Société : « Couvrez ces richesses que je ne saurais voir » !

« Couvrez ces richesses que je ne saurais voir » !

C’est en substance la dernière consigne formulée par l’administration du cyberespace (CAC), aux manettes d’une campagne de « purification » de l’internet.

Après avoir réprimé les fan-clubs en ligne et banni les célébrités « immorales », les live-streamers « aux influences néfastes » ainsi que les « beautés bouddhistes » (jeunes femmes qui se mettent en scène dans des temples pour accroître leur popularité), le régulateur s’attaque désormais au contenu « tapageur » sur les réseaux sociaux.

La plateforme Xiaohongshu (小红书), sorte d’Instagram aux 160 millions d’utilisateurs actifs par mois, a pris la directive très au sérieux et aurait développé des algorithmes capables de détecter les utilisateurs qui vantent leur richesse (炫富; xuànfù).

L’application spécialisée dans les conseils mode et lifestyle, a longtemps été synonyme de contenu « extravagant » et « déformant la réalité ». A tel point qu’il se dit souvent qu’il est impossible de deviner la richesse d’un(e) Chinois(e) avant de l’avoir vu sur Xiaohongshu !

« Notre plateforme va fermement combattre de tels contenus, qui nuisent à l’expérience des utilisateurs et alimentent une morale malsaine », a déclaré la plateforme dans un communiqué de presse. Mi-novembre, Xiaohongshu a annoncé avoir détecté plus de 8700 posts ostentatoires et sanctionné 240 comptes. Quelques mois plus tôt, Xiaohongshu avait prié ses utilisateurs « d’éviter d’étaler leur pouvoir d’achat excédant ceux des gens ordinaires ».

Xiaohongshu n’est pas la seule app à réprimer ce type de contenu. Les plateformes de courtes vidéos Douyin et Kuaishou ont déjà banni plusieurs milliers de comptes pour avoir fait l’étalage de leurs possessions.

Certains influenceurs ont affiché leur soutien à cette campagne : « ce contenu est nuisible […] et implante des valeurs « incorrectes », comme la vanité, le besoin constant de se comparer aux autres et la tentation de prendre des raccourcis dans la vie », écrit l’une d’entre elles. « Ces étalages ostentatoires sont vicieux et créent l’illusion que tous les utilisateurs de Xiaohongshu sont fortunés, même si c’est loin d’être la vérité », commente un autre.

Mais alors, comment distinguer les partages « honnêtes » de la vantardise ? « Il suffit de se demander si ce contenu encourage positivement les autres utilisateurs à mener une vie saine ou, au contraire, les incite à mépriser les pauvres, à mener une vie de luxe, ou alors les pousse à l’oisiveté », a répondu Zhang Yongjun, directeur du bureau de management de l’information à la CAC.

Ces remarques soulignent le désir du Parti de remédier à l’impact social du fossé qui se creuse entre les riches et les pauvres.

Pour autant, une partie des internautes doutent que supprimer des posts provocants soit la meilleure manière de résoudre le problème. « Supprimer tout ce contenu n’efface pas l’écart des richesses en Chine », écrit l’un d’entre eux. « Cette campagne n’est pas nécessaire… Je n’ai pas les moyens de m’acheter de telles choses et de mener un tel train de vie, mais pourquoi ne pourrais-je pas simplement voir comment les autres en profitent ? », questionne un autre.

Alors que le concept de « prospérité commune » a été remis au goût du jour, prônant une réduction des inégalités, la Chine de Xi Jinping devient soudainement mal à l’aise par ce déballage de richesses accumulées ces dernières décennies. Quarante ans plus tôt, Deng Xiaoping lançait : « devenir riche est glorieux ». Plus aujourd’hui…

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1 Commentaire
  1. severy

    On comprend mieux l’exaspération de la population qui sait parfaitement que les dirigeants du pays se sont enrichis illégalement… et le cachent. L’hypocrisie est une vertu d’État.

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