Petit Peuple : Nanning – Crime et châtiment de Fu Ergou (2ème Partie)

A Nanning (Guangxi), Li, Wei et Qin se découvrent partager à leur insu le même petit-ami, qui a promis à chacune d’elles, le mariage et les a escroquées. Elles jurent de se venger !

Ce 2 juillet 2018, la plaisanterie avait assez duré ! Les trois femmes en colère se rendirent au commissariat de quartier, à Dashatian. « Hélas, leur dit l’officier qui les reçut, ce genre d’escroquerie sentimentale est monnaie courante, et il n’est rien que nous puissions faire pour l’empêcher ! »

À leur indignation, elles durent constater qu’au terme de la loi, aucune arrestation n’était possible à ce stade : « c’est clair qu’il vous a pris à chacune 200.000¥, mais cela ne suffit pas pour nous permettre de l’arrêter, car ces fonds, vous lui avez toutes donné de votre plein gré. De même, pour vos voitures qu’il a mises en gages, nous ne pouvons pas plus l’arrêter pour l’instant, vous lui ayez remis volontairement vos clés… »
« Mais alors, on le laisse courir? », rétorqua Wei, déjà vaincue.
« Non, fit l’officier, sur un fin sourire, vous avez un moyen : à trois, débrouillez-vous pour l‘attraper en pleine rue, puis faites nous venir –  alors, nous pourrons l’arrêter sous prétexte de trouble à l’ordre public, et l’interroger ». Et là l’officier laissa planer un silence, avant de poursuivre d’un ton entendu : « ainsi, entre vos témoignages et les aveux que nous obtiendrons de votre abuseur, il devrait y avoir assez pour le confondre et l’envoyer au tribunal ».

Le scénario plut aux filles. Le lendemain 10h, d’un ton faussement enjoué pour ne pas éveiller les soupçons, Qin appela Fu Ergou, qui habitait ces jours-ci chez elle. Elle se trouvait à présent à proximité du monastère Guanying, sur le flanc de de la colline Qingxiu, et elle avait besoin de sa Mercedes : « tu me la ramènes »? « OK, répondit-il, mordant à l’ hameçon, je t’y retrouve dans une demi -heure, et tu me ramènes en ville, d’accord » ?

Devant le temple, Qin faisait les 100 pas, mais pas vraiment seule… Dans leur voiture en planque, attendaient les deux autres filles Li et Wei, accompagnées d’un copain costaud, ceinture noire de karaté.

A 10h33, le coupé gris métallisé  arriva sur le parvis. À cet instant, la troupe craignit maldonne – au lieu de sortir, Fu ouvrit la portière avant droite, pour inviter Qin à monter. Elle n’eut d’autre choix que d’acquiescer sans broncher, pour éviter de tout faire capoter. Par bonheur, le commando avait tout prévu : planqué dans sa poche, le mobile de Qin était en ligne avec celui de Wei, permettant aux complices d’écouter l’échange :
– « Où m’emmènes-tu ainsi ? »
– « A l’hôtel des Trois bouddhas, fit le bellâtre d’un ton sans réplique, là où nous avons passé de si bons moments ensemble ».
Qin ne put réprimer une moue de dégoût, remarquant :
– « Tu ne demandes pas si j’ai envie ? » 
– « Pas besoin, répliqua Fu, je sais que tu aimes cet endroit »!

Qin préféra se taire—la conduite de Fu se faisait inquiétante, à vive allure, coupant les virages. Les autres suivaient à distance pour éviter de se faire repérer.

Enfin, la Mercedes s’arrêta sur le parvis de l’auberge de campagne. A peine les pieds sur l’asphalte, « maintenant, donne-moi les clés », fit-elle Qin sans sourire. Fu s’exécuta très grand seigneur, croyant qu’ils se dirigeaient vers la chambrette.

Mais alors débuta le séisme : le véhicule suiveur des deux autres amantes, stoppa net devant la Mercedes, en un crissement de pneus sur les gravillons. En quelques secondes, Li, Wei et le karatéka ceinturèrent Fu, bloquant sa retraite. Qin les rejoignit, pour prendre la parole d’un ton vengeur : « C’est l’heure des explications ! ». Ce passage sans transition du ton d’amante soumise, à celui d’un juge, acheva de terrifier Fu, cherchant désespérément à se sortir de ce mauvais pas. Li poursuivit l’avantage, selon le plan qu’elles avaient dévissé la veille avec joie mauvaise –après tout, elle avait été sa première petite amie. « Tiens, fit-elle, lui décochant un soufflet cuisant, c’est ce que je te dois… et maintenant rends-moi mon argent…».
« Oui, à moi aussi, cria Wei, rends-moi mes sous, mon père a déjà tout balancé à un copain au ministère de la sécurité d’Etat. Si tu veux éviter la taule, ta seule chance est de me rembourser et vite ! » 
« Moi aussi, hurla Qin, je veux mon argent, et puis le remboursement de l’hypothèque sur ma voiture ! »

Se voyant démasqué, l’homme crut subtil d’insulter celle qu’il prétendait aimer cinq minutes en arrière : « allez en enfer, femmes du diable… et foutez-moi la paix » ! Ce faisant, du regard, il cherchait encore une voie de fuite, la clé des champs. Mal lui en prit : d’une manchette magistrale, savamment dosée pour éviter un choc fatal, le karatéka l’envoya à terre. Fu complètement sonné, les filles alors n’eurent plus qu’à lui ligoter les mains, puis composer le numéro que leur avait remis le commissaire de police.

20 minutes plus tard, deux officiers arrivaient sur les lieux, accompagnés d’une équipe de télévision régionale, qui interviewa triomphalement les trois filles et les inspecteurs. Ce reportage promettait d’être le scoop du jour dans toute la province, la nation même, sans doute.

Fu tenta bien de refuser de donner son identité réelle aux policiers, mais une fois au poste, une recherche sur le fichier central ne tarda pas à l’élucider.

En attendant la décision du juge d’une peine proportionnelle à la faute commise ( zuì yǒu yīng dé—罪有應得), Fu Ergou, au fond de sa cellule commune, a tout le temps de méditer sur la vengeance tardive, mais éclatante, de celles dont il avait fait ses victimes.

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