Le Vent de la Chine Numéro 25 (XX)

du 27 juin au 3 juillet 2015

Editorial : Pékin voit l’Europe en rose

À la veille de l’été, Pékin regarde à l’Ouest, vers l’Europe, qu’il considère comme agent stabilisant, comme quille de son bateau, et modèle idéal d’avenir.Avec sa suite d’hommes d’affaires, Philippe, roi des Belges, en visite d’Etat (20-27 juin) entre Pékin et 4 villes chinoises, finalisait avec ses hôtes un projet d’incubateur à Louvain la Neuve, 200 millions d’€ d’investissements pour accueillir des PME sino-belges en bio-, nano– et autres technologies de pointe. Le 29 juin, jour du lancement de la AIIB (Banque Asiatique d’Investissements en Infrastructures, 100 milliards de $ de capital dont 30% chinois, 57 pays fondateurs), le 1er ministre Li Keqiang assistait à Bruxelles au Sommet Europe-Chine, puis enchaînait le soir vers Paris. Reçu en quasi-chef d’Etat, le n°2 chinois devrait visiter, à sa demande, plusieurs sites artistiques tels l’atelier de Rodin (Meudon), les Arènes d’ Arles, le musée MuCEM à Marseille (espace futuriste des civilisations de l’Europe). Ce choix d’un regard très personnel sur une France  « romantique » souligne l’ambiance détendue et confiante entre les deux pays. Li devrait être reçu par le Président Hollande, le 1er ministre Valls, mais aussi d’autres ministres et les Présidents du Parlement et du Sénat. Aussi, une riche moisson de pas moins de 40 accords est attendue. La priorité est donnée à la conférence climatique mondiale COP-21 de fin novembre- Paris et Pékin espérant aider l’assemblée mondiale à accoucher d’une politique contraignante de coupes concertées des émissions de gaz à effets de serre, notamment en entraînant des nations encore hésitantes telle l’Inde. F. Hollande doit d’ailleurs retourner à Pékin à l’ automne, pour dernières concertations. Li Keqiang vendra aussi sa stratégie «  Routes de la soie » : en visitant à Marseille le siège du 1er armateur français CMA-CGM, puis en signant avec la France un code de bonne conduite dans son export vers Afrique et Asie de ses surcapacités industrielles. Parmi les accords attendus, figurent une ambitieuse coopération nucléaire intégrale, permettant -peut-être- de futurs exports conjoints de centrales ; des visas de 5 ans pour industriels et touristes, des visas pour 1000 stagiaires français et chinois ; et un plan de financement des banques chinoises aux PME s’exportant d’un pays vers l’autre. Une alliance est aussi recherchée avec le marché de gros de Rungis, ce dernier étant le plus important au monde. Deux projets matures, mais peut-être pas signés dès cette visite, sont : – l’ouverture à Tianjin d’une chaîne de finition d’ A330 (corollaire d’une commande de 16 milliards de $ en A330) ; – et une convention de sécurité sociale, dispensant de part et d’autre les expatriés de cotiser au système local. Aucun doute, à mesure que la Chine s’affirme, sa capacité et sa soif de coopération avec l’étranger se renforce. Notamment avec des pays comme la France ou la Belgique, vu leur complémentarité et absence de rivalité, contrairement à d’autres pays aux potentialités plus fortes tels USA, Russie ou Inde. Au reste, les points de désaccord ne seront pas tus : «  on aborde tout, déclare l’ambassadeur en Chine M. Gourdault-Montagne, sans nul ostracisme ». Il sera donc question des droits de l’homme – mais sans citer de noms ou de listes de noms, ce qui serait plutôt l’affaire de l’Union Européenne. Et on évoquera surtout l’arsenal de lois répressives en préparation à Pékin, sur la sécurité nationale, le contrôle des ONG et l’antiterrorisme. Histoire de questionner la raison d’être de tels textes, dans les rapports avec l’étranger à tout le moins !


Monde de l'entreprise : L’essor chinois de Solvay, le chimiste vert
L’essor chinois de Solvay, le chimiste vert

Avec 2600 employés, 17 usines, dont nombre implantées après 2011, et 823 millions d’euros de ventes en 2014, l’essor de Solvay en Chine est assez récent. Comme pour d’autres groupes mondiaux, l’Empire du Milieu, avec sa croissance exponentielle depuis 20 ans, s’impose comme axe incontournable : sur les 9 usines que Solvay projette dans le monde, 5 iront en Asie-Pacifique, dont 3 en Chine.

« Au cours de son histoire, remarque son Président APAC Martin Laudenbach, le groupe Solvay s’est souvent réinventé. Aujourd’hui, nous avons quitté la grosse chimie, la soude ou le PVC, pour se concentrer dans des niches haut de gamme telle la chimie aromatique ». 

De même, le modèle industriel implique une forte dose de recherche et une proximité de la clientèle, c’est-à-dire d’une région industrielle comme le Delta du Yangtzé. Loin de créer ses propres produits (finis), Solvay cherche à identifier avec les groupes chimiques des problèmes autour d’un produit précis, et de développer pour eux des « solutions » dérivées de son innovation et de son savoir d’application. 

Pour des groupes alimentaires tel le coréen Orion, Solvay produit à Zhenjiang de la vanille synthétique, fragrance que l’agriculture ne peut fournir naturellement à suffisance. La valeur ajoutée réside dans sa capacité à recycler le sel utilisé dans le processus. 

Solvay ProduitsL’industrie automobile est aussi grande cliente, avec cet immense marché de plus de 20 millions d’unités par an. 

Pour la batterie, Solvay offre des séparateurs et des électrolytes à haute capacité. Sponsor du projet Solar Impulse 2, l’avion électrique suisse, Solvay a pu renforcer de 43% la charge des 600kg de batteries, dotant ainsi l’appareil d’une capacité de voler nuit et jour sans interruption. 

Pour les pneus, Solvay propose aussi son « goudron blanc », silicate de revêtement qui abaisse la friction au sol, épargnant 7% de la consommation de carburant. 

En pots catalytiques, de son usine de terres rares à Baotou (Mongolie Intérieure), le groupe a conquis 40% du marché pour sa formulation réduisant les fumées de combustion. 

Avec 47 ingénieurs et 140 actifs en Chine, ses quatre laboratoires de R&I (Recherche et Innovation) ne cessent de faire évoluer leurs produits, polymères ou peroxydes par exemple, selon les besoins du client. Les centaines d’autres « solutions » proposées permettent de renforcer le filtrage de l’air, de l’eau, voire du sang (en médecine, dans l’hémodialyse), ou de créer des fibres nouvelles aux qualités spécifiques—résines, plastiques, caoutchoucs, élastomères. 

Solv’air, procédé expérimental, va bientôt équiper les filtres des centrales thermiques. 

NovaCare, enrobage d’urée autour de l’engrais chimique, réduit sa prise au vent et donc la pollution de l’air dans les champs. Il réduit aussi la pollution de l’eau, et les coûts du paysan, en permettant un dosage plus léger. 

Dans une Chine s’éveillant avec le souci impérieux d’enrayer une catastrophe environnementale imminente, un groupe tel Solvay voit s’ouvrir bien des portes : « nos projets de recherche sont de petite dimension, remarque Laudenbach, mais ils sont suivis par les autorités au même titre que des projets à un milliard de $ ». 

Aussi Solvay vient de recevoir à Bruxelles la visite de Han Zheng, le Secrétaire du Parti pour Shanghai –puis, la semaine passée à Shanghai, celle de Philippe, Roi des Belges, accompagné des plus hautes autorités locales. De même, le groupe reçoit régulièrement des distinctions (tel en 2014, un prix chinois « nain-géant »), et multiplie subventions et offres de coopération universitaires.

Qu’en est-il du piratage intellectuel, plaie fréquente en Chine des entreprises à forte recherche, dérobées de leur savoir-faire par des concurrents indélicats ? Pour Laudenbach, le problème n’est pas aigu : la recherche en laboratoire étant permanente, les pirates n’ont jamais le temps d’accéder aux dernières formulations. De plus, Solvay se prémunit assez bien, par exemple en recyclant par lui-même ses déchets, empêchant ainsi quiconque de reproduire ses solutions par rétro-ingénierie. 

Dernière tendance chez Solvay : du fait de sa jeunesse relative en ce pays, il se retrouve avec 15 de ses 17 usines, concentrées en un rayon de 200km autour de Shanghai, ce qui le coupe des autres bassins industriels du pays. Comme première tentative de déploiement, le groupe vient d’ouvrir en 2014 son bureau de Chengdu, pour rayonner sur la Chine de l’intérieur – gageons que ce n’est pas son dernier pas dans ce sens.


Industrie : L’invasion des robots sur le delta des Perles

A Shenzhen, une halle de Rapoo fait sensation, avec deux lignes de montage en parallèle : l’une aux 110 ouvriers qui soudent, assemblent, testent leurs périphériques pour ordinateur ; l’autre faire le même travail avec 10 employées et 20 robots aux bras articulés. La première sort 4500 souris sans fil par jour, et la seconde, 5000. 

Les visiteurs, patrons d’usines, sont sur le champ convaincus de commander ces machines de Rapoo Robotics, filiale du géant chinois de l’équipement informatique. Le dernier argument est imparable : actif 24h/24, ignorant pose-repas et grèves, le robot sera amorti en trois ans, au coût de 0,8 à 1,5 million de yuans.

Bien sûr, l’Etat central lui-même ne peut qu’apprécier cet outil incapable de dissidence, de syndicalisme ou de ces vagues de suicides qui bouleversaient en 2013 les campus de Foxconn, l’assembleur d’Apple. 

Le robot séduit aussi la province du Guangdong. En effet, après avoir durant 20 ans profité de la délocalisation européenne des industries traditionnelles, cette industrie cantonaise devient vulnérable face à la concurrence des provinces de l’intérieur, qui ouvrent à leur tour des usines de textiles, jouets ou automobiles, plus proches des sources d’énergie et de matières premières, à prix toujours plus attractifs, et toujours plus capables de retenir leur jeunesse migrante. 

Or au Guangdong, le robot peut inverser la donne. Ainsi en mars (après le Chunjie où les migrants du Sichuan ou du Yunnan sont rentrés chez eux, dont bon nombre pour toujours), les usines locales affichaient un déficit en main-d’œuvre de 600.000 à 800.000 actifs – nettement moins que le million affiché en 2012, ou les deux millions de 2010. Ce recul est en partie attribuable à l’automation.

Les chiffres ne laissent nulle ambiguïté sur l’avenir : de septembre 2014 à mai 2015 à Dongguan (Guangdong), 505 usines ont investi 4,2 milliards de ¥ en robots pour casser 30.000 emplois. D’ici 2016 à Dongguan, 1500 compagnies (60% du parc industriel) utiliseront des robots. 

Ce tournant est subventionné (943 millions de ¥ d’ici 2017) par une province visant la défense de son industrie, et le monopole du marché d’avant-garde de la robotique. À eux deux, Foshan et Canton visent un marché de robots (avec périphériques) de 400 milliards de ¥ sous 5 ans. 

Dès lors, existent en Chine des usines sans ouvriers, telle l’unité Foxconn à Wuhan. À Dongguan, Evenwin Precision Technology Co. veut placer « 1000 robots pour commencer », pour réduire son personnel de 90%, à 200 employés.

Pour l’heure, les premiers usagers de robots en Chine sont dans l’automobile (40% du parc robotique), où ils reprennent les métiers fatigants et dangereux, tout en éliminant les 5% de défauts traditionnels. D’ici 2017, l’éventail des industries robotisées se sera élargi à l’électronique, et bien d’autres secteurs. 

En 2014, le marché mondial des robots était de 9,5 milliards de $ (29 milliards aux périphériques). Le Japon est en tête avec 60% de la production. Mais la Chine rattrape vite : sur tel marché « terre promise », nul leader suisse, nippon, coréen ou américain ne peut se permettre de faire l’impasse sur une filiale en Chine. Aussi aujourd’hui, la Chine détient déjà 25% des robots sur son sol, et la Fédération Internationale de robotique lui prédit le 1er rang mondial des pays usagers dès décembre 2015, pour caracoler en tête en 2017 avec 427.000 automates. 

Cela dit, la météoritique apparition du robot en Chine est artificielle, portée par les subventions. Trop de fabricants de fraîche date manquent de technologie et dépendent des importations de puces, cartes et autres fibres optiques, ce qu’ils peuvent faire grâce aux subventions. Or, la manne provinciale s’arrêtera en décembre 2016 : « d’ici là, croit Deng Qiuwei, le PDG de Rapoo Robotics, jusqu’à 95% des 700 acteurs du marché disparaîtront ». C’est ce qu’il espère, car son groupe, comme une poignée d’autres « poids lourds », après 20 ans sur le marché, possède la technologie, et compte sur les marchés désertés par les groupes en faillite pour son expansion . 

Il n’empêche, un processus d’une ampleur planétaire est en route. Tel est le sens du projet décennal national « Made in China 2025 », calqué sur un projet identique en Allemagne. Le bouleversement sera lourd, en culture d’entreprise—et sur l’emploi. 

En 2014, selon les chiffres, la Chine comptait 3 robots par 1000 ouvriers face aux 43,7 pour 1000 en Corée du Sud, 32,3 au Japon et 15,2 aux Etats-Unis. Cela laisse en perspective, une fois le pays « robotisé », des dizaines de millions d’emplois industriels ou de service (dans la distribution) éradiqués. 

Dès maintenant, la tendance émerge au sortir des universités, peut-être aggravée par des cursus inadéquats : en 2013, seuls 50% des néo-diplômés trouvaient un emploi, et même 20% des diplômés de l’année précédente restaient chômeurs de longue durée. 

Quels plans l’Etat développe-t-il pour faire face à ces tendances inquiétantes ? Comment concilier en Chine emploi (ou moyens de subsistance) et automation ? Partage du travail et des ressources ? C’est pour le régime un défi crucial.


Sécurité Alimentaire : Viande, la Chine voit rouge

Alertée par diverses rumeurs sur l’existence de filières de viande avariée, l’administration des douanes frappe fort depuis début mai, à travers 14 provinces. Or, un retard important dans la divulgation des résultats, suggère la perplexité écœurée des fonctionnaires : pour près de un demi-milliard de $ de viande congelée ont été saisis (cf photo) et 14 gangs démembrés. 100.000 tonnes d’ailerons de poulet, de bœuf, porc et autres, constituaient le butin, souvent putride d’ailleurs. Dans le Guangxi près du Vietnam, le bétail avait été abattu et congelé dans les années ‘70, du vivant de Mao. Au Hunan (plus de 800 tonnes saisies), Yang Bo, vice-directeur des douanes, précise que la marchandise voyageait de jour sous bâche, par camion non réfrigéré, recongelée la nuit pour poursuivre le lendemain son hasardeux périple. 

<p>Dans certains cas, l’origine était l’Inde, la camelote passant via Vietnam et Hong Kong. L’élément déclencheur avait été, dans les années 2012-13, une pénurie de viande aggravée par les taxes douanières (39%), qui fit fuser les cours sur les marchés entre 50 et 60yuans/kg. En 2013, cette même tension sur les prix avait inspiré une autre carambouille, entre Shanghai et Jiangsu : des lots de rat, vison et renard étant vendus pour du mouton.

Tout ceci indique que les grands scandales alimentaires, cycliques depuis 2008, tel celui du lait à la mélamine, n’appartiennent pas encore au passé. Néanmoins, un lourd travail a été fait depuis par l’administration pour réimposer un contrôle de qualité internationale dans le secteur du lait, notamment pour bébé. Deux laits maternisés viennent d’ailleurs d’être retirés la semaine passée en Chine, l’un provenant du Shaanxi pour excès de nitrate, l’autre des Pays-Bas, pour erreur d’étiquetage. 

Mais ce nettoyage reste à faire en d’autres secteurs comme la viande, où les saisies de la semaine passée ne sont, semble-t-il, qu’une face cachée de l’iceberg. À l’université nationale agricole, le professeur Cao Binghai calcule qu’entre 2012 et 2013, rien qu’en viande bovine, jusqu’à deux millions de tonnes auraient ainsi été introduites sur le marché chinois sans taxes ni contrôles vétérinaires dont seule une infime partie vient d’être détectée… Il reste donc « du pain sur la planche »


Xinjiang : Ramdam dans le grand-Ouest

Au Xinjiang, terre natale des Ouighours, le Ramadan 2015 commence mal. Pour cause : les autorités interdisent la célébration musulmane qui impose aux fidèles le jeûne diurne durant 30 jours. Membres du Parti, cadres, étudiants et professeurs sont directement assujettis au ban. Au canton de Jinghe (frontière kazakhe), les services d’hygiène alimentaire ont « conseillé » aux restaurants de rester ouverts, pour être moins inspectés le reste de l’année—ceux qui fermeraient, le seraient plus. 

En d’autres villes, les enseignants à la retraite sont aux portes des mosquées pour filtrer les enfants, pour motif de santé : ce jeûne rituel serait mauvais pour leur croissance. En pratique, les maîtres d’école, même musulmans, peuvent avoir bien du mal à ignorer les ordres, au risque de voir le paiement de leur pension suspendu.
Cette intolérance larvée peut prendre des formes inattendues : dans le canton de Nya, trois jours avant le début du Ramadan, se tenait un concours de bière, avec des prix jusqu’à 1000 yuans. Trois jours après, une fête publique était organisée, où des paysans roulaient, farcissaient et mangeaient leurs raviolis. Dans la presse, un Ouighour est cité, approuvant la campagne anti-jeûne : « cette fête nous permet de nous délasser en période des moissons et prendre un peu de bon temps ». Mais la plupart des Ouighours, à la piété ombrageuse, ne partagent pas cette vision des choses, qualifiant ces festivités d’impies et de provocatrices.

Les autorités chinoises subissent un problème très réel de progression de l’intégrisme, y compris sous des formes sanglantes. Elles mènent un combat pied à pied contre ce qu’elles estiment être du fanatisme : en plusieurs districts, le port du voile pour les femmes, de longue barbe pour les hommes a été banni, et en mars, un homme de 38 ans a été condamné –après des années d’avertissements– à 6 ans de prison pour refus de se raser.
Sans vouloir établir de lien de cause à effet, on apprend cette semaine qu’une bande de Ouighours de Kashgar s’est attaquée le 22 juin –en plein ramadan– à un poste de contrôle routier près d’un commissariat, à l’aide de bombes et de couteaux – un mode opératoire fréquent au Xinjiang où le commerce des armes est très surveillé. Trois policiers ont été tués. Rapidement rejoints par la police armée, 15 assaillants ont été tués par balles.
Ce conflit ne date pas d’hier. Il n’est pas sans ressembler à celui décrit par Albert Camus dans son roman « L’étranger ». Au Xinjiang, le ressort semble le même : l’incompréhension entre gens même de bonne volonté, mais de cultures différentes, et l’absence de dialogue.


Petit Peuple : Chifeng – La Chute de Zhao Liping, policier modèle (dernière partie)

Avertissement : Cette histoire se déroule en Mongolie Intérieure, avec pour protagoniste le chef de la police. De ce fait, certains détails n’ont pas été dévoilés dans les media. Aussi, nous invitons nos lecteurs à percevoir ce Petit Peuple d’un œil différent : moins comme le rapport froid de la réalité, que comme une vision compatissante, tournée sur l’être humain et la passion, plus que sur le rang et la fonction.

Résumé des parties 1 et 2 : Chef de la police de Mongolie Intérieure, Zhao Liping s’est amouraché de Li Lanping, petite vendeuse à Chifeng, qu’il comble de bienfaits – dans l’illusion dangereuse de garder sa jeunesse.

En décembre 2013, juste après son passage en retraite, les nuages noirs s’amoncelèrent sur Zhao Liping, embarqué depuis quelques années dans une vilaine combine. En 2008, des cadres de son pouvoir local avaient acquis secrètement un terrain à Shenzhen, mais avaient ensuite failli à leurs obligations. Il y avait donc litige avec les édiles de la ville du Sud. Un an plus tard, l’affaire remonta jusqu’aux oreilles d’un haut cadre pékinois qui exigea dès lors un « cadeau » en échange de son silence. Refusant tout argent pour limiter les risques d’enquête pour corruption, il demanda une antiquité, hors de prix. Zhao se proposa alors de collecter les fonds (1,3 million de ¥), d’acquérir la pièce, et de la livrer. Mais là encore, le deal dérapa, Zhao ayant empoché le cachet, sans jamais acquérir l’antiquité… Ainsi, l’affaire éclata au grand jour, et un proche de Zhao fut arrêté, condamné à perpétuité en décembre 2013. Hanté par ces inquiétantes nouvelles, Zhao en perdait le sommeil ! 

Or les nuits à Chifeng, Lanping le voyait cauchemarder, s’éveiller en criant. Elle le câlinait, le rassurait, recevait ses confidences et finit par tout savoir… Pendant des semaines, elle réfléchit à l’histoire de Zhao, devint taiseuse. 

Le 19 mars, elle s’ouvrit à lui, minaudant, se tordant les mains : crise oblige, la boutique qu’il lui avait offerte, ne vendait plus rien, était à deux doigts de la saisie pour dettes. A moins de trouver un million de yuans sous 48h, elle allait tout perdre. Sauf qu’à Pékin, des collègues à lui, de la police du Parti, l’avaient contacté, et ne demandaient qu’à l’aider, pour peu qu’elle révèle ces secrets qu’il lui confiait sur l’oreiller… En somme, les choses étaient claires : ou Zhao les sauvait tous deux, en payant ce petit million—pour lui, une misère ; ou bien ils coulaient ensemble, elle dans la misère, lui en prison, mais alors, de ses sous, il n’en aurait plus aucun usage ! 

Il la dévisagea, hagard : qui était au juste cette fille allongée à ses côtés ? Ses yeux soudain se décillèrent : elle n’avait jamais été qu’une petite ambitieuse de province, en train de plumer son barbon… Elle l’avait manipulé, et elle devenait un danger pour sa fortune, sa liberté même ! 

La nuit fut blanche pour Zhao mais vieux renard, il sut cacher sa rage. Le lendemain sur un baiser sans nulle sincérité, il partit « quérir les fonds ». Il alla en fait chez un receleur qui lui devait une fière chandelle. Après protestations de principe, l’homme lui céda un revolver avec balles, une pelle, une couverture, un jeu de plaques d’immatriculation qu’il monta sur son Audi noire. 

Zhao partit en repérage dans la montagne. Puis l’après-midi, il appela Lanping : il avait le magot, cent pavés de 10.000¥ dans une valise. Il l’invitait à fêter ça dans un restaurant d’hôtel, comme ils faisaient parfois. Bien sûr, en fait de dîner aux chandelles, ce qu’il méditait était un « banquet de la porte Hong » (鸿门宴), nom chinois pour un meurtre en coup de Jarnac.

Il se mit en planque au parking de l’hôtel 5 étoiles. À 19h elle arriva au volant du coupé blanc qu’il lui avait offert à l’automne. Jaillissant de l’Audi, Zhao brandit son flingue, la visa bras tendus, appuya 2 fois sur la gâchette, sans un mot, terrible. 

Blessée à l’épaule et la cuisse, elle se jeta dans sa voiture et s’enfuit. Il la poursuivit en rodéo à travers la cité. Grillant les feux, prenant les sens unique à contresens, Lanping haleta, exsangue. De son portable, elle appela le 110, n° d’urgence de la police : « Zhao Liping m’a tiré deux balles, il veut me tuer ». Mais avant que le planton sidéré puisse réagir, elle raccrocha : Zhao l’avait rejointe dans une résidence où elle s’était engouffrée, proche de l’évanouissement suite à l’hémorragie. Zhao força la porte de sa voiture, tandis que Lanping implorait sa grâce : « Trop tard, mon amour, je ne peux t’écouter », dit-il d’un soupir, avant de lui tirer la dernière balle dans la tête, et de la prendre dans ses bras, pour jeter le corps agonisant dans son coffre, emballé dans la couverture. 

Rien qu’avec la course poursuite à travers Chifeng et l’exécution en pleine résidence, Zhao ne savait que trop bien qu’il avait laissé assez de traces pour se faire repérer. Cela ne l’empêcha pas de continuer à émailler la piste sanglante d’autres erreurs indignes du policier émérite qu’il était. Dans la montagne qu’il avait repérée en matinée, il improvisa une crémation, avant de mal cacher les restes demi-calcinés. Ailleurs en route, il jeta le sac à main, la couverture, la pelle. A peine 5 heures plus tard, tout était retrouvé, répertorié, consigné au commissariat ! 

Le 21 mars à l’aube, arrêté par ses ex-collèges balbutiants de gêne, Zhao se laissa emmener sans résistance. Sur lui, on trouva même traces de sang, qu’il n’avait daigné laver. À la presse, l’inspecteur commenta l’évidence : c’était un crime d’amour, qui dévoilait un surprenant dilemme. Car pour Zhao, Li Lanping devait bien sûr être punie, mais sans celle qui avait été durant 2 ans sa fontaine de jouvence et de bonheur, la vie n’en valait plus la peine.
Le chef de la police venait de commettre le 1er acte gratuit de sa vie, sans autre moteur que la passion. Et après avoir tué la seule femme qu’il ait jamais aimé, il pouvait à présent tirer sa révérence, renonçant enfin à tout ce qui avait fait sa vie jusqu’alors : la quête du pouvoir, des privilèges et du plaisir.
 
 


Chiffres de la semaine : 219,72 yuans, 80% le trouvent indécent, la moitié au-delà du 5ème…

80% des Chinois trouvent leur emploi « indécent » et 41,3% ne souhaitent pas que leurs enfants suivent leurs pas. selon un sondage de China Youth Daily, auprès de 2003 personnes. 

Le top 5 est des professions les mieux considérées sont donc : scientifique, professeur d’université, ingénieur, médecin, et avocat. Le top 5 opposé, inclut : femme de ménage, masseur(se), serveur(se), chauffeur, guide touristique…  Étonnamment, les titulaires d’emplois bien considérés par la société, comme médecin ou professeur, sont plus de la moitié à ne pas recommander leur profession à leurs enfants.

En cas d’erreur judiciaire, le gouvernement versera 219,72 yuans par jour d’emprisonnement injustifié, soit 19,03 yuans de plus que par le passé. Ce montant a été défini en se basant sur la moyenne annuelle d’un employé du secteur public en 2014, soit 57,300 yuans.
Certains experts estiment que le prix de la perte de liberté devrait être au moins de 2 à 4 fois plus élevé. En France, il serait estimé autour de 57 euros par jour en moyenne.

Plus de la moitié des 21,5 millions habitants de Pékin, logeraient au-delà du 5ème périphérique, qui est lui-même large de presque 20 kilomètres d’Ouest en Est ( source : Bureau Municipal des Statistiques de Pékin).


Rendez-vous : Semaine du 29 juin au 5 juillet 2015
Semaine du 29 juin au 5 juillet 2015

1-3 juillet, Shenzhen : WASTEMET, Conférence et expo sur les technologies environnementales et la gestion des déchets

1-3 juillet, Shanghai : WORLD RETAIL Congress, Congrès international du commerce de détail en Chine

2-4 juillet, Pékin : CAFE, Salon international du café en Chine

Ispo Shanghai2-4 juillet, Shanghai : ISPO, Salon international des sports, de la mode et des marques de vêtements

2-5 juillet, Shanghai : China WEDDING Expo Salon du mariage

2-5 juillet, Shanghai : Photo & Imaging Shanghai, Salon de la photo et de l’image numérique

3-5 juillet, Shanghai : CIFPE, Salon des produits agro-alimentaires importés

Luxury China3-5 juillet, Pékin : LUXURY China, Salon asiatique du luxe

4-6 juillet, Pékin : AIAE, Salon international de l’automation industrielle