A la loupe : Le prix mondial du minerai de fer, malade de la Chine

Depuis le 1er juillet, le mécanisme de fixation du prix global du minerai de fer agonise. Le 1er acheteur, la Chine, et le 2d vendeur Rio Tinto liés par des contrats à long terme, n’ont pu s’entendre sur le prix de l’année. La CISA (China Iron and Steel Association), lobby des aciéries chinoises, voulait une baisse de plus que 40%, mieux que Corée et Japon qui avaient obtenu 28 à 33%.

Les Chinois espéraient jouer sur les mois d’effondrement des marchés «spot» (libres), qui leur avaient permis de rentrer 100Mt de minerai, assez pour 3 à 4 mois d’activité : ils se disaient « pas pressés de conclure ». Mais voilà qu’arrive la date du 1/07, où faute de tout accord, les aciéries chinoises devront acheter au prix du marché libre, remonté de 15% depuis avril… Et c’est alors qu’on découvre le pot-aux-roses. C’est la Chine elle-même, qui a sauvé Rio, de sa propre tentative d’en prendre le contrôle minoritaire. Le groupe public chinois Chinalco avait offert 19MM$ pour renflouer Rio en échange de 20% de ses parts. Mais la CISA, par ses achats massifs spéculatifs de minerai de fer, a permis à l’action Rio de remonter, tripler, et lui a ainsi offert une alternative (l’alliance avec l’autre minéralier BHP-Billiton, et une nouvelle émission en bourse…), lui permettant de rejeter Chinalco… Du coup, la Chine rate l’occasion de posséder, comme Corée et Japon, des parts dans les mines du monde, et de se rembourser, en profit d’actionnaire, une partie des coûts de ses achats de minerai…

Conséquence, en dernière minute, toute honte bue, la CISA baissait à moitié pavillon, acceptant de passer sous la barre des 40% de baisse, tout en laissant entendre qu’elle pourrait, en septembre, avaler les 33% si âprement refusés jusqu’alors. Calculant qu’elle peut vivre jusqu’à l’été sur ses réserves en minerai, elle compte mettre le délai à profit pour voir si le marché mondial va ou non reprendre. Petite fissure dans la grosse machine chinoise : la CISA avertit ses aciéries que celles tentées de s’entendre secrètement d’ici là avec les fournisseurs sur des livraisons à « prix-Japon » seront punies. Allusion aux dizaines de petits fondeurs privés qui rêvent d’avoir enfin directement accès aux prix « à long terme », jusqu’à présent réservés aux gros. Les géants chinois leur revendent à lourd profit ce minerai, usage que l’on dit plus lucratif que la sidérurgie elle-même !

Un des leçons de cette affaire : la Chine apparaît être la cause de l’envolée des prix du minerai de fer ces années, par la concurrence que se livrent ses centaines d’aciéries, par ailleurs en surproduction (jusqu’à 100Mt). Face à trois vendeurs contrôlant 70% de l’offre globale, la lutte n’est pas égale. L’Etat tente d’accélérer la concentration, chose hasardeuse, vu la protection de ces fonderies par leurs provinces, et des millions d’emplois qui en dépendent. L’élément neuf ici, est que la source de matière 1ère, hors frontière, qui va contraindre la Chine sidérurgique à faire le ménage dans sa maison, ce que l’administration n’a pour l’instant pas pu faire !

 

 

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