Le Vent de la Chine Numéro 39 (2021)

du 6 au 12 décembre 2021

Editorial : Virage africain sur les « nouvelles routes de la soie »
Virage africain sur les « nouvelles routes de la soie »

L’âge d’or des relations sino-africaines appartiendrait-il au passé ? Lors du 8ème forum de coopération Chine-Afrique (FOCAC) qui a eu lieu les 29 et 30 novembre à Dakar (Sénégal), l’enthousiasme débordant d’hier, a laissé place à un certain scepticisme… des deux côtés.

Durant les deux dernières décennies, les échanges entre Chine et Afrique ont connu un essor spectaculaire. Ils ont été multipliés par 20, pour dépasser annuellement les 200 milliards de $. Une estimation qui fait de Pékin le premier partenaire commercial de l’Afrique depuis 2009. Entretemps, la Chine est également devenue le premier bailleur de fonds de nombreux pays du « continent noir », devenant un acteur géopolitique de premier plan en Afrique et damant le pion aux puissances occidentales, France et États-Unis en tête.

Cependant, après des années de financements quasi illimités, notamment conclus dans le cadre de son initiative « Belt & Road » (BRI) lancée en 2013, la Chine est forcée de constater que de nombreux pays africains se retrouvent dans l’incapacité de payer leurs dettes. Une situation qui s’est aggravée avec la pandémie.

C’est ce qui explique que la Chine se contente d’annoncer 40 milliards de $ de nouveaux investissements, lignes de crédit et droits de tirage spéciaux, contre 60 milliards de $ lors des précédentes éditions du FOCAC en 2015 et 2018.  

Ce fléchissement des largesses chinoises illustre un certain tassement de la dynamique « Chinafrique ». Selon le cabinet d’avocat Baker McKenzie, les investissements réalisés par les banques chinoises dans des projets d’infrastructure en Afrique ont chuté de 11 milliards de $ de 2017 à seulement 3,3 milliards en 2020.

Si les pays africains demeurent toujours très demandeurs de financements chinois, la liste de leurs doléances s’allonge : conditions financières peu attractives, contrats « infrastructures contre ressources naturelles » asymétriques, échanges commerciaux déséquilibrés (de type Nord-Sud), faibles retombées économiques pour les populations locales, violation du droit du travail, dégâts environnementaux

Consciente de ces problèmes croissants, la Chine a annoncé un recalibrage de son engagement avec l’Afrique, avec une prudence accrue en matière de financement, une meilleure évaluation des projets et des risques et une attention particulière portée aux problèmes de corruption.

Il s’agit aussi de délaisser les traditionnels projets d’infrastructures au profit d’autres formes de connectivité (financière, numérique, santé…) avec une participation croissante du secteur privé.

Le Président Xi Jinping s’est également engagé à acheter davantage de produits agricoles africains : 300 milliards de $ d’importations sont prévus durant les trois prochaines années. Un objectif modeste étant donné la courbe actuelle des importations chinoises.

Mais c’est la promesse de fournir 1 milliard de doses de vaccin à l’Afrique pour l’aider à atteindre un taux de vaccination de 60% d’ici 2022 qui lui a valu le plus d’applaudissements, en un pied de nez aux dons occidentaux et aux initiatives internationales comme COVAX. Actuellement, seulement 7% de la population africaine est vaccinée…

Alors que la Chine fait évoluer ses axes de coopération avec l’Afrique, l’Union européenne et les États-Unis s’intéressent de plus près au continent, voyant leur influence s’amenuiser.

Le 1er décembre, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a annoncé un programme prénommé « Global Gateway », doté de 300 milliards d’euros. Il vise à financer des investissements dans le numérique, la santé, le climat, l’énergie et les transports ainsi que l’éducation et la recherche, d’ici à fin 2027. Le plan « vise à tisser des liens et non à créer des dépendances », a taclé la présidente, sans toutefois mentionner explicitement l’initiative BRI chinoise. « Nous voulons des projets qui soient mis en œuvre avec un haut niveau de transparence, de bonne gouvernance et de qualité », a-t-elle ajouté.

Ce programme européen fait suite au projet américain « Build Back Better World », vanté par le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken lors d’une récente tournée africaine, en perspective d’un sommet Afrique-États-Unis en 2022. Le programme ambitionne d’investir 40 000 milliards de $ d’ici 2035 dans des pays en voie de développement, dont des nations africaines.

La situation ne manque pas de piment. D’un côté, l’Occident se retrouve à « copier » l’initiative chinoise, tout en promettant que leurs programmes seront « plus qualitatifs et viables ». De l’autre, la Chine semble s’aligner sur l’offre occidentale en prêchant une « offre durable et de haute qualité ».

La véritable question est : l’Europe et les États-Unis doivent-ils vraiment concurrencer la Chine en Afrique sur le terrain des infrastructures ? Sont-ils en mesure de le faire ?

Il est bon de rappeler que l’initiative BRI a  avant tout été conçue comme une réponse aux défis économiques intérieurs chinois (surcapacités industrielles, accumulation de devises étrangères résultant de ses excédents commerciaux, nécessité de sécuriser son approvisionnement en ressources naturelles…). Les préoccupations américaines et européennes sont quelque peu différentes, tout comme leurs avantages compétitifs respectifs…

Quoi qu’il en soit, l’arrivée des projets et financements chinois a eu le mérite de sortir les pays africains de leur face-à-face avec les anciennes puissances coloniales. Ils se retrouvent aujourd’hui au cœur de toutes les convoitises – ou plutôt des rivalités, car toute adhésion à l’une ou l’autre des initiatives sera interprétée comme une prise de position géopolitique. L’Afrique sera-t-elle vraiment en mesure d’en tirer partie ?


Technologies & Internet : La Chine capitalise sur ses « big data »
La Chine capitalise sur ses « big data »

Avec plus d’1 milliard d’internautes et une société extrêmement digitalisée, la Chine est devenue un paradis pour les « big data » (大数据 ; dàshùjù), parfois qualifiées d’« or digital » du XXIème siècle.

Pékin a bien conscience de cet atout, et veut faire de l’exploitation des « mégadonnées », son nouvel avantage compétitif face au reste du monde.

Dans le 14ème plan publié par le ministère de l’industrie et des technologies de l’information (MIIT), les données sont qualifiées de « ressource nationale stratégique », d’« important facteur de production de la nouvelle ère », et de « nouveau moteur de la transformation économique ». L’industrie des « big data » devrait tripler d’ici 2025 pour représenter 3000 milliards de yuans (470 milliards de $).

Cette annonce coïncide avec l’inauguration à Shanghai le 25 novembre d’une « plateforme d’échange de données » (SDE, 上海数据交易所) par le maire Gong Zheng. S’il existe déjà 17 places de ce type à travers le pays (la première a vu le jour en 2014 à Guiyang, dans la province du Guizhou, connue pour ses centres de stockage de « big data »), c’est la première fois que des entreprises privées y prennent part.

Parmi la centaine de firmes présentes, une vingtaine de « vendeurs » désireux de monétiser leurs masses de données. C’est le cas de ­China Mobile, China Eastern Airlines, COSCO, UnionPay ou encore JD.com et AutoNavi (高德) d’Alibaba…

La première transaction a finalement eu lieu entre State Grid Shanghai, qui a vendu une analyse de la consommation énergétique des entreprises à ICBC. Grâce à ces informations, la banque compte ajuster son offre de crédit. C’est la règle : les acheteurs doivent justifier l’utilisation de ces données tandis que les vendeurs doivent prouver les avoir collectées légalement, avant de les rendre anonymes. 

La situation est quelque peu paradoxale : l’État veut à la fois stimuler l’échange et l’exploitation de mégadonnées dans certains domaines-clés (télécommunication, finance, médecine, agriculture, transports, énergie, sécurité publique), tout en renforçant son contrôle et sa souveraineté sur les données « made in China ».

Après une première loi sur la cybersécurité adoptée en 2017 qui a contraint les entreprises à stocker les informations sur les utilisateurs chinois sur le territoire national, deux autres sont venues compléter le cadre réglementaire cette année : celle sur la sécurité des données (DSL) et celle sur la protection des données personnelles (PIPL), modelée à partir de la RGPD européenne, les dispositions sur la « souveraineté nationale » en plus…

Si les géants de la tech chinois sont les premiers visés par ce durcissement légal, les compagnies étrangères s’inquiètent particulièrement de l’interdiction de transférer hors du pays des données « fondamentales » impliquant « la sécurité nationale ou l’intérêt public » sans l’accord de Pékin.

Au-delà de cette définition floue, cela pourrait signifier que le feu vert de l’administration du cyberespace (CAC) sera nécessaire lorsqu’une marque étrangère voudra partager des données relatives à ses clients chinois avec son siège. Même chose pour une compagnie pharmaceutique qui chercherait à envoyer à une autre filiale du groupe les résultats de sa dernière étude clinique réalisée sur des patients chinois. Idem pour un fabricant automobile souhaitant partager les trouvailles de ses équipes chinoises de R&D avec sa direction…

Une procédure « restrictive » et « coûteuse », dénoncent en cœur les Chambres de Commerce étrangères. Certains analystes avertissent également contre une éventuelle « politisation » de l’exportation de ces données vers un pays donné par la CAC…

Cette « nationalisation » des données impacte également les entreprises chinoises qui envisageaient de faire leur entrée en bourse hors frontières*. Didi Chuxing en sait quelque chose et vient d’annoncer l’annulation de sa cotation à New York au profit de Hong Kong, après avoir eu « l’arrogance » de passer outre les recommandations du régulateur qui craignait que la tutelle boursière américaine (SEC) accède à des informations sensibles…

Si le gouvernement se montre intransigeant sur la façon dont les entreprises privées stockent, utilisent, et partagent les données, il se laisse carte blanche pour les utiliser à sa guise, en faisant un axe important de l’« amélioration de sa gouvernance ». Le recours aux codes QR de santé et au traçage des données mobiles depuis le début de la crise sanitaire en sont les exemples les plus récents. Et ce n’est qu’un début ! Chen Yixin, secrétaire général de la commission centrale des affaires politiques et légales, a récemment incité les cadres à collecter davantage d’informations sur la « population de base » et à davantage faire confiance aux « mégadonnées » plutôt qu’à leur expérience pour prendre des « décisions importantes » et « réduire les risques »**. Les « big data » au service du peuple, en quelque sorte.

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* Pékin serait sur le point de mettre un terme au système « d’entités à intérêt variable » (VIE) qui permettait aux compagnies chinoises de contourner les restrictions du gouvernement pour aller se coter à l’étranger. Cette décision ne serait pas étrangère à la nouvelle loi entrée en vigueur aux États-Unis qui exige que le niveau de propriété du gouvernement étranger dans ces firmes soit divulgué, et que les cabinets d’audit chargés des sociétés chinoises cotées aux USA soient examinés par le régulateur boursier américain (SEC). Jusqu’à présent, Pékin a toujours refusé de telles inspections. Jusqu’à 200 entreprises chinoises pourraient ainsi être radiées des places américaines.

**Au Henan, les autorités ont pris les devants, en ébauchant, au lendemain des fortes inondations de juillet, un système de surveillance qui détectera certaines catégories de personnes (journalistes et étudiants étrangers notamment) dès qu’elles mettront un pied dans la province…


Société : « Couvrez ces richesses que je ne saurais voir » !
« Couvrez ces richesses que je ne saurais voir » !

C’est en substance la dernière consigne formulée par l’administration du cyberespace (CAC), aux manettes d’une campagne de « purification » de l’internet.

Après avoir réprimé les fan-clubs en ligne et banni les célébrités « immorales », les live-streamers « aux influences néfastes » ainsi que les « beautés bouddhistes » (jeunes femmes qui se mettent en scène dans des temples pour accroître leur popularité), le régulateur s’attaque désormais au contenu « tapageur » sur les réseaux sociaux.

La plateforme Xiaohongshu (小红书), sorte d’Instagram aux 160 millions d’utilisateurs actifs par mois, a pris la directive très au sérieux et aurait développé des algorithmes capables de détecter les utilisateurs qui vantent leur richesse (炫富; xuànfù).

L’application spécialisée dans les conseils mode et lifestyle, a longtemps été synonyme de contenu « extravagant » et « déformant la réalité ». A tel point qu’il se dit souvent qu’il est impossible de deviner la richesse d’un(e) Chinois(e) avant de l’avoir vu sur Xiaohongshu !

« Notre plateforme va fermement combattre de tels contenus, qui nuisent à l’expérience des utilisateurs et alimentent une morale malsaine », a déclaré la plateforme dans un communiqué de presse. Mi-novembre, Xiaohongshu a annoncé avoir détecté plus de 8700 posts ostentatoires et sanctionné 240 comptes. Quelques mois plus tôt, Xiaohongshu avait prié ses utilisateurs « d’éviter d’étaler leur pouvoir d’achat excédant ceux des gens ordinaires ».

Xiaohongshu n’est pas la seule app à réprimer ce type de contenu. Les plateformes de courtes vidéos Douyin et Kuaishou ont déjà banni plusieurs milliers de comptes pour avoir fait l’étalage de leurs possessions.

Certains influenceurs ont affiché leur soutien à cette campagne : « ce contenu est nuisible […] et implante des valeurs « incorrectes », comme la vanité, le besoin constant de se comparer aux autres et la tentation de prendre des raccourcis dans la vie », écrit l’une d’entre elles. « Ces étalages ostentatoires sont vicieux et créent l’illusion que tous les utilisateurs de Xiaohongshu sont fortunés, même si c’est loin d’être la vérité », commente un autre.

Mais alors, comment distinguer les partages « honnêtes » de la vantardise ? « Il suffit de se demander si ce contenu encourage positivement les autres utilisateurs à mener une vie saine ou, au contraire, les incite à mépriser les pauvres, à mener une vie de luxe, ou alors les pousse à l’oisiveté », a répondu Zhang Yongjun, directeur du bureau de management de l’information à la CAC.

Ces remarques soulignent le désir du Parti de remédier à l’impact social du fossé qui se creuse entre les riches et les pauvres.

Pour autant, une partie des internautes doutent que supprimer des posts provocants soit la meilleure manière de résoudre le problème. « Supprimer tout ce contenu n’efface pas l’écart des richesses en Chine », écrit l’un d’entre eux. « Cette campagne n’est pas nécessaire… Je n’ai pas les moyens de m’acheter de telles choses et de mener un tel train de vie, mais pourquoi ne pourrais-je pas simplement voir comment les autres en profitent ? », questionne un autre.

Alors que le concept de « prospérité commune » a été remis au goût du jour, prônant une réduction des inégalités, la Chine de Xi Jinping devient soudainement mal à l’aise par ce déballage de richesses accumulées ces dernières décennies. Quarante ans plus tôt, Deng Xiaoping lançait : « devenir riche est glorieux ». Plus aujourd’hui…


Chiffres de la semaine : « 454 198 cas chaque jour, 8 entreprises françaises, une chance sur 46 »
« 454 198 cas chaque jour, 8 entreprises françaises, une chance sur 46 »

454 198 : c’est le nombre de cas de Covid-19 que la Chine recenserait chaque jour si elle adoptait une approche sanitaire similaire à celle appliquée en France, selon une étude réalisée par des mathématiciens de l’université de Pékin et publiée par le Center for Disease Control and Prevention (CDC) chinois le 24 novembre. La méthode américaine vaudrait à la Chine 637 155 cas quotidiennement, tandis que celle britannique provoquerait 275 793 cas toutes les 24h.

D’après Wu Zunyou, directeur du CDC, si la Chine n’avait pas adopté une stratégie zéro-Covid, et que le taux d’infection était similaire à celui américain, la Chine aurait connu 200 millions d’infections et 3 millions de morts. Cette étude tombe à point nommé pour le gouvernement qui tentait de justifier le maintien de sa stratégie « zéro-Covid », avant même la découverte du variant Omicron.

« [Une politique d’ouverture] aurait un impact dévastateur sur le système de santé chinois […] et viendrait ruiner tous nos efforts des deux dernières années », affirment les auteurs, qui sont partis du principe que l’efficacité des vaccins chinois (essentiellement inactivés) est la même que ceux ailleurs dans le monde – quoique ce ne soit pas nécessairement le cas.

« Nos résultats démontrent que pour le moment, nous ne sommes pas prêts à mettre en œuvre une stratégie d’ouverture, en se basant seulement sur l’hypothèse d’une immunité collective obtenue grâce à la vaccination », commentent-ils. Et de conclure : « une vaccination ou un traitement plus efficace, de préférence une combinaison des deux  sont requis avant que les mesures de quarantaine en vigueur à l’entrée sur le territoire chinois, et les autres mesures sanitaires, puissent être levées en toute confiance ». La réouverture donc, ce n’est pas pour demain.

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6% du PIB chinois : c’est la contribution à la croissance chinoise des 100 plus grandes entreprises étrangères présentes dans l’Empire du Milieu selon les calculs du dernier classement Hurun basés sur leurs ventes (5 900 milliards $ en 2020) et leur nombre d’employés (2,5 millions de personnes) en 2020.

Parmi ce classement, 34 entreprises sont américaines, 14 japonaises, 12 allemandes et anglaises, 8 françaises et 5 suisses. Au total, 45% d’entre elles sont européennes, contre 34% pour l’Amérique du Nord. Les deux tiers ont choisi d’établir leur siège à Shanghai, contre un tiers à Pékin. L’industrie automobile domine le classement, suivie par la santé, les biens de consommation et les produits électroniques.

Le n°1 est l’assembleur Foxconn, suivi par Volkswagen, GM, Apple et Toyota à la 5ème place. Arrivé il y a moins de dix ans sur le marché chinois, Tesla se classe à la 51ème place. Côté français, LVMH est 15ème, suivi par L’Oréal à la 35ème place et Sanofi au 61ème rang, puis par Kering (81ème), Total (83ème), Chanel (89ème), Danone (90ème), et Hermès qui ferme la marche (99ème). Côté suisse, Nestlé arrive 29ème , ABB, 47ème , Roche, 49ème , Novartis, 68ème , et Richemont 72ème .

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Une chance sur 46 : c’est la probabilité d’obtenir un poste dans la fonction publique en 2022 à l’issue du concours de recrutement qui a eu lieu le 28 novembre. Avec le ralentissement de l’économie et la pandémie, le service public a connu un regain d’intérêt de la part des jeunes Chinois, cherchant la sécurité de l’emploi.

Résultat : le « guókǎo » n’a jamais été aussi compétitif qu’aujourd’hui. Sur les 2,12 millions d’inscrits (nombre record, en hausse de 21,4% par rapport à 2020), 1,44 million ont passé l’examen, pour seulement 31 242 recrutements (24,1% de plus que l’an dernier). Le poste le plus prisé est celui de chef du bureau postal de la préfecture de Ngari au Tibet : les candidats ont une chance sur 20 000 d’être pris ! 


Photo de la semaine : Un tapis impérial
Un tapis impérial

L’art contemporain chinois n’est pas le seul à battre des records aux enchères ! Ce splendide tapis impérial de la dynastie Ming a été adjugé 6,88 millions d’euros sous le marteau de Christie’s à Paris, le 23 novembre, dépassant son estimation initiale de 3,5 à 4,5 millions d’euros. 

L’acheteur a préféré rester anonyme, mais on sait que le tapis va « retourner en Asie ». Il aurait quitté la Chine en 1920, dans les bagages d’un couple de riches Américains en voyage de noces dans l’Empire du Milieu, avant de rejoindre un collectionneur suisse en 1987. 

En laine sur une base de chanvre et de soie, il représente deux dragons à cinq griffes chassant la perle flamboyante – symbole de perfection, de richesse, de chance et de prospérité – sous un ciel rempli de nuages, également symboles de bon augure. Sa taille (5m sur 4,5m) laisse penser qu’il aurait orné le « kang » (une plateforme chauffée) sur lequel le trône de l’empereur était placé à la Cité interdite.

Tissé avec un poil très épais, il était foulé uniquement avec des pantoufles de soie et ne montrait aucun signe d’usure. Ses seuls ennemis ? Les changements atmosphériques, la vermine, et le temps, qui a balayé son « rouge impérial » d’origine pour révéler cette couleur « camel »….

Il aurait été fabriqué par un atelier pékinois spécialisé dans les tapis impériaux entre le XVe siècle et le milieu du XVIIe siècle. Sur la centaine d’exemplaires « de type Pékin » ayant survécu au sac du Palais d’été ou à la Révolte des Boxers, seuls 39 – comme celui-ci – sont complets, dont 16 représentants des dragons : 9 se situent au Musée du Palais, à la Cité interdite ; les 7 autres se trouvent dans des collections privées…


Vocabulaire de la semaine : « Union Européenne, bloggeur, mode, virus, tolérance zéro… »
« Union Européenne, bloggeur, mode, virus, tolérance zéro… »

– Union Européenne: 欧盟 ; Ōuméng 

– investissements : 投资 ; tóuzī

– plan, programme, projet: 计划 ; jìhuà

欧盟刚刚公布一项斥资3000亿欧元、名为“全球门户”(Global Gateway)的投资计划

Ōuméng gānggāng gōngbù yī xiàng chìzī 3000 yì ōuyuán, míng wèi “quánqiú ménhù”(Global Gateway) de tóuzī jìhuà.

« L’Union Européenne vient d’annoncer un plan d’investissement prénommé « Global Gateway » pour un montant de 300 milliards d’euros ».

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– bloggeur, bloggeuse: 博主 ; bó zhǔ

– mode : 时尚; shíshàng

– étaler ses richesses, ostentatoire: 炫富; xuànfù

– contenu : 内容; nèiróng

入驻小红书后,时尚博主“XXX”就对炫富内容颇为反感。

Rùzhù xiǎo hóng shū hòu, shíshàng bó zhǔ “XXX” jiù duì xuàn fù nèiróng pǒ wéi fǎngǎn.

« Après être arrivée sur Xiaohongshu, la blogueuse de mode « XXX » a été plutôt dégoutée par le contenu ostentatoire ».

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– renoncer, abandonner : 放弃; fàngqì

– virus : 病毒; bìngdú

– “tolérance zéro”: 零容忍; líng róngrěn

– restriction, limite : 限制 ; xiànzhì

– dépasser : 超过 ; chāoguò

如果中国放弃病毒零容忍”的预防措施,取消旅行限制,每日新增病例数可能会超过63万例。

Rúguǒ zhōngguó fàngqì duì bìngdúlíng róngrěn” de yùfáng cuòshī, qǔxiāo lǚxíng xiànzhì, měi rì xīn zēng bìnglì shù kěnéng huì chāoguò 63 wàn lì.

 « Si le pays abandonne ses mesures préventives de « tolérance zéro » contre le virus et lève ses restrictions aux voyages, le nombre de nouveaux cas par jour pourrait dépasser les 630 000 ».

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– économie: 经济 ; jīngjì

– contribuer: 贡献 ; gòngxiàn

– montant des ventes, chiffre d’affaires : 销售额 ; xiāoshòu’é

– équivalent à, soit: 相当于; xiāngdāngyú

– (en) moyenne: 平均 ; píngjūn

– (une) entreprise: (一家) 企业 ; yī jiā qǐyè

– employé: 员工 ; yuángōng

这些外资及港澳台企业对中国经济发展做出了贡献,去年中国区销售额共5.9万亿元,相当于中国GDP的6%,在中国共有250万名员工,平均每家企业2.5万名员工。

Zhèxiē wàizī jí gǎng’ào tái qǐyè duì zhōngguó jīngjì fāzhǎn zuò chūle gòngxiàn, qùnián zhōngguó qū xiāoshòu é gòng 5.9 Wàn yì yuán, xiāngdāng yú zhōngguó GDP de 6%, zài zhōngguó gòngyǒu 250 wàn míng yuángōng, píngjūn měi jiā qìyè 2.5 wàn míng yuángōng.

« Ces entreprises étrangères, de Hong Kong, Macao et Taïwan, ont contribué au développement économique chinois, en générant l’année dernière pour 5 900 milliards de yuans de ventes en Chine, soit 6 % du PIB, et en embauchant au total 2,5 millions d’employés, avec une moyenne de 25 000 employés par entreprise ».

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« l’étincelle qui met le feu à la prairie » : 星火燎原 ; xīnghuǒ liáoyuán – ou alors 星星之火,可以燎原 ; xīngxingzhīhuǒ, kěyǐliáoyuán

Célèbre expression employée par Mao dans une lettre adressée à Lin Biao en 1930. Elle signifie qu’un évènement insignifiant peut avoir des effets dévastateurs. 


Petit Peuple : Shaanxi – Chen Nianxi, poète 2400m sous terre (1ère partie)
Shaanxi – Chen Nianxi, poète 2400m sous terre (1ère partie)

Chen Nianxi vit le jour en hiver 1970 dans une ferme de briques et de torchis de la province du Shaanxi. Sa mère cultivait trois « mu » (un demi-hectare) de riz et de légumes, tandis que le père fabriquait chaises et tables en peuplier local. Ils connaissaient trop souvent la faim.

À l’âge scolaire, Nianxi fut plus souvent au champ avec sa mère, ou à l’atelier avec son père, qu’à l’école. Une telle entrée dans la vie ressemblait au destin des centaines de millions d’autres, mais Nianxi lui, dès sept ans, exprimait une passion improbable pour l’écriture, apprenant ses idéogrammes à grande vitesse et dévorant tout texte passant devant ses yeux, journal, publicité ou dépliant des chemins de fer.

Au collège, quand ses parents ne le retenaient pas pour des corvées familiales, il avait commencé à écrire des poèmes, que ses maîtres lisaient à voix haute en classe ou publiaient au journal de l’établissement.  Son premier poème, à 15 ans, avait pour titre « L’avion qui sème les graines ». Il inventait un monde idéal où l’école épanouissait les jeunes et les tirait de la misère. Chen croyait au pouvoir de la poésie pour guider les hommes vers une vie meilleure, par la puissance magique des mots : sûr de son talent, il se voyait, en puissance, « l’étincelle qui met le feu à la prairie » (星火燎原, xīnghuǒ liáoyuán).

Pourtant, son goût pour l’écriture n’allait pas lui valoir pour l’heure un quelconque avantage, emploi, renommée ou argent. Sa poésie n’était pas en phase avec son époque matérialiste, quand lui était plongé dans le romantisme. Et puis ses absences au lycée pour cause de travail manuel n’arrangeaient rien : quand il passa son gaokao (baccalauréat) en 1997, il n’était pas au niveau, et le score qu’il obtint ne lui ouvrait l’accès qu’aux universités les moins cotées du pays. Il préféra renoncer et rester sur place pour aider ses parents vieillissants.

La suite était inévitable. L’année suivante, ses parents lui trouvaient une femme, dans un mariage arrangé. En 1999 naissait leur fils. Dès lors, le revenu familial ne suffisait plus, face aux dépenses liées à l’arrivée de l’héritier. Le scandale du lait contaminé à la mélamine n’éclaterait que 10 ans plus tard, mais dès cette année, le lait local ayant très mauvaise réputation, aucun parent en son bon sens ne pouvait lui faire confiance pour nourrir l’héritier unique : il fallait acheter du produit importé !

Confronté à ce dilemme, le jeune papa n’avait d’autre choix que de s’engager comme mineur, un métier en grande demande et qui payait plutôt mieux que d’autres, pour des gens sans diplôme.

Sur ce marché, les emplois abondaient au Shaanxi, l’une des bases nationales de minerais. Il commença dans la mine de fer du Qinling à quelques kilomètres de chez lui, sur les flancs du mont Shang. La tâche était très physique, 10h par jour au pic et au marteau piqueur. Puis il trouva un poste 1100 km plus à l’Ouest dans une mine d’or du Qinghai. Il apprit l’art de repérer les veines aurifères les plus riches, le geste économe pour dégager les blocs, le concassage, le lavage du minerai et son traitement à l’arsenic qui permettait d’obtenir la précieuse poussière dorée.

Puis Chen circula au gré des offres d’embauche, passant par le Shanxi, le Hebei, et toute la Chine du Nord. Parfois c’était un patron qui venait marauder les employés de sa mine. D’autres fois, c’était Chen qui partait avec toute son équipe, attiré par un meilleur salaire. Quel que soit le site, le travail restait assujetti aux mêmes gestes, aux mêmes dangers. Le matin à 6 heures, on se pressait dans l’ascenseur, 80 hommes serrés les uns contre les autres gueules noires encore empêtrées de sommeil, sous leurs casques à lampes de plastique jaune sale. Ils dévalaient à toute allure vers le fond du gouffre, voyant défiler les parois derrière le grillage de protection sous l’éclairage d’un projecteur blafard. À 2m par seconde, il fallait 20 minutes pour arriver à leur galerie d’une chaleur surnaturelle, à 2400m sous la surface.

Au fil des ans, Chen était passé artificier, job mieux rémunéré à 3000 yuans par mois. Dans sa nouvelle fonction, il devait doser les cartouches de dynamite, les insérer dans les alvéoles forées à travers la roche, placer les mèches puis raccorder les câbles, avant la mise à feu précédée d’une sirène et du repli général – un moment toujours angoissant en raison du risque d’accident.

Suivait la phase de récupération du minerai à la pioche et à la barre à mine, évacué par wagonnet. Plusieurs fois par jour, il fallait étayer les parois et le plafond du boyau, poser les rails, les visser au sol, faire avancer le wagonnet. À chaque explosion, un nuage gris de poussière rocheuse envahissait la galerie, obstruant la vue, se collant au visage et se fondant dans la sueur. Nombreuses blessures étaient à soigner tous les jours, les accidents aussi n’étaient pas rares. En 2007, suite à la défaillance du minuteur, Chen avait pris de plein fouet le souffle d’une explosion et perdu une oreille, tympan crevé. En 2013, un bloc de roche fou avait écrasé son copain, le conducteur du wagonnet.

Le soir, après avoir suspendu casques et lampes au clou, les hommes dînaient ensemble, piochant à la baguette dans leurs boîtes en aluminium. Après manger, on restait un temps à décompresser, buvant des bières, s’échangeant les cigarettes, tout en bavardant. On se remémorait les péripéties du jour et échangeait des blagues sur les chefs, des vantardises sur des femmes. C’était seulement après que les gars pouvaient aller prendre la douche pour écarter l’odeur des roches et des explosifs, ces poisons telluriques contaminant leur corps. Puis ils se couchaient pour s’endormir aussitôt, assommés de sommes lourds et sans rêve, mais leurs membres et leur échine étaient déjà arc-boutés dans la lutte pour la survie contre les éléments, dans l’attente de l’épreuve du lendemain.  

Chen lui, restait dans la salle. Sur une ancienne caisse à dynamite, il s’était constitué une table. Toutes les images du jour, il les faisait revivre en poèmes, au dos d’encarts publicitaires. 

Et que disaient ses poèmes ? On le saura, la semaine prochaine ! 


Rendez-vous : Semaines du 6 décembre au 9 janvier
Semaines du 6 décembre au 9 janvier

4-6 décembre, Canton : GUANGZHOU INTERNATIONAL TRAVEL FAIR 2021, Salon international du voyage

10-12 décembre, Shanghai : SHANGHAI INTELLIGENT BUILDING TECHNOLOGY 2021, Salon professionnel chinois des technologies de construction intelligentes

13-15 décembre, Shanghai : AUTOMOTIVE TESTING EXPO CHINA 2021, Salon du test, de l’évaluation et de l’ingénierie de la qualité dans les composants automobiles 

15-17 décembre,Shanghai : CFIE 2021, Salon international des condiments et ingrédients alimentaires 

16-18 décembre, Shanghai : BIOPH CHINA 2021, Salon de la pharmacologie et des biotechnologies, rassemblant compagnies pharmaceutiques, institutions et organismes de recherche

22-24 décembre, Shanghai : TIM EXPO SHANGHAI 2021,  Salon international du matériel d’isolation thermique, des matériaux étanches et des technologies liées à l’économie d’énergie

27-29 décembre, Shenzhen: LEAP EXPO 2021, exposition industrielle axée sur la fabrication électronique, l’automatisation industrielle et l’industrie laser