Editorial : Un dégel à risques…

Le printemps revient. Camions et tanks libèrent les routes, 4000 électriciens réparent les pylônes, les paysans du Sud préparent de nouvelles semailles. Mais ce redoux semble éveiller un danger autrement perfide : une soif du gain insensible aux appels à la discipline, comme en témoignent ces incidents de la semaine !

[1] A Wu’an (Hebei, à 350km de Pékin), sous couvert d’ « élevage de sangliers » prospérait une mine de fer clandestine. Or, suite au gel et aux coupures d’électricité, 1800 mines à travers le pays, étaient chargées de grisou et 600 inondées, source d’un danger aigu. A Wu’ an le 17/02, une galerie a explosé, causant 24 morts et 5 blessés — propriétaire et patron sont en fuite. 

[2] Le 19/02,  Niuheliang (Liaoning) voit 26 paysans arrêtés pour avoir dynamité un site de temples,  autels et tombes vieux de 6000 ans : vestiges néolithiques de culture Hongshan classés, qui étaient pressentis pour entrer au patrimoine de l’Unesco. Ces pirates, eux aussi, cherchaient le minerai de fer, très cher payé à présent. Les fermiers sont en prison, et 14 cadres « sous enquête ».

[3] Alors que la pénurie de charbon est dramatique, l’export de houille bat son record depuis 13 mois, avec 5,75Mt vendus hors frontière soit une hausse de 75%. Cette hausse est atypique et soudaine, apparue le mois dernier alors qu’en décembre, elle n’était que de 0,4%.

[4] Au Heilongjiang, Le Soir de Daqing, quotidien, vient d’avouer avoir publié une photo truquée, d’anti-lopes courant sous la voie ferrée Qinghai-Lhassa. Avec ce cliché bidon, Liu Weiqiang avait gagné en 2006, un concours de la CCTV.

 [5] Le Yuan Ming Yuan, l’ancien Palais d’Eté de la dynastie Qing avait été mis à sac en 1860 par la soldatesque franco-britannique : jamais rebâtis, ses vestiges sont sacré dans la mémoire collective comme symbole de la résistance au colonialisme. Or, la nébuleuse industrielle Hengdian vient de transgresser l’interdit en annonçant son clonage à l’identique 1500km plus au sud, au Zhejiang. En 5 ans pour 2MM€, sur 400ha, les 126 pavillons et portiques dessinés par les jésuites, resurgiront. Ainsi, dit Xu Wenrong, le PDG (ancien paysan), « ce sac honteux sera oublié, laissant place aux espoirs de paix »… Mais des critiques s’élèvent contre ce coup de show business, tel Ruan Yisan, historien à l’université Tongji (Shanghai) : « transplanter ailleurs le témoignage d’une époque, n’a pas de sens».

NB : cette accumulation de gestes mercantiles, interpelle. L’Etat doit freiner brutalement la course à la fortune, dont il avait lui-même donné le signal 30 ans plus tôt. Mais comment refermer la boite de Pandore? La nouvelle bourgeoisie est d’autant plus sourde à ses prières, qu’elle sent venir la fin d’une époque. Message perçu 5 sur 5 par les industriels coréens en Chine, dont la Chambre de commerce vient de recenser près de 30% songeant au départ, et 86% pessimistes sur l’avenir—ils étaient 33% en mars 2007. Mais ces entrepreneurs ne comptent évidemment pas sur la capacité de réaction du pouvoir, bien réelle, quoique invisible, ni sur son (sans doute) dernier moyen pour briser la spirale négative : la réforme politique !

 

 

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