Le Vent de la Chine Numéro 2

du 18 au 24 janvier 2015

Editorial : Charlie à Pékin

L’attentat contre Charlie Hebdo, le 7 janvier à Paris, a pris Pékin de court. Le gouvernement s’est trouvé entre deux feux, qu’il redoute aussi ardemment l’un que l’autre : la liberté de la presse et l’intégrisme islamique. Aussi le 8 janvier, la Chine a condamné « durement » l’attentat, se disant « profondément choquée ». Xi Jinping a appelé son homologue François Hollande pour condamner « résolument le terrorisme sous toutes formes », tout en exprimant ses condoléances aux familles des victimes. Xi a aussi témoigné son soutien à la France, dans ses efforts pour maintenir « la sécurité nationale » – passant sous silence la « liberté d’expression ». Par la suite, dans la presse et sur internet, le régime s’est démarqué – sympathie oui, solidarité non.

Il peut être instructif de se pencher sur les raisons qui justifient ce distinguo et le refus des leaders de s’associer à la marche républicaine de Paris, avec 50 autres chefs d’Etat (11/01) : D’abord, l’ Agence Xinhua rappelle que dans le passé, Charlie Hebdo a été qualifié de « grossier et sans cœur » en s’attaquant à l’ Islam à travers ses dessins de Mahomet (ce qui est sacrilège), et va jusqu’à dire que « bien des religions ont leurs tabous… Une satire sans nuances ni principes, l’humiliation des autres ET la liberté d’expression – rien de tout cela n’est acceptable ». En faisant cet amalgame malicieux de concepts, Xinhua oublie de préciser que le Parlement d’Urumqi (capitale du Xinjiang) interdit aux femmes le port du voile dans les lieux publics, et aux hommes celui de la barbe – exacerbant ainsi les tensions à l’Ouest du pays. 

DashixiongAutre critique : observant F. Hollande s’exclamer le jour de la marche, que Paris était ce jour-là la « capitale du monde », un bloggeur remarqua d’un ton acerbe que « personne n’avait érigé Kunming (Yunnan) en capitale mondiale après la tuerie de 29 personnes sur son sol par des terroristes islamiques, le 1er mars 2014 ». Mais un autre internaute répliqua en signalant qu’après le drame de Kunming, la Chine elle-même avait découragé toute manifestation de soutien par crainte de débordements – aucune mobilisation étrangère ne pouvait donc être exprimée. De même, un autre bloggeur s’inquiète de voir Xinhua « tenter de trouver des excuses aux terroristes hors du territoire, quoique nous soyons nous-mêmes victimes du même fléau ».

Fan Zhongxin, professeur à Hangzhou (Zhejiang), remarque parmi les leaders présents à la marche républicaine, le Palestinien Mahmoud Abbas et l’Israélien Benjamin Netanyahou. Il voit dans cette rencontre de deux vieux ennemis, un symbole d’union pour la paix mondiale face au terrorisme. « Mais, se demande-t-il, où était la Chine, ce jour là ? Voyez-vous l’écart qui nous sépare nous la Chine, du reste du monde » ? Et c’est peut être là qu’il faut chercher la racine du malaise chinois : cette marche a eu lieu, elle a uni le monde. Et pendant ce temps, la Chine était obligée, de par son idéologie, de s’en tenir à l’écart.


Hong Kong : L’heure des comptes

Le 14 janvier, lors de son discours annuel devant le Legco (Parlement hongkongais), C.Y. Leung, Chief Executive, ne mâcha pas ses mots, pour qualifier de « menteurs » les opposants à la réforme électorale imposée par Pékin pour 2017. Les étudiants du mouvement « Occupy Central » n’ont désormais pas d’alternative à « se laisser guider vers une meilleure compréhension des rapports entre Chine et Hong Kong ». Venant de remporter une bataille en décembre, en étouffant 10 semaines de désobéissance civile dans l’enclave, Leung se montra inflexible : pas question de renégocier. Si Hong Kong ne veut pas du suffrage universel partiel qu’on lui tend, il n’aura rien d’autre ! Tribun impopulaire, C.Y. Leung eut bien du mal à se faire entendre au début, chahuté par une vingtaine d’élus démocrates aux parapluies grands ouverts (symboles de rébellion), vite sortis par les huissiers. 

<p>Pour tenter de rendre le sourire à la ville, Leung sortit de sa hotte des cadeaux ciblés. Il y eut 5,4 milliards d’€ de crédits pour les pensions et autres services au 3ème âge.
En matière d’accès au logement, une épine au pied de Hong Kong depuis des années, Leung avait déjà promis 480.000 HLM sous 10 ans. A présent, il suggère que les « parcs naturels » soient grignotés pour la construction. 70% du sol est pour l’heure classé « inconstructible ». Leung voudrait faire bâtir à bas prix sur les franges de ces parcs, et vendre aux moins bien lotis à 50% du prix du marché.

Un autre problème est le vieillissement accéléré –dès 2018, la population active commencera à chuter. Pour lutter contre, Leung veut élargir aux firmes le droit de recruter à l’étranger et en Chine, et d’ouvrir un fonds d’aide de 32 millions d’€ aux start-ups de jeunes diplômés. Il prépare aussi un projet pilote d’encouragement au retour des fils d’émigrés de 2nde génération. 

Une autre mesure vise à satisfaire les insulaires : la « suspension » du plan d’immigration des millionnaires continentaux, aujourd’hui 35.000 ayant reçu le passeport en échange d’au moins 10 millions de HK$ (1 million d’€) d’investissement local. Mais ces riches immigrés se font mal voir, en faisant exploser les prix du foncier. En même temps, sans doute pas par hasard, le Conseil d’Etat chinois va permettre le retour des ressortissants autorisés par Pékin à s’installer définitivement à Hong Kong au rythme de 150 par jour—ils étaient 43.500 l’an passé. Manquant de compétences, et/ou discriminés localement, 70% n’ont jamais trouvé d’emploi. Jusqu’à ce jour, leur émigration était considérée comme définitive. Mais les laisser rentrer chez eux peut satisfaire la population hongkongaise, qui se trouve trop souvent en conflit latent avec les nouveaux arrivants chinois, leur reprochant un manque de savoir vivre. 

Leung avait une autre dessein en prononçant son discours : aller de l’avant politiquement, et faire voter par ce Legco la réforme législative nécessaire pour changer de mode électoral. Mais soutenue par la magistrature et une bonne part de l’opinion, l’opposition pour l’instant, fait mine de la bloquer… 

Leung devait en même temps solder les séquelles des deux mois et demi d’occupation de la ville, poursuivre les responsables du mouvement « Occupy Hong Kong ». Trente d’entre eux (étudiants, élus, hommes d’affaires) furent convoqués « au commissariat » avec doigté et sans sanctions. Mais toute arrestation risque de ré-embraser la population insulaire. 

Leung a aussi des comptes à régler avec la jeunesse rebelle. Depuis Pékin, Chen Zuo’er, ex n°2 au Bureau national de HK-Macao, réclame une réforme éducative, pour instiller aux jeunes le patriotisme, et Chen Duanhong, professeur de droit, l’instauration du service miliaire volontaire. Leung annonce une phase de « sinisation » supplémentaire des programmes scolaires, et le jumelage d’ici 2017 de 600 écoles, assortis d’échanges massifs d’élèves, 44.000 en 2014, 57.000 en 2015. 

Ainsi, pour Hong Kong, il n’y a pas d’alternative à ce mécanisme de longue durée : désapprendre l’Occident tout en apprenant la Chine. 

Dans son action, Leung a pu compter sur un allié naturel : la plus grosse fortune de l’île (28,3milliards d’€), très proche des Présidents successifs depuis 30 ans, Li Ka-shing, qui adjure les élus de voter la réforme. Mais pour Hong Kong, quel crédit accorder au « tycoon » qui par ailleurs s’apprête à déplacer ses activités vers le paradis fiscal des îles Caïmans ? 

Un dernier point, dans ce débat sur la démocratie à Hong Kong, est l’acceptation par D. Cameron, 1er ministre britannique, qui valide du bout des lèvres la réforme électorale de Hong Kong par la Chine, et s’apprête à se rendre à Pékin cette année. Ce ralliement suggère que selon toute vraisemblance, sur cette décision cruciale pour l’avenir de Hong Kong, Pékin est en train de gagner la bataille.


Agroalimentaire : Le lait dans les sillons

Du jamais vu en Chine, dans le secteur laitier : après des années de croissance de la production, soudain, les cours s’effondrent, et nul ne veut plus du lait chinois – pas même les éleveurs porcins. Résultat, chaque jour, des tonnes de lait frais sont déversées dans les sillons (cf photo au Hebei).

Face au lait étranger, le lait local ne peut plus faire face, ni en prix, ni en qualité. Fin 2012, le lait était acheté par les laiteries à 5¥ le litre, tarif rémunérateur, attirant les investissements. Mais même ainsi, le consommateur réservait sa confiance au lait importé. En 2014, sur 11 mois, la Chine a donc importé 884.000 tonnes de lait en poudre soit 20% de plus qu’en 2013. Or le cours mondial a chuté, pour cause politique : le ban russe sur tout lait européen, en rétorsion à des sanctions occidentales. Dès lors, cette offre s’est reportée sur la Chine .

Un autre handicap vient alors frapper le lait chinois : les grandes fermes neuves (10.000 têtes ou plus), encouragées par Pékin, ont choisi un modèle de production facile mais extensif, basé sur l’importation d’aliments chers et de compléments locaux à basse valeur nutritive, aboutissant à un lait de qualité moyenne pour un prix élevé. Au kilo, il coûte 3,6¥ à produire, contre 2¥ seulement au rival australien ou néozélandais. Aussi l’export austral n’a eu aucun mal à suivre la chute des cours : de 420.000¥ la tonne de lait en poudre en janvier, à la moitié en décembre 2014. Du coup, les laiteries chinoises refusent les livraisons des producteurs, préférant produire du lait reconstitué de 2,2 à 2,5¥ par litre, tarif imbattable. 
Pire encore : depuis 2013, l’accord de libre échange sino-néo-zélandais réduit sensiblement le montant de la taxe d’importation du lait à 5%. Ceci cause la faillite de centaines de fermes petites et moyennes tandis que d’autres abattent leur cheptel pour limiter les frais. 

Autre victime : Danone décidément malchanceux, dont la filiale minoritaire Yashili (où le groupe français a investi 550 millions de $ en 2014) annonce une baisse des profits annuels de 40%.
Face à la crise, le ministère de l’Agriculture tente de convaincre les laitiers (Mengniu, Yili) de reprendre les achats aux fermiers et prépare un plan de subventions conservatoires.
Mais la vraie solution (porter le lait chinois au niveau de compétence, et de qualité mondiale) reste lointaine. Pour y parvenir, il faudra des années, voire des décennies.


Société : Le baby-boom fait long feu

En 2014, la Chine édictait un assouplissement de son planning familial : les couples, dont l’un des parents est enfant unique, pourraient concevoir un second enfant. Des 11 millions de couples éligibles, l’Etat attendait 10 millions de naissances supplémentaires sous 5 ans. 

12 mois plus tard, c’est une mauvaise surprise. Seul un dixième des couples a opté pour faire valoir son droit. D’après l’expert He Yafu, le résultat se soldera par 700.000 naissances par an, le tiers du nombre attendu. En haut lieu, les responsables semblent très attachés à la structure du planning familial, contrairement aux scientifiques tel le professeur Gu Baochang de l’université Renmin, qui déclarait dès 2013 : « le planning n’a pas besoin d’être ajusté, ce qu’il lui faut, c’est disparaître ». Experts et politiciens savent que la population entame son vieillissement, qui va accélérer au point qu’en 2050, un jeune soutiendra la pension de quatre personnes de plus de 60 ans, rendant urgent la complétion d’un système de retraite et d’accueil du 3ème âge, aujourd’hui embryonnaire.
A cette timidité de l’Etat à démanteler le planning, et à la léthargie des parents à procréer une seconde fois, on distingue une série de raisons.

La première cause est le coût global très élevé (éducation, loisirs) d’un seul enfant. Envisager de doubler ce budget est rédhibitoire pour de nombreux couples.
De plus, pour les mères, mettre entre parenthèses une deuxième fois leur carrière, peut s’avérer dissuasif.
Autre cause : la pollution, le stress de la vie moderne, la baisse de qualité de l’environnement et des aliments. Elle influe sur la santé et sur la qualité reproductive des hommes comme des femmes.
Enfin, la réticence de l’Etat à casser sa « police des berceaux » – réticence idéologique aussi bien que pratique. En effet, le niveau local y perdra le bénéfice de 4,6 milliards de $ de taxes d’enfant illégal, qui font vivre plus de 7 millions de cadres de cette administration tentaculaire. 

Pour que la Chine se mette à concevoir, une 2ème fois, il faudra de toute manière plus qu’une abolition du système. Comme en France, championne de la fécondité en Europe, la relance pourrait passer par des allocations, subventions et autres aménagements.


Transports : Ferroviaire – la nouvelle donne

Le 30 décembre, CNR et CSR, n°1 et n°2 des trains et métros chinois, ont fusionné en un groupe unique : le China Railway Rolling Stock Group (CRRS) aux 172.000 employés, 22 milliards d’€ d’actifs et 25,7 milliards d’€ de chiffre annuel. Un Tyrannosaure Rex, plus lourd que Bombardier (7 milliards d’€), Siemens (6,3 milliards) ou Alstom (5,9 milliards) réunis. 

Jusqu’en 2000, existait un groupe ferroviaire unique sous administration directe du ministère. Il fut alors divisé en CNR (Pékin) et CSR (Shanghai). Chacun créa sa filière TGV, avec des crédits et technologies étrangères reçues de l’administration. En 10 ans, ils créèrent sur le territoire national, le 1er réseau de TGV mondial. En 2011, les groupes, séparés du ministère (suite à la collision de deux TGV à Wenzhou, et au scandale de corruption du ministre Liu Zhijun) gagnèrent en autonomie. Enfin, fin 2014, les voici reconcentrés en une unité, maîtresse de 100% du marché.
Une fois décidée la fusion en 2014, il suffit alors de procéder à un échange de parts en bourse, au taux de 1 (CNR) contre 1,1 à celles de la CSR, qui fut maître d’œuvre de la fusion, reprenant les actifs, le personnel et les dettes du groupe nordiste. 

Une des raisons alléguées à cette fusion, est la concurrence féroce qui opposa ces groupes sur les marchés étrangers : à Boston en juin 2014, CNR empochait un contrat de 284 wagons de métro pour 470 millions de $, en proposant un prix 50% moins cher que Bombardier, et 20% de moins que CSR ! 

Par cette fusion, Pékin voulait mettre fin à la guerre des prix. Nicholas Lardy, du Petersen Institute (USA) ne croit pas à cette explication : « pour enrayer le dumping, pas besoin de fusion. Il suffit de priver le groupe d’un accès illimité au crédit à bas prix ». Pour lui, cette décision permet avant tout de renforcer l’économie d’Etat. Yuan Guangming de la CASS, l’Académie chinoise des Sciences Sociales, est du même avis : la fusion est un « pas en arrière ». La scission de 2000 avait pour but d’injecter au secteur la concurrence et les lois du marché. Aussi D. Scissors (American Enterprise Institute) doute de la volonté de l’Etat d’appliquer sa législation sur les monopoles – hormis contre les groupes étrangers, s’entend. 

Pourtant, renforcer la capacité concurrentielle est bien l’un des objectifs. Ayant grandi grâce au monopole du marché national, CRRS ne détient encore que 2,2% du marché mondial. Mais avec une politique commerciale agressive, des atouts tels son économie d’échelle, des TGV plus récents, plus rapides (700km/h, déjà annoncé) et une forte capacité de financement, il entend inverser la vapeur. 

Dès maintenant, une liste impressionnante de projets apparaît : dans les Balkans, une ligne Skopje- Budapest à 2,6 milliards d’€ financée par l’Eximbank ; en Russie une ligne Moscou-Kazan vers l’Europe via la Crimée ; en Asie Centrale et Asie du Sud-Est, 3 « routes ferroviaires de la soie », et en Amérique Latine, entre Pérou et Brésil, une ligne TGV d’Océan à Océan…Pékin sait que bientôt, le réseau intérieur TGV sera achevé. Aussi, comme prochaine étape, il veut conquérir le marché planétaire. 

Xie Jilong (CNR) dévoile par ailleurs un objectif, peut-être le plus fondamental, à cette fusion : 1ère matérialisation d’une « stratégie nationale », elle doit servir de modèle à la restructuration de l’économie chinoise. Des règlements sortiront en février qui encadreront la refonte des secteurs stratégiques, concentrant les groupes, créant des holding d’approvisionnement ou de vente, des centres de R&D.
Les prochains secteurs concernés pourraient être les travaux publics ferroviaires (un méga groupe de 65 milliards de € se profile), le BTP, les aciéries, l’énergie… 

NB : Le grand plan de crédits évoqué dans le VdlC n°1 (930 milliards d’€ en 3 ans), s’inscrit dans ce contexte, qui le différencie du plan de simple stimulus de 400 milliards d’€ de 2008.
Pour l’avenir, CRRS viserait donc le rachat de filiales ferroviaires des leaders mondiaux, Bombardier, Siemens, Alstom voire Kawasaki.

Mais en face, ces groupes matures, détenteurs de décennies de savoir-faire et de brevets, gardent une avance en analyse des besoins, en solutions multimodales, et maîtrise des coûts. Eux seuls savent donc, en 2015 offrir des systèmes globaux, qui est la tendance d’avenir. Un autre atout pourrait aider les compagnies occidentales : l’Europe, si les Etats membres acceptaient de mettre en commun réseaux et appels d’offres, afin à leur tour de protéger le marché et réduire les coûts de production. A cette condition sine qua non, face au géant qui s’élève, la messe n’est peut-être pas dite.Enfin, la corruption rampante dans le secteur chinois, peut aussi enrayer sa progression. China Daily vient de le publier : six mois avant la fusion, les état-majors des deux groupes et leurs entourages ont commencé à se vendre des parts respectives, anticipant leur montée en valeur. Alors qu’ils prétendent avoir tout ignoré du projet de fusion, le scandale pour délit d’initié explose. Permettant, au passage, de mieux comprendre la discrétion des groupes lors de l’annonce de la fusion…


Petit Peuple : Changsha (Hunan) – Un autre Tanguy qui refuse de quitter le nid

Résumé de la 1ère partie  : Kuang, au Hunan, a été chassé du foyer familial à 27 ans – n’ayant jamais travaillé, il se laissait entretenir. Le fils alors attaque son père en justice. Or comme on va voir, son cas n’est pas le seul. 

Au moment où à Changsha, Kuang-fils déposait sa scandaleuse plainte contre son père, un certain Xu, cadre en retraite, entreprenait à Pékin une même démarche – contre son fils.
Le conflit avait débuté 8 ans plus tôt : en seconde année de fac, le jeune Xu Qing avait causé le déshonneur familial en quittant tout pour revenir à la maison. Pour expliquer ce choquant geste, le fainéant avait évoqué diverses raisons : il ne s’entendait pas avec les copains de dortoir, ne supportait pas de rapporter son linge sale à la maison (c’était humiliant). Ses profs, vieilles barbes serinaient des âneries à longueur de jour, pour le préparer à un métier ennuyeux. Il n’allait quand même pas gaspiller sa précieuse vie entière dans une telle carrière, non ?
Il se retirait donc, pour réfléchir. Il allait d’abord déterminer le métier qu’il voulait. Puis il penserait à la manière d’y parvenir. Tout cela était logique et sous contrôle. En attendant, sa mère, son père n’avaient qu’à le soutenir, nourrir, blanchir ! 

Pour les parents, le coup porté à l’amour-propre, n’égalait que celui porté à leurs maigres finances. En 2013, Huang, copain de son père Xu Ku, lui décrocha une planque dans sa boite. Le salaire était raisonnable, et la place inespérée pour un jeune sans diplôme. Mais là encore, Xu Qing s’en sauva après trois mois : ce poste, était vraiment trop nul.
Le voilà de retour sur son lit, pianotant sur la tablette qu’une mère trop faible, cédant à ses incessantes réclamations, n’a pu s’empêcher de lui offrir au Chunjie. Au fil des mois, il se refit une santé, passant ses jours sur internet, et ses nuits à dormir.
En février 2014, sur un site de rencontres, il se mit à converser avec Liu Meimei, fleur de Pékin aux yeux d’amandes, aux jolies jambes bien mises en valeur par ses tenues délurées. Voyant venir la suite, les parents angoissèrent—ils eurent bien raison.
Un mois après, en mars 2014, après 30 jours de flirt virtuel puis matériel, Xu Qing retourna à la maison, pas seul. Il exprima son exigence bien naturelle : il était un homme, après tout ! Pas la peine de rajouter un lit, Hsing (la mère) n’aurait qu’à mettre un bol de plus sur la table, et laver le linge un peu plus souvent. Bientôt, les parents découvrirent que cette drôlesse plus âgée (30 ans) que leur fils, le dépassait aussi en paresse, ce qui n’était pas peu dire. 

Le vieux couple dut alors se rendre à l’évidence : jamais leur garçon ne se prendrait en main. C’était tellement jouissif de faire de sa vie d’intégrales grandes vacances à leurs crochets ! Ils pouvaient donc tirer un trait sur leur retraite–à moins d’oser ce qu’ils n’avaient fait jusqu’alors : dire non. Ce fut l’ultimatum : ou Xu prenait un emploi pour assumer sa part des frais du foyer (et celle de sa petite amie), ou bien il partirait.
Homérique, venimeuse, la dispute dura des semaines, Xu Qing refusant de céder : après tout, cette protection parentale lui était due de naissance! En désespoir de cause, les parents portèrent plainte contre leur fils. Le procès (cf photo) se conclut par l’ordonnance des juges au jeune couple d’évacuer les lieux sous 60 jours. Les tourtereaux firent la sourde oreille. Les parents commandèrent alors des huissiers : regard froid mais cœur brisé, ils regardèrent les gros bras de la loi empiler dans des sacs les affaires de celui qu’ils avaient conçu et adoré. Fou de rage, Xu Qing vitupérait sur eux, le poing au ciel, leur promettant que leur lignée s’arrêtait là : il veillerait à ne pas leur laisser de descendants, juste pour les désespérer un peu davantage. 

NDLR : des cas tels ceux de Xu et de Kuang, fils indignes, apparaissent la résultante de la politique de l’enfant unique. La décision a épargné à la Chine 300 millions de bouches à nourrir. Mais Mencius (372 – 289 BC), le disciple de Confucius, avait bien dit que « des 3 manières d’insulter ses parents, les laisser sans descendance est la pire ». Pour compenser cette faute, les parents et toute la pyramide familiale se sont mis à gâter l’enfant unique. 

En de récentes enquêtes, les psychologues voient que par rapport aux enfants de fratries, ce « petit dragon » surprotégé tend à douter de ses capacités. Sa cuirasse d’arrogance cache une vulnérabilité – il se sent inférieur à celui qui sait se battre. Il est moins optimiste, croit moins en sa chance, et n’aime pas prendre de risques. Ce trop-plein d’attentions et le naufrage de personnalité qui en résulte, sont illustrés par le proverbe « wù jí bì fǎn » (物极必反) – «  tout excès nuit » !
Au plan national, les conséquences de cette dérive se discernent déjà : la Chine aura du mal à trouver ses décideurs et patrons de prochaine génération, pleins d’audace et d’optimisme.
Le problème promet d’être ample : D’après le Centre national de Recherche gériatrique, 65% des parents paient pour un enfant, passé 20 ans, et 30% des jeunes adultes dépendent des parents pour joindre les deux bouts. Autrement dit, les parents chinois pourraient avoir intérêt à changer d’urgence leur mode d’éducation, et l’Etat pourrait trouver ici une raison –parmi d’autres– pour accélérer l’abolition du planning familial.


Rendez-vous : du 19 au 25 janvier
du 19 au 25 janvier

21-24 janvier Davos (Suisse) : World Economic Forum, avec la participation notamment de Li Keqiang 1er Ministre chinois, Le Président François Hollande, la Chancelière Angela Merkel, et le Secrétaire d’Etat américain John Kerry….

-25 janvier, Shanghai : ICEEEE, International Conference on Energy Engineering and Environment Engineering

24-26 janvier, Shanghai : LabWorld China, Salon sur les équipements industriels de laboratoire, d’analyse et de biotechnologies

24 janvier, Shanghai, 26 janvier, Pékin : Salon des MBA

28-30 janvier, Shanghai : The World B2B Marketing Chief Congress, Conférence du B2B

28-31 janvier, Pékin : ALPITEC China, Salon international des technologies de la montagne et des sports d’hiver

28-31 janvier, Pékin : ISPO China, Salon international des sports, de la mode, et des marques de vêtements en Asie