Hong Kong : L’heure des comptes

Le 14 janvier, lors de son discours annuel devant le Legco (Parlement hongkongais), C.Y. Leung, Chief Executive, ne mâcha pas ses mots, pour qualifier de « menteurs » les opposants à la réforme électorale imposée par Pékin pour 2017. Les étudiants du mouvement « Occupy Central » n’ont désormais pas d’alternative à « se laisser guider vers une meilleure compréhension des rapports entre Chine et Hong Kong ». Venant de remporter une bataille en décembre, en étouffant 10 semaines de désobéissance civile dans l’enclave, Leung se montra inflexible : pas question de renégocier. Si Hong Kong ne veut pas du suffrage universel partiel qu’on lui tend, il n’aura rien d’autre ! Tribun impopulaire, C.Y. Leung eut bien du mal à se faire entendre au début, chahuté par une vingtaine d’élus démocrates aux parapluies grands ouverts (symboles de rébellion), vite sortis par les huissiers. 

<p>Pour tenter de rendre le sourire à la ville, Leung sortit de sa hotte des cadeaux ciblés. Il y eut 5,4 milliards d’€ de crédits pour les pensions et autres services au 3ème âge.
En matière d’accès au logement, une épine au pied de Hong Kong depuis des années, Leung avait déjà promis 480.000 HLM sous 10 ans. A présent, il suggère que les « parcs naturels » soient grignotés pour la construction. 70% du sol est pour l’heure classé « inconstructible ». Leung voudrait faire bâtir à bas prix sur les franges de ces parcs, et vendre aux moins bien lotis à 50% du prix du marché.

Un autre problème est le vieillissement accéléré –dès 2018, la population active commencera à chuter. Pour lutter contre, Leung veut élargir aux firmes le droit de recruter à l’étranger et en Chine, et d’ouvrir un fonds d’aide de 32 millions d’€ aux start-ups de jeunes diplômés. Il prépare aussi un projet pilote d’encouragement au retour des fils d’émigrés de 2nde génération. 

Une autre mesure vise à satisfaire les insulaires : la « suspension » du plan d’immigration des millionnaires continentaux, aujourd’hui 35.000 ayant reçu le passeport en échange d’au moins 10 millions de HK$ (1 million d’€) d’investissement local. Mais ces riches immigrés se font mal voir, en faisant exploser les prix du foncier. En même temps, sans doute pas par hasard, le Conseil d’Etat chinois va permettre le retour des ressortissants autorisés par Pékin à s’installer définitivement à Hong Kong au rythme de 150 par jour—ils étaient 43.500 l’an passé. Manquant de compétences, et/ou discriminés localement, 70% n’ont jamais trouvé d’emploi. Jusqu’à ce jour, leur émigration était considérée comme définitive. Mais les laisser rentrer chez eux peut satisfaire la population hongkongaise, qui se trouve trop souvent en conflit latent avec les nouveaux arrivants chinois, leur reprochant un manque de savoir vivre. 

Leung avait une autre dessein en prononçant son discours : aller de l’avant politiquement, et faire voter par ce Legco la réforme législative nécessaire pour changer de mode électoral. Mais soutenue par la magistrature et une bonne part de l’opinion, l’opposition pour l’instant, fait mine de la bloquer… 

Leung devait en même temps solder les séquelles des deux mois et demi d’occupation de la ville, poursuivre les responsables du mouvement « Occupy Hong Kong ». Trente d’entre eux (étudiants, élus, hommes d’affaires) furent convoqués « au commissariat » avec doigté et sans sanctions. Mais toute arrestation risque de ré-embraser la population insulaire. 

Leung a aussi des comptes à régler avec la jeunesse rebelle. Depuis Pékin, Chen Zuo’er, ex n°2 au Bureau national de HK-Macao, réclame une réforme éducative, pour instiller aux jeunes le patriotisme, et Chen Duanhong, professeur de droit, l’instauration du service miliaire volontaire. Leung annonce une phase de « sinisation » supplémentaire des programmes scolaires, et le jumelage d’ici 2017 de 600 écoles, assortis d’échanges massifs d’élèves, 44.000 en 2014, 57.000 en 2015. 

Ainsi, pour Hong Kong, il n’y a pas d’alternative à ce mécanisme de longue durée : désapprendre l’Occident tout en apprenant la Chine. 

Dans son action, Leung a pu compter sur un allié naturel : la plus grosse fortune de l’île (28,3milliards d’€), très proche des Présidents successifs depuis 30 ans, Li Ka-shing, qui adjure les élus de voter la réforme. Mais pour Hong Kong, quel crédit accorder au « tycoon » qui par ailleurs s’apprête à déplacer ses activités vers le paradis fiscal des îles Caïmans ? 

Un dernier point, dans ce débat sur la démocratie à Hong Kong, est l’acceptation par D. Cameron, 1er ministre britannique, qui valide du bout des lèvres la réforme électorale de Hong Kong par la Chine, et s’apprête à se rendre à Pékin cette année. Ce ralliement suggère que selon toute vraisemblance, sur cette décision cruciale pour l’avenir de Hong Kong, Pékin est en train de gagner la bataille.

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