaccord ne seront pas tus : «  on aborde tout, déclare l’ambassadeur en Chine M. Gourdault-Montagne, sans nul ostracisme ». Il sera donc question des droits de l’homme – mais sans citer de noms ou de listes de noms, ce qui serait plutôt l’affaire de l’Union Européenne. Et on évoquera surtout l’arsenal de lois répressives en préparation à Pékin, sur la sécurité nationale, le contrôle des ONG et l’antiterrorisme. Histoire de questionner la raison d’être de tels textes, dans les rapports avec l’étranger à tout le moins !

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