Editorial : L’écureuil paiera pour le chômeur

Le 1er septembre, l’épargnant chinois fut réveillé par deux nouvelles, une bonne, une mauvaise, votées la veille par le bureau de l’Assemblée Nationale Populaire (11ème  session) :

La bonne : Pékin émet pour 7,2MMUSD de bons du Trésor, destinés à financer des projets de construction, « écologiques » et d’équipement du Grand-Ouest. C’est donc le plan de relance, attendu depuis longtemps, calqué sur l’exceptionnel « new deal »de l’an passé (12MMUSD).Xiang Huaicheng, Ministre des Finances en attend un effet quintuple, avec l’afflux des crédits privés, bancaires, et étrangers.

L’emprunt émis moitié pour Pékin, moitié pour les provinces, fait s’envoler la dette publique, de 18 à 21,7 MMUSD (contre 10,8 en 1998). Mais le pouvoir pense qu’il induira une reprise de la production d’énergie, des métaux, des matériaux de construction et des exports, et essentiellement un meilleur moral chez les consommateurs.

La mauvaise : l’épargne en banque va être taxée. 720MMUSD sont visés (l’équivalent du patrimoine public), à concurrence de 20% des intérêts. Visés aussi, les riches, puisque 80% de cette fortune est aux mains de 20% de la société. Il s’agit d’un marché captif, car les moyens de placement en Chine sont limités, et les robinets des capitaux vers l’étranger se referment, telles, ces jours-ci, les compagnies boursières disposant de filiales à Hong Kong, qui seront désormais sous contrôle simultané des deux bords de la frontière (par la China Securities Regulatory Commission, côté chinois). Il s’agit de forcer, par la « faim », le loup de l’épargne à sortir du bois bancaire. L’épargnant, pour échapper à la taxe, n’a que deux choix : placer en bourse (qui reste quasiment « hors taxes »)… ou dépenser !

Comme pour se faire pardonner par le peuple les 30% de hausse de salaires des fonctionnaires de juin dernier, l’Etat a décidé d’affecter le produit de la taxe à une hausse des indemnités de chômage (170Y/ mois, + 85Y/mois de couverture sociale), et des pensions.  Hausse de 30%, soit 24,5 MMY qui devraient être payés avant le 1er octobre, Fête nationale. Ces annonces, et le maintien musclé de l’ordre (arrestations de cadres du Falungong, de protestants de l’ombre, condamnations sévères de dissidents) expriment une évidente nervosité, au vu des mauvais résultats économiques.

La hausse du PNB s’est effritée de 8,1%, premier trimestre, à 7,1% (second). Juillet a été le 22ème  mois de chute des prix ( 1,4%). Le premier  semestre a vu la mort de 275200 compagnies (- 4,2%), 7,4M de travailleurs sont tombés au chômage, dont 5M y sont restés, et 0,3M n’ont touché aucune aide. Il y a encore un an, c’était l’inverse : moyennant un effort de recyclage, l’Etat se targuait d’avoir replacé presque tous les chômeurs urbains!Avec l’écart croissant des fortunes et la poussée de la corruption, ce nouveau chômage de masse est porteur de ce que Pékin redoute le plus : l’explosion de la rue! D’où sa générosité, et la volonté de contraindre, dès cette année, l’écureuil à la solidarité.

L’audace de ces mesures apparaît plus clairement quand on sait le climat tendu qui les accompagne : personne, dans les administrations ne prend plus de risques ni d’initiatives fraîches; la bataille contre corruption, contrebande et taxes illégales marque le pas; et faute d’un assainissement du secteur public, les dysfonctionnements déjà sensibles en 1998 (chantiers dangereux, gabegie), de ce genre de « croissance téléguidée », n’ont aucune raison de disparaître…

Vu sous cet angle, en dépit de ses innovations, ce plan de relance apparaît finalement pour ce qu’il est : imposé par le court terme et les menaces de dérapages sociaux, il n’a rien d’un « schéma directeur », complet et logique, d’une économie nationale. Son principal mérite attendu consiste à désamorcer une bombe sociale, voire de retarder une dévaluation désormais inévitable – tout en attendant un  hypothétique retournement de la conjoncture !

          

 

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