Le Vent de la Chine Numéro 7

du 25 février au 2 mars 2008

Editorial : Un dégel à risques…

Le printemps revient. Camions et tanks libèrent les routes, 4000 électriciens réparent les pylônes, les paysans du Sud préparent de nouvelles semailles. Mais ce redoux semble éveiller un danger autrement perfide : une soif du gain insensible aux appels à la discipline, comme en témoignent ces incidents de la semaine !

[1] A Wu’an (Hebei, à 350km de Pékin), sous couvert d’ « élevage de sangliers » prospérait une mine de fer clandestine. Or, suite au gel et aux coupures d’électricité, 1800 mines à travers le pays, étaient chargées de grisou et 600 inondées, source d’un danger aigu. A Wu’ an le 17/02, une galerie a explosé, causant 24 morts et 5 blessés — propriétaire et patron sont en fuite. 

[2] Le 19/02,  Niuheliang (Liaoning) voit 26 paysans arrêtés pour avoir dynamité un site de temples,  autels et tombes vieux de 6000 ans : vestiges néolithiques de culture Hongshan classés, qui étaient pressentis pour entrer au patrimoine de l’Unesco. Ces pirates, eux aussi, cherchaient le minerai de fer, très cher payé à présent. Les fermiers sont en prison, et 14 cadres « sous enquête ».

[3] Alors que la pénurie de charbon est dramatique, l’export de houille bat son record depuis 13 mois, avec 5,75Mt vendus hors frontière soit une hausse de 75%. Cette hausse est atypique et soudaine, apparue le mois dernier alors qu’en décembre, elle n’était que de 0,4%.

[4] Au Heilongjiang, Le Soir de Daqing, quotidien, vient d’avouer avoir publié une photo truquée, d’anti-lopes courant sous la voie ferrée Qinghai-Lhassa. Avec ce cliché bidon, Liu Weiqiang avait gagné en 2006, un concours de la CCTV.

 [5] Le Yuan Ming Yuan, l’ancien Palais d’Eté de la dynastie Qing avait été mis à sac en 1860 par la soldatesque franco-britannique : jamais rebâtis, ses vestiges sont sacré dans la mémoire collective comme symbole de la résistance au colonialisme. Or, la nébuleuse industrielle Hengdian vient de transgresser l’interdit en annonçant son clonage à l’identique 1500km plus au sud, au Zhejiang. En 5 ans pour 2MM€, sur 400ha, les 126 pavillons et portiques dessinés par les jésuites, resurgiront. Ainsi, dit Xu Wenrong, le PDG (ancien paysan), « ce sac honteux sera oublié, laissant place aux espoirs de paix »… Mais des critiques s’élèvent contre ce coup de show business, tel Ruan Yisan, historien à l’université Tongji (Shanghai) : « transplanter ailleurs le témoignage d’une époque, n’a pas de sens».

NB : cette accumulation de gestes mercantiles, interpelle. L’Etat doit freiner brutalement la course à la fortune, dont il avait lui-même donné le signal 30 ans plus tôt. Mais comment refermer la boite de Pandore? La nouvelle bourgeoisie est d’autant plus sourde à ses prières, qu’elle sent venir la fin d’une époque. Message perçu 5 sur 5 par les industriels coréens en Chine, dont la Chambre de commerce vient de recenser près de 30% songeant au départ, et 86% pessimistes sur l’avenir—ils étaient 33% en mars 2007. Mais ces entrepreneurs ne comptent évidemment pas sur la capacité de réaction du pouvoir, bien réelle, quoique invisible, ni sur son (sans doute) dernier moyen pour briser la spirale négative : la réforme politique !

 

 


Temps fort : Quand les Athéniens s’atteignirent…

Sans être une surprise, la mauvaise conjoncture de janvier fut douloureuse : coût des 3 semaines de tempête, où l’inflation atteignit 7,1%, plus que toute l’année 2007. Désormais, celle-ci n’est plus circonscrite à un  ou deux secteurs, mais généralisée: +30% au pétrole, 17,3% à la sidérurgie, 14,3% au charbon, 10,4% à la nourriture. C’est un record depuis 11 ans, que ne compensent guère d’autres signaux plus positifs, tel le tassement sur la courbe de l’immobilier (« que » +6,8% à Shanghai en 2007, à 19,1MM²), ou  sur le surplus commercial à 13,25 MM² en janvier – record depuis mai. Ailleurs, la croissance demeure fulgurante et intenable, comme les 47% de progression des ventes automobiles chez FAW (First Auto Works) en janvier, avec 166.000 véhicules écoulés, dont 146.000 voitures (+58%).

D’autres nuages noirs persistent, maintenant la bourse entre orange et rouge. Ainsi, l’IDE (Investissements directs étrangers) a plus que doublé en janvier, à 109,8% (7,6MM²). D’autres investisseurs frappent aux portes, comme le fonds Blue Ridge qui vient placer 986M² dans des secteurs; tels énergie, commerce, immobilier et technologie… Cet afflux d’argent chaud signifie que les mesures de l’Etat pour prévenir les rachats industriels étrangers ne suffisent plus à contenir l’avalanche de crédits, délogés par les « subprimes » de leurs terrains de chasse traditionnels à l’Ouest.

Dans ce contexte, alors que le RMB monte plus vite que jamais (à 7,14¥/1$ au 21/02), économistes et experts monétaires s’affrontent sur l’hypothèse d’une réévaluation forte et unique (dont l’ampleur pourrait être +20%) sous 60 jours, qui mettrait un terme à la stratégie des petits pas poursuivie depuis deux ans.

Jonathan Anderson, d’UBS, voit à la racine de l’incontrôlable surplus commercial chinois, la distorsion de concurrence due à un yuan sciemment sous évalué afin de promouvoir l’emploi par l’exportation. Aussi pour lui, une méga réévaluation est à exclure, car elle tuerait les PME, coeur de l’export.

Mais Michael Pettis,chef économiste à l’UNDP, (United Nations Development Program) désigne comme source du même surplus, non le cours du yuan, mais la politique systématique de crédit abondant et à bas prix, qui aurait « fait perdre le nord » à la pompe aux investissements. Comme Anderson, Pettis attend d’énormes dégâts comme suite à une réévaluation massive, mais lui croit que Pékin n’aura pas d’autre choix, comme électrochoc aux capitalistes, signal indiscutable que la limite est atteinte.      

 Le vrai danger d’avenir, selon lui, est de passer d’une forte sous-évaluation du yuan à une forte sur évaluation, sans que le capital ne cesse de s’y déverser, alimentant une croissance sans profits: comme advint au Japon des années ’80!

 

 


Pol : Chine-Vatican—les enchères montent

Chine-Vatican – les enchères montent

On se rappelle (VdlC n°6) la désignation de Jean Tong Hon, futur évêque de Hong Kong, réputé plus proche de la Chine.

Le timing de l’envol de cette colombe semble avoir été calculé: quelques jours après (19/02), Ye Xiaowen, ministre des cultes, rencontre à Washington le nonce apostolique Pietro Sambi, puis suggère publiquement que le Vatican a « presque » satisfait à ses deux conditions à la normalisation. L’abandon de Taiwan est accepté, le principe de la primauté de l’Etat sur les affaires religieuses intérieures, est «négociable» par Rome. Ce qui change tout. Car ces positions de la Curie sont depuis longtemps connues : en les admettant, Pékin se dévoile prêt à accorder le concordat auquel il se refuse depuis 57 ans. A sa volte-face, Deux raisons viennent à l’esprit.

[1] Pékin a pris la leçon du faux départ de ses Jeux Olympiques, sous l’angle de son image de marque:il multiplie les gestes pour remonter la pente -telle l’annonce d’une nouvelle mission au Soudan pour tenter d’accélérer un règlement de la question du Darfour. Or quel meilleur signal donner au monde, qu’une réconciliation avec la chrétienté, surtout si elle se traduit en actes par une visite papale en Chine.

[2] La réconciliation avec les églises, figure en filigrane du plan de réforme politique de l’école du Parti (cf p.2). Cependant, face à cette rarissime concession socialiste, le Vatican réagit de manière inattendue : à son tour, soudain, il inverse sa position, et prend ses distances, estimant une mission pastorale du Saint-Père «impensable» pour l’heure, faute de pouvoir visiter l’église de l’ombre, en plus de l’officielle. Manière de dire que pour cette réconciliation, le régime lui aussi, devra faire des sacrifices !  

3Com, Bain-Huawei – acquisition compromise

2,2MM$, c’est ce que Bain capital LLC et Huawei devaient payer pour sauver 3Com le producteur américain de serveurs dans la tourmente de l’explosion de la bulle internet en 2000. Mais soudain (20/2), le CFI, l’agence chargée d’autoriser les ventes de valeurs technologiques à l’étranger, exprime ses «doutes» sur cette vente qui offrirait à Huawei le logiciel sécuritaire Tipping-Point.

Ce verdict tombe après qu’éclate le scandale de «Greg» Chung, ancien de Boeing accusé d’avoir livré à la Chine des technologies classifiées. La presse US présente ce verdict comme une leçon : en tolérant des transferts illégaux, la Chine sacrifierait des chances bien plus importantes de rachats licites. Bain et Huawei vont—peut-être- reformuler l’offre de rachat -amputée cette fois du logiciel à problème. A moins que 3Com ne fasse faillite d’ici-là: après la décision du CFI, la part se traitait à 2,87$ soit -23%. A son zénith en, 2000, elle valait près de 22$!         

NB : Pékin crie à la discrimination déloyale, rappelant le veto du Congrès au rachat d’Unocal par Cnooc en 2005.

Course de vitesse pour le Kosovo

Entre la déclaration d’indépendance du Kosovo et sa reconnaissance par Taipei, ne se sont écoulées que 48h. Et encore J. Huang, son ministre des affaires étrangères précisa (20/02), que la décision avait été retardée pour laisser le 1er mot à des puissances comme USA ou France. La suite du film s’est déroulée selon un scénario usé. Huang justifia ce choix «conforme à sa stratégie d’amitié avec tout pays croyant en la liberté et la démocratie», tout en murmurant que l’île «aiderait» l’Etat enclavé, «s’il le demandait». Pristina inscrivit Taiwan sur sa liste internet des 17 Etats assurés de sa gratitude, puis l’en retira: des palabres triangulaires étaient engagées. Pour des raisons claires (risque de précédent pour Taiwan, Xinjiang, Tibet), Pékin était contre la sécession du Kosovo, mais il lui fallait avant tout sauver les meubles.

Le 28/12, la Chine a prouvé sa «puissance du chéquier» supérieure à celle de Taiwan, en rachetant la voix du Malawi à 6MM$ (selon Taiwan). Mais elle a d’autres arguments tels ses 18 « bérets bleus » prêtés à la force de paix de l’ONU. En place depuis 2004, elle peut les envoyer le mois prochain—ou bien pas. Même, dans un cas récent, Pékin fit veto à l’envoi de telle force, vers un Etat votant pour Taiwan : à bon entendeur, salut !

Dernière nouvelle : Star Wars 1à1

Sans grande conviction, Chine et Russie avaient tenté d’empêcher l’Amérique à son tour, de détruire un satellite dans l’espace (la Chine l’avait fait l’an dernier, sans prévenir). Sans grande vraisemblance, Washington maquillait l’affaire en «élimination sécuritaire d’un vaisseau spatial devenu dangereux ». Le 20/2, le tir a eu lieu, par un missile tiré depuis une frégate « Egée ».

Fataliste, Pékin n’en fait pas une affaire, mais demande le partage des données scientifiques collectées – et le Pentagone accepte. Un point partout – le terrain est mur, peut-être, pour négocier un accord de non armement de l’espace !

 

 


Argent : Acier : deux années de chauffées à blanc

Acier—deux années chauffées à blanc

Ce n’est pas annoncé, mais tout le monde le dit : le prix du minerai de fer importé en Chine va augmenter de 65%.

Hausse qui ne pose aucun problème au producteur, assuré de la reporter sur l’usager, vu la demande chauffée à blanc, et vu que 55% des 383Mt de minerai importé en 2007, sont ressortis du pays, transformés. Aussi Shagang (Jiangsu), Laigang (Shandong) ou Baotou (Mongolie Intérieure) haussent leurs tarifs de 100-400¥/t.                       

En 2007, le cartel local de l’acier a fait 13,8MM² de profits (+50%). Baosteel (Shanghai) vient de signer pour 10 ans avec BHP, pour s’assurer 94Mt de minerai en plus.

En 2008, selon CISA (China Iron and Steel Association), la Chine produira 520Mt (+6,3%) exportera 52Mt (-27%, suite aux plaintes euro-US devant l’OMCl’organisation mondiale du commerce), et utilisera 434Mt (+11,87%). Les grands groupes poursuivront leur cavalcade en dévorant les155Mt de capacités libérées sous 3 ans par les petits.                               

 Enfin, l’étranger arrive : Kevin Ruud, le 1er ministre australien vient négocier avec Sinalco qui veut porter sa part dans Rio Tinto de 12 à 19,9%. Autre mineur australien, Midwest refuse de se faire racheter (1,2MM$) par Sinosteel. Le Russe Evraz réussit à racheter 51% du sidérurgiste Delong pour 1,5MM$ : Arcelor-Mittal n’est plus le seul étranger au club aciériste chinois !

 

 


A la loupe : Réforme politique – deux hirondelles ne font pas le printemps!

Plus encore que l’armée, le Parti communiste demeure la grande muette, aux 80M de membres toujours alignés et non critiques. Mais les choses évoluent : selon la CASS (Académie chinoise des Sciences Sociales), dès fin 2007, 55% d’apparatchiks intermédiaires étaient demandeurs de réforme politique, contre 40% en fin 2005.

Le 17/02 vit la sortie en kiosque d’un rapport excitant et décevant à la fois. Sous l’autorité de l’Ecole du Parti, « Prendre d’assaut la forteresse » se veut un «plan intégral de réforme du système politique». En 12 ans, selon Zhou Tianhong et Wang Changjiang, la Chine se muerait en une «société civile moderne», tandis que l’«état de droit» et la «démocratie mature» attendraient quelques décennies de plus.

 [1] le Parti devrait partager des compétences civiles avec les ONG, media et églises.

2] L’ANP, l’Assemblée nationale populaire, serait souveraine pour la fixation du budget de l’Etat et son audit.

3] Les membres du Parti devraient devenir égaux avec les citoyens devant la loi.

Avec tels axes, ce document reste très en deçà de la démocratie occidentale : ni élections, ni multipartisme, et le Parti se réserve le processus stalinien de décision par l’”élite”. Il contient même des contradictions intenables. Wang propose le renforcement de la démocratie interne et de campagnes électorales à tous les niveaux parlementaires, tandis que Zhang, l’économiste, préconise la suppression du niveau de base, le seul où un zeste de suffrage universel ait été saupoudré… Au moins, les auteurs tentent de remédier aux excès du système, et appellent avant tout à la liberté de presse. Par là-même, ils évoquent un puissant et secret débat interne sur la démocratie: sujet qui cesse d’être iconoclaste.

Confronté à cette effervescence, le pouvoir reste impassible en apparence, confirmant la réticence du n°1 Hu Jintao à mettre le doigt dans l’engrenage des réformes – le spectre de Gorbachev hante… China Daily chante les louanges des auditions publiques (consultations populaires). He Guoqiang, patron de la CCID (Commission centrale d’inspection de la discipline), entonne la vieille antienne, jamais réalisée, d’“établir un système loyal, éradiquant la corruption à la racine”. Pékin garde le cap d’une modernisation exclusivement technocratique, peaufine son projet de super ministères, mais on sait déjà qu’il ne sera pas mur pour la session du Parlement en mars. Ministères, provinces et Grandes entreprises d’Etat, font barrage pour le retarder. Et pourtant, rien ne prouve qu’un super ministère, une fois en place, soit plus “vertueux” qu’eux, plus capable de défendre d’abord l’intérêt de la nation, plutôt que les privilèges des fonctionnaires : ainsi, avant même d’être en activité, ce projet de Wen Jiabao d’administration plus propre et compétente, souligne à la fois ses lacunes, son urgence, et les puissants freins conservateurs à toute réforme politique. Au moins, la tentative aura le mérite de clarifier les choses : pour réformer, il faut déconstruire !

 

 


A la loupe : Match de catch : Canton contre Chongqing

De janvier à décembre, 1000 PME de chaussures ont fermé au Guangdong, tuées par la hausse des matières 1ères, des salaires, la nouvelle loi du travail et la suppression de la restitution à l’ex-port. De même, la montée du ¥ permit à la chaussure vietnamienne de concurrencer la Chinoise, jusqu’à son marché intérieur.

Le mauvais temps aussi, a joué son rôle : suite au déficit électrique (d’1Gw/jour au 18/02, après la destruction jusqu’à fin mars des lignes à haute tension du Hunan et du Guizhou), seules les industries « prioritaires » (moins polluantes et gourmandes en énergie) restent alimentées -moyennant coupure de 30%.

Par ailleurs, selon la FHKI, ‘(Fédération des industries Hongkongaises), d’ici l’été, 14.000 des usines créées par des Hongkongais dans la province fermeront faute de personnel. Durant les fêtes de Nouvel An, les ouvriers migrants ont réfléchi : après le phénoménal engorgement des transports qui vient d’avoir lieu, l’écart salarial entre Guangdong (1000¥ /mois) et les régions du centre (850¥ /mois), ne couvre plus le coût de leur voyage au foyer natal, au demeurant, dangereux et inconfortable !

Seule parade, le Guangdong doit accélérer le passage vers sa prochaine étape de développement, les services. Pour ce faire, il améliore son environnement, à commencer par l’ordre public. A Canton, 420M² (17,8% du budget) iront en 2008 dans la police, l’achat de cameras vidéo (déjà 212.700), pour contenir la délinquance de sa population migrante: Shenzhen compte 11M d’âmes dont 70% de migrants, et 9 fois plus de vols que Shanghai…

C’est évidemment la chance pour le centre et l’Ouest, de se développer enfin, en réorientant vers ses propres villes-satellites et zones industrielles, la fuite de ses bras et cerveaux.

Telle Chongqing, dans ses montagnes, à 2000km de la mer. Municipalité reculée, et en retard d’investissements, elle a pourtant de beaux atouts comme son marché direct de 100M d’âmes ou son énergie abondante, celle des barrages (3 Gorges…), et son GNL, aussi source d’une chimie encore dans les langes.

L’ex-Ministre du commerce Bo Xilai en est le nouveau secrétaire du Parti. Dans ses bagages, il a apporté à la ville un statut de «zone expérimentale» lui permettant d’accélérer le projet de couverture sociale aux migrants, et plus de liberté d’investissement. En ce pays où tout est politique, Bo pourrait être l’atout n°1 de la ville-province : un battant, et « sur la touche », venant de rater un train vers le pouvoir suprême, sa seule chance de rebondir tient dans la réussite du pari qu’il s’est imposé: « inverser d’ici 2020, le rapport entre campagne et ville, aujourd’hui de 70 à 30 ».

Pour ce faire, la crise systémique que traverse la Chine, la fin probable de l’argent facile et du « tout pour la côte », pourrait être sa chance, terrain plus favorable  pour rebrasser les cartes !

 

 


Joint-venture : IPhone—aller et retour Chine

Iphone : Aller et retour-Chine

Sur les 4M de Iphones vendus dans le monde en 2007, 10% au moins le furent en Chine, et 50% plus cher qu’aux US, (jusqu’à 600$).

«Made in China» pour le compte d’Apple, ces appareils ont fait l’aller et retour vers l’Amérique- le retour en contrebande sur commande de Chinois immigrés, destinées à leurs familles au pays. A destination, ils ont été craqués pour les rendre utilisable sur tout réseau, sans l’abonnement de l’opérateur (co-exploité avec les fournisseurs de réseau). Pour la maison de Steve Jobs, le préjudice serait déjà d’1MM$, sur base d’un abonnement de 2 ans à tarif occidental -4 fois ses profits de la vente aux Chinois.

C’est China Mobile qui a délibérément dévoilé le pot aux roses, un mois après l’interruption de ses palabres avec Apple, faute d’entente sur le tarif, et son partage. Retournant le couteau dans la plaie, Ch. Mobile ajoute qu’en Chine où 20% des portables neufs se vendent à plus de 4000¥, le marché des Iphones serait le meilleur du monde, estimé à 28M d’appareils : dans le créneau du « smartphone », plateforme de jeux, musique, et du réseau internet de 2,5G, Iphone serait de loin le plus avancé et le plus populaire en ce pays…  La nouvelle a choqué la multinationale qui croyait à un volume de détournement quatre fois moindre. Ainsi China Mobile, qui vient en janvier d’ajouter 7M d’abonnés à son réseau, le portant à 376M, a des chances d’atteindre son but  : forcer Apple à retourner à la table de négociation.

Deux lignes ferrées pour la Libye

Une des forces de China Construction Railway, (CCR) est d’être une grande firme d’Etat, habituée aux petits salaires pour ses cheminots et aux contrats sans concurrents à travers l’empire, tel celui de la ligne Golmud-Lhassa, ouvert l’été dernier. Sans compter les contacts de son gouvernement, qui lui permettent de régner sur les marchés internationaux en Afrique, Proche Orient et Asie, 12,4MM$ d’affaires en 2007 (janv. à nov.).

Le 14/02, dans la logique du moment, CCR obtient d’émettre pour 4,5MM$ d’actions en bourse de Hong Kong et de Shanghai, dont les ventes débutent le 25/02. Selon un plan soigneusement arrêté, 8 jours avant la date fatidique, elle publie son dernier succès à un appel d’offres hors frontières : deux lignes ferroviaires en Libye, l’une côtière, Est-Ouest de Sirt à Khums (352km à construire en 4 ans), l’autre Sud à Ouest (Sebha-Misurata, 800km à monter en 3 ans), pour transporter vers la mer le minerai de fer. Valeur du contrat : 2,6MM$, sans compter la plus-value sur le cours du titre !

La Chine compte ses Louis d’or

En Chine, le nouveau riche n’a jamais hésité à payer son prix les valeurs sures, surtout en période d’inflation. Quoique le cours de l’or s’envole, valeur refuge en période de subprimes (948,6$ l’once au 21/02), le pays a consommé 326t en 2007 (+26%), dont 302t en bijouterie.

La production locale progresse, aidée par l’investissement étranger : mais avec 270t extraites l’an dernier, il lui a fallu faire rentrer 56t de l’extérieur. Tout ceci fait de la Chine le 2d consommateur (derrière l’Inde, 773t) et 2d producteur, talonnant à 2t près l’Afrique du Sud qui risque son trône incontesté depuis 1905!    

 

 


JO : Jour J-165

Ø     Calqué sur le modèle européen, l’Asie se dote d’un jeu de Rugby des 5 nations (21/02). Sponsorisé par HSBC, il sera financé pour l’organisation des matches, par 0,5M$/an de la tutelle IRB (International Rugby Board). Les 5 nations “initiales” sont Japon, Emirats, HK, Corée et Kazakhstan : car contrairement au “6 nations” d’Europe, la cuillère de bois (queue de classement) sera reléguée chaque an née, laissant place au meilleur des 20 autres pays, dont la Chine.

Ø      Après le retrait de Spielberg de son poste de consultant artistique des JO pour cause de clause de conscience, Pékin contre-attaque, “Il n’a pas démissionné”, accuse la propagande chinoise, “puisqu’il n’avait jamais formellement pris le job”. Par ailleurs, un mini Parti hollandais, l’Union chrétienne, est le 1er à préconiser un boycott -celui des cérémonies. La Chine ne ramène pas la sérénité au débat, en tenant (19/02) le procès de Yang Chunlin, dissident ayant réuni 10.000 signatures de fermiers contre les JO—on attend le verdict.

Ø      Le ministère de la sécurité reste en alerte (17/02) face à de possibles agressions bio chimiques ou nucléaires lors des JO. Peut-être suite au coup de filet sanglant du 27/01 au Xinjiang, contre un réseau séparatiste ouighour : 2 morts, 15 arrestations.

 


Petit Peuple : Yingkou: un film « X » vierge

Au lycée n°1 de Yingkou Liaoning), Zuo Ya, étudiante émérite, avait son avenir tout tracé. Son seul souci -bien de son âge- étant la découverte de l’autre sexe. En 2006, le lycée les avait gratifiés d’un cours maladroit où la prof de biologie, s’aidant du cliché d’une femme nue, avait effleuré les rudiments techniques de l’amour, tandis que les gars ne cessaient de glousser et les filles interdites, de s’observer en biais. Puis dès 2007, le cours avait été annulé, renforçant le malaise de Zuo Ya. C’est que sa classe comptait 4 à 5 petits couples, 25% de leur groupe, qui ne cessaient de chuchoter et se faire des oeillades.

Aussi pure que naïve, Zuo Ya n’était en rien jalouse. Mais sa tante, gynécologue, était là pour lui conter l’explosion des avortements dans son hôpital, des fausses couches et grossesses sauvages. Et ses copines disparaissaient du lycée, pour réapparaître vendeuses ou bonnes, leurs coeurs et leurs corps gâchés à jamais ! De ce mal, les parents étaient en partie responsables, avec leur propension à «garder la vérité sous cloche» (讳莫如深 hui mo ru shen), et ignorer les appels à l’aide.

C’est pourquoi en 2007 après son bac, Zuo Ya décida de briser le mur du silence: elle tournerait un film d’éducation sentimentale, qu’elle posterait sur internet !

Tout de suite, elle trouva fa-ce à elle une ville en fièvre, tel un nid de guêpes dérangé d’un coup de pied. Plutôt que d’en parler et faire des vagues, les esprits  vieux-jeu  préféraient laisser s’envenimer le mal social. Enthousiaste, la frange moderniste défendait le remède imaginé par Zuo Ya. Sans opinion mais pragmatique, la majorité comptait les points: telle sa mère, pas hostile sur le fond, mais qui déplora qu’avec sa maudite lubie de s’occuper des affaires des autres, Zuo Ya ait obtenu un score médiocre au bac, la forçant à redoubler.

D’accord en principe, ses co-pains de classe voulurent bien financer son projet, voire prêter jusqu’à 3 caméras digitales. Mais au grand jamais, ils n’acceptèrent de se porter volontaires comme acteurs : « les parents se fâcheraient », prétexta l’un d’eux, qui craignait en fait, de dévoiler à la caméra son   ignorance sur les manières dont le corps exulte.

Zuo Ya tint bon. Elle trouva un ami pour rédiger le scénario -tragique à souhait, mais dépourvu de toute scène torride. Un collège technique lui fournit deux chambres comme décor, et l’aida à convaincre quelques uns de ses apprentis de tenir les rôles : moins maniérés et plus pauvres, ils furent surtout sensibles à l’appât d’un petit cachet.

Surtout, à force d’obstination téléphonique, Zuo Ya sut convaincre un magazine féministe de consacrer un reportage à sa démarche: depuis, les fonds affluent, les techniciens bénévoles aussi – la sortie sur la toile est imminente.

De son aventure, Zuo Ya a beaucoup appris. A vaincre ses peurs, et à aider les adultes à conjurer les leurs. Voyant leur jeunesse refuser cette fausse fatalité qui n’était en fait que lâcheté, les bonnes gens de Yingkou retrouvent leur courage, acceptent de décaper leurs relations de leur chape d’hypocrisie : à défaut d’avoir été les auteurs du changement, ils sont prêts, désormais, à s’en faire les alliés !

 

 


Rendez-vous : Pékin, Salon de la décoration

29 février – 3 mars, Beijing : Build and Decor, Salon de la décoration

01-02 mars. Beijing : CIEET, Salon de l’éducation