Editorial : Une Chine en rose

Alors que se déroulent des événements politiques qui infléchiront sans doute la destinée du pays, cela n’a pas empêché la Chine de célébrer la journée mondiale des droits de la femme le 8 mars, en reconnaissance de « la moitié du Ciel ». Au Grand Palais du peuple, des discussions se poursuivaient au sein des deux Assemblées (两会 liǎnghuì), (Parlement et Conférence Consultative) autour de la condition féminine, de la natalité, du bien-être des enfants.

Trois propositions au moins étaient soumises aux édiles, sur le sujet très sensible du harcèlement sexuel : sur les réseaux sociaux, des mouvements  tels #WoYeShi (version chinoise de #MeToo), réclamaient une définition contraignante de ce délit. En fait, le pays dispose bien de deux lois ad hoc, sur la « protection des droits et intérêts de la femme » et la « protection des employées sur le lieu de travail ». Mais elles restent caduques, faute d’une définition juridique du harcèlement et d’une guidance aux juges sur les peines à prononcer. Des dizaines de millions de jeunes employées souhaitent voir la fin de l’impunité pour les propos indécents et attouchements, de la part des collègues ou patrons.

Côté natalité, il y a urgence : la Chine devient vieille avant d’être riche, et ne fait plus d’enfants. En 2016, de grands espoirs étaient placés dans l’assouplissement du planning familial à deux enfants : cette année-là, les naissances avaient augmenté de 7,15%. Mais dès 2017, le marasme reprenait, avec 630.000 naissances en moins. D’autres  mauvais signes s’accumulent, comme la baisse de fertilité, celle du nombre de mariage depuis 3 ans, et la hausse des divorces depuis 14 ans. Aussi Zhu Lieyu, avocat et élu du Guangdong, propose au Parlement deux actions publiques : porter le quota d’enfants par couple à trois, d’inclure les années de crèche et de maternelle dans l’éducation obligatoire, afin de pouvoir les subventionner, et que ces structures acceptent les petits en dessous de 3 ans. Ce qui supposerait, de la part de l’Etat un effort financier vu le déficit  en jardins d’enfants. A Shanghai, on ne compte que 14.000 places pour bébés de deux ans, pour 100.000 demandes.

Au moins pour certains jeunes enfants, le ciel s’éclaircit : ceux laissés au village seuls, ou à la garde de leurs grands-parents (dans 90% des cas), pendant que leurs parents travaillent en ville. Car depuis 2016, une crise de l’emploi urbain et la démolition forcée d’habitations illégales, contraint des millions de migrants à retourner chez eux. Ils étaient 4,8 millions en 2016 et 7 millions en 2017 à retourner au village et créer leur propre business (notamment dans le e-commerce) avec leurs petites économies. Bien sûr, pour leurs enfants, ce retour est positif : il met fin à leur traversée du désert affectif, qui les conduisait trop souvent à l’échec scolaire.

Un exemple de réussite est celui de Luo Zhaoliu, 34 ans, qui a quitté début 2017 son emploi d’ingénieur automobile à Shenzhen pour retourner au « pays » à Wan’an (Jiangxi), et relancer l’affaire de tofu fermenté qui constituait le gagne-pain de sa famille depuis plusieurs générations. Ayant pu emprunter 900.000 ¥ pour équiper son atelier artisanal, Luo a recruté 15 travailleurs entre 50 et 60 ans et s’est mis à produire à Wan’an des jarres de tofu parfumés à l’huile de thé et au vin jaune. Depuis Shenzhen, des mois à l’avance, Luo avait pris des contacts et préparé la distribution sur la plateforme  Taobao, sur  WeChat et via une chaîne de magasins. Le succès fut immédiat et en écoula 60.000 unités dans l’année sous la marque « Luo Doudou ». À présent, il envisage de d’agrandir l’atelier et de tripler le personnel. Il offre aussi à sa région l’exemple d’une chance saisie, de renaissance d’un village grâce à l’internet. Selon Alibaba, en 2017, on recensait à travers le pays 2118 villages et 242 communes, vivant de leur commerce sur Taobao, pour un montant total annuel de 120 milliards de yuans.

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