Petit Peuple : Changsha (Hunan) – Un autre Tanguy qui refuse de quitter le nid

Résumé de la 1ère partie  : Kuang, au Hunan, a été chassé du foyer familial à 27 ans – n’ayant jamais travaillé, il se laissait entretenir. Le fils alors attaque son père en justice. Or comme on va voir, son cas n’est pas le seul. 

Au moment où à Changsha, Kuang-fils déposait sa scandaleuse plainte contre son père, un certain Xu, cadre en retraite, entreprenait à Pékin une même démarche – contre son fils.
Le conflit avait débuté 8 ans plus tôt : en seconde année de fac, le jeune Xu Qing avait causé le déshonneur familial en quittant tout pour revenir à la maison. Pour expliquer ce choquant geste, le fainéant avait évoqué diverses raisons : il ne s’entendait pas avec les copains de dortoir, ne supportait pas de rapporter son linge sale à la maison (c’était humiliant). Ses profs, vieilles barbes serinaient des âneries à longueur de jour, pour le préparer à un métier ennuyeux. Il n’allait quand même pas gaspiller sa précieuse vie entière dans une telle carrière, non ?
Il se retirait donc, pour réfléchir. Il allait d’abord déterminer le métier qu’il voulait. Puis il penserait à la manière d’y parvenir. Tout cela était logique et sous contrôle. En attendant, sa mère, son père n’avaient qu’à le soutenir, nourrir, blanchir ! 

Pour les parents, le coup porté à l’amour-propre, n’égalait que celui porté à leurs maigres finances. En 2013, Huang, copain de son père Xu Ku, lui décrocha une planque dans sa boite. Le salaire était raisonnable, et la place inespérée pour un jeune sans diplôme. Mais là encore, Xu Qing s’en sauva après trois mois : ce poste, était vraiment trop nul.
Le voilà de retour sur son lit, pianotant sur la tablette qu’une mère trop faible, cédant à ses incessantes réclamations, n’a pu s’empêcher de lui offrir au Chunjie. Au fil des mois, il se refit une santé, passant ses jours sur internet, et ses nuits à dormir.
En février 2014, sur un site de rencontres, il se mit à converser avec Liu Meimei, fleur de Pékin aux yeux d’amandes, aux jolies jambes bien mises en valeur par ses tenues délurées. Voyant venir la suite, les parents angoissèrent—ils eurent bien raison.
Un mois après, en mars 2014, après 30 jours de flirt virtuel puis matériel, Xu Qing retourna à la maison, pas seul. Il exprima son exigence bien naturelle : il était un homme, après tout ! Pas la peine de rajouter un lit, Hsing (la mère) n’aurait qu’à mettre un bol de plus sur la table, et laver le linge un peu plus souvent. Bientôt, les parents découvrirent que cette drôlesse plus âgée (30 ans) que leur fils, le dépassait aussi en paresse, ce qui n’était pas peu dire. 

Le vieux couple dut alors se rendre à l’évidence : jamais leur garçon ne se prendrait en main. C’était tellement jouissif de faire de sa vie d’intégrales grandes vacances à leurs crochets ! Ils pouvaient donc tirer un trait sur leur retraite–à moins d’oser ce qu’ils n’avaient fait jusqu’alors : dire non. Ce fut l’ultimatum : ou Xu prenait un emploi pour assumer sa part des frais du foyer (et celle de sa petite amie), ou bien il partirait.
Homérique, venimeuse, la dispute dura des semaines, Xu Qing refusant de céder : après tout, cette protection parentale lui était due de naissance! En désespoir de cause, les parents portèrent plainte contre leur fils. Le procès (cf photo) se conclut par l’ordonnance des juges au jeune couple d’évacuer les lieux sous 60 jours. Les tourtereaux firent la sourde oreille. Les parents commandèrent alors des huissiers : regard froid mais cœur brisé, ils regardèrent les gros bras de la loi empiler dans des sacs les affaires de celui qu’ils avaient conçu et adoré. Fou de rage, Xu Qing vitupérait sur eux, le poing au ciel, leur promettant que leur lignée s’arrêtait là : il veillerait à ne pas leur laisser de descendants, juste pour les désespérer un peu davantage. 

NDLR : des cas tels ceux de Xu et de Kuang, fils indignes, apparaissent la résultante de la politique de l’enfant unique. La décision a épargné à la Chine 300 millions de bouches à nourrir. Mais Mencius (372 – 289 BC), le disciple de Confucius, avait bien dit que « des 3 manières d’insulter ses parents, les laisser sans descendance est la pire ». Pour compenser cette faute, les parents et toute la pyramide familiale se sont mis à gâter l’enfant unique. 

En de récentes enquêtes, les psychologues voient que par rapport aux enfants de fratries, ce « petit dragon » surprotégé tend à douter de ses capacités. Sa cuirasse d’arrogance cache une vulnérabilité – il se sent inférieur à celui qui sait se battre. Il est moins optimiste, croit moins en sa chance, et n’aime pas prendre de risques. Ce trop-plein d’attentions et le naufrage de personnalité qui en résulte, sont illustrés par le proverbe « wù jí bì fǎn » (物极必反) – «  tout excès nuit » !
Au plan national, les conséquences de cette dérive se discernent déjà : la Chine aura du mal à trouver ses décideurs et patrons de prochaine génération, pleins d’audace et d’optimisme.
Le problème promet d’être ample : D’après le Centre national de Recherche gériatrique, 65% des parents paient pour un enfant, passé 20 ans, et 30% des jeunes adultes dépendent des parents pour joindre les deux bouts. Autrement dit, les parents chinois pourraient avoir intérêt à changer d’urgence leur mode d’éducation, et l’Etat pourrait trouver ici une raison –parmi d’autres– pour accélérer l’abolition du planning familial.

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