Le Vent de la Chine Numéro 29-30 (2018)

du 9 au 15 septembre 2018

Editorial : Une rentrée chaude

Sous la torpeur de l’été indien, le frein économique cause de curieux conflits sociaux – la touffeur de l’atmsphère urbaine, se conjuguant à l’incertitude, la crainte des lendemains. 

À Leiyang (Hunan), le 1er septembre, des milliers de parents affrontèrent la police, tentant de s’opposer au plan municipal d’inscrire de force 10.000 enfants en internat privé, l’école publique étant saturée. 
Mi-août à Weizhou (Ningxia), des milliers de Hui s’opposaient à la démolition de leur mosquée à 4 minarets et 9 dômes, ordonnée par « excès de zèle » (selon le département du Front Uni) en l’absence de la gouverneure dans la province. L’ordre fut rétabli une fois la gouverneure de retour : les cadres trop pressés furent blâmés. Le sanctuaire lui, reste illégal, sous infraction au permis de construire.

Ces 8-9 septembre, le chef de l’Etat Xi Jinping faisait face à un choix difficile concernant la Corée du Nord : aller ou non à Pyongyang, au 70ème anniversaire de la RDPC. Déjà, Trump accusait Pékin d’encourager Kim Jong-un (le « cher » leader) à reporter son démantèlement atomique dans l’espoir d’arracher des compensations. Si Xi s’y rendait, il versait de l’eau au moulin des soupçons de D. Trump et ranimait la vieille alliance entre partis-frères, en veilleuse ces dernières années. Mais s’il n’y allait pas, il lâchait le petit régime stalinien, ce qui ne pouvait pas être dans l’intérêt de la Chine. Espérant ainsi éviter de mettre de l’huile sur le feu avec Trump, Xi a choisi de déléguer Li Zhanshu, Président du Parlement, 3ème personnage du régime, aux festivités (parade militaire, tableaux callisthéniques aux centaines de milliers de figurants). Trump sera-t-il sensible au geste temporisateur ? Probablement pas : aux dernières rumeurs, une vague de taxes américaines sur 200 milliards de $ d’exports chinois devrait tomber incessamment. D’ailleurs, l’équipe de Xi se serait résignée à la perspective d’une entrée en guerre froide de longue durée.

Le sujet central du moment a été le sommet sino-africain FOCAC, les 3 et 4 septembre à Pékin, sur trame de plan BRI des nouvelles routes de la soie. Mais ces efforts vers le continent noir ne signifient pas que la Chine oublie ses autres intérêts diplomatiques, notamment avec ses partenaires régionaux, Corée du Sud et Japon.

La Japon vit envers la Chine des sentiments contradictoires. Après cinq années de relations exécrables, Shinzo Abe le Premier ministre, ressent le besoin de restaurer les liens avec ce pays qui demeure malgré tout un partenaire essentiel. Il en a besoin, comme argument électoral dans le scrutin législatif désormais proche. La Chine elle aussi, est favorable à l’embellie, pour compenser la dégradation de ses propres relations avec les Etats-Unis.
Or, voici qu’en conclave à Singapour les négociateurs des 10 pays de l’ASEAN ainsi que d’Inde, d’Australie, de Nouvelle Zélande, de Corée du Sud, de Chine et du Japon viennent de faire un grand pas vers le RCEP (Regional Comprehensive Economic Partnership), accord de libre-échange proposé par la Chine. Ils doivent se retrouver à Singapour en novembre, et espèrent aboutir d’ici décembre. 
Le problème est que Pékin ne lui rend pas la vie facile. Embarquée dans son programme d’accélération de son armement, l’APL reçoit chaque mois de nouveaux bombardiers, avions espions et sous-marins, les lançant en des missions quasi quotidiennes autour des îles Senkaku, revendiquées par Pékin sous le nom de Diaoyu.
Mais, pour le ministre nippon de la Défense I. Onodera, ce réarmement chinois et l’accélération des incursions dans cette zone sous sa souveraineté, sont une « escalade unilatérale ». Incontestablement, ils compromettent les velléités de rapprochement et jettent un doute sur l’unanimité entre gouvernement chinois et armée sur la question pourtant cruciale du rapport avec l’Empire du Soleil Levant.


Routes de la soie : Les BRI avant l’épreuve du feu

Par Jean Charles Galli, analyste

Dénoncé cette année par plusieurs pays en développement et l’Union Européenne, un risque fréquent des projets « BRI » des nouvelles routes de la soie tient à l’absence de réciprocité dans la gestion, à l’opacité des subventions chinoises et la faible rentabilité de chantiers facturés à prix trop élevé.

Cependant d’autres problèmes se posent, moins bien connus. Ils sont d’autres conséquences de la conception d’origine des BRI, de leur définition politique et volontariste faisant abstraction des obstacles de terrain, géo-climatiques, juridiques, économiques et sécuritaires. Laissés pour compte, ces points pèseront pourtant dans la balance du succès. 

Premier point faible : l’échelle démesurée des distances. Ouverte en 2016, la liaison ferrée Wuhan-Lyon s’étend sur 11 300 km, qui se parcourent en 15 jours, contre 35 jours par bateau via Suez, pour un coût double. Gain de temps appréciable donc, mais qui sera contrebalancé par un besoin lourd en infrastructures, gares de triage, entrepôts conditionnés, zones douanières informatisées. Soutenus par Pékin, les consortia chinois vont s’assurer l’essentiel des travaux, vu l’avantage évident pour la Chine – la perspective d’exporter vers les pays du continent eurasiatique une partie de ses surplus industriels. Mais pour la maintenance, qui paiera ? Autre faiblesse : comparée au transport maritime, la capacité ferroviaire  est faible : 200 conteneurs par train, contre plus de 20 000 pour les porte-conteneurs les plus performants, soit un rapport de 1 à 100. 

Le réchauffement climatique aussi peut jouer un mauvais tour aux routes terrestres Asie-Europe. Le passage maritime du Nord-Est le long de la côte russe arctique, est chaque année accessible plus longtemps : en janvier 2018, un méthanier réussit la traversée sans brise-glace, promettant pour l’avenir un accès ininterrompu. Sous 10 ans, la route Rotterdam-Shanghai va se raccourcir d’un quart du trajet à 14.000 km, pour une durée comparable à celle du train via la Sibérie, éliminant tous les risques cités plus haut. Elle entraînera une baisse spectaculaire des coûts en fuel, maintenance, assurance et taxes. Mais alors,  quel attrait restera-t-il aux « routes terrestre de la soie » ?

Autre vulnérabilité, la sécurité ! Devenant soudain une source permanente de biens de valeur, ces routes vont réveiller des appétits, dans les régions à troubles endémiques. Pas par hasard, Pékin se montre déterminé dans la répression des foyers d’insécurité qui pourraient compromettre l’existence de ces lignes, en pillant les convois.

Ici viennent s’ajouter les risques-pays. Enclavés et dotés d’administrations souvent surannées, les pays d’Asie centrale ploient sous une corruption endémique. Ils souffrent aussi de niveaux d’endettement importants et croissants, notamment envers la Chine, et de fortes tensions ethniques  et frontalières.

Le summum du risque-pays, est bien sûr la guerre, régionale ou civile, causant la destruction massive des infrastructures économiques. A plusieurs reprises durant les deux dernières décennies, la Chine a souffert d’incidents sérieux au Moyen-Orient ou en Afrique, la contraignant à organiser des opérations urgentes d’évacuation de masse et/ou à subir des pertes d’actifs en milliards de $. Ces incidents  ont conduit Pékin à envisager la remise en cause de sa doctrine de sécurité extérieure.

Dès 2015, une loi de protection de ses intérêts à l’étranger est votée, suivie en 2016 d’une loi antiterroriste autorisant le déploiement extérieur de l’Armée populaire de Libération — sous forme notamment de force d’intervention rapide, calquée sur celle des États-Unis. Ce sont autant de signes que Pékin s’apprête à abandonner son dogme jusqu’alors intangible de non-ingérence

Les télécommunications auront besoin de normes communes pour l’interconnectivité. Les contrats ont toute chance d’être confiés aux géants chinois du secteur, faute de concurrents locaux crédibles. Mais la « billetterie » du service, et le contrôle de ces réseaux stratégiques pourrait poser problème aux pays traversés, du fait du manque à gagner pour leurs opérateurs, d’une crainte de perdre la souveraineté et voir détourner leurs données. Ici, le précédent de la mise sur écoute du siège de l’Union Africaine bâti gracieusement par la Chine à Addis Abeba (Éthiopie), sonne comme un avertissement.   

Alors, comment maîtriser les coûts de sécurisation des routes de la soie ? Cette question, comme d’autres, se posera toujours plus. Plusieurs outils contemporains sont à la disposition du régime, comme des sociétés privées chinoises ou locales de gardiennage (de véritables milices), et/ou un maillage de satellites et des flottes de drones. On peut penser qu’il ne pourra se permettre de négliger aucun. La diplomatie aura son rôle à jouer, au sein de l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS), mais aussi d’autres structures régionales telles l’ASEAN et l’imminente RCEP, permettant les signatures d’accords multi- ou bilatéraux de protection spécifiques. 

Ainsi, de nombreux défis structurels pèsent sur les axes que Pékin veut étendre à travers les cinq continents. En définitive, le pays de Confucius va devoir se colleter avec les réalités, détecter le degré exact de risque à travers des pays à faible intégration nationale et à Etat faible comme la Birmanie. La Chine devra aussi associer davantage aux bénéfices (et aux emplois) les régions traversées, pour obtenir leur coopération active au maintien de l’ordre et à la maintenance.

Le fait qu’elle ne l’ait pas fait sur son propre sol, pour le partage de l’eau du canal Sud-Nord, comme pour celui du gaz de l’Asie Centrale convoyé par pipeline vers la côte, en dit long sur le chemin qui reste à faire pour assurer l’adhésion du monde aux routes de la soie.


Xinjiang : La nouvelle donne

Le 13 août, Pékin démentit l’existence au Xinjiang de « camps de rééducation »  : avec raison sous l’angle sémantique, mais la dénégation tenait du jeu de mot. Car les centres qui se montent à grande vitesse sur le territoire autonome, sont officiellement consacrés à la « transformation par l’éducation » (教育转化 jiàoyù zhuǎnhuà) ou à l’« école contre l’extrémisme » (去极端化教育 qù jíduān huà jiàoyù ). Pékin s’inscrivait en faux contre un rapport du 10 août par un Comité de l’ONU pour l’élimination des discriminations raciales, parlant d’un « déploiement massif de camps d’internement secrets et hors loi »…

Cet effort sécuritaire sans précédent est pourtant attesté par de multiples sources (presse, ONG, ONU, gouvernements) depuis mars 2017. En août, un chercheur américain identifie par satellite 34 camps, et voit leurs surfaces augmenter régulièrement. Surgissent aussi des « orphelinats » pour enfants des détenus – 18 pour la seule ville de Kashgar.

En janvier 2018, étaient cités 120.000 détenus. En août, selon China Human Rights ils sont passés à 660 000, en sus de 1,3 million soumis à de courtes sessions de « formation ». Le rapport de l’ONU précise que 21% des « arrestations criminelles » enregistrées en 2017 à travers la nation, frappaient les Ouighours.

L’ampleur de cette reprise en main sur le Xinjiang est confirmée par quelques données financières échappées à la censure : 27 millions de $ pour la surveillance du territoire en 2015, se sont transformés un milliard de $ au premier trimestre 2017. En 2018, 9 milliards de $ auraient été affectés aux commandes de caméras à reconnaissance faciale aux carrefours et dans les magasins (aux frais des propriétaires), de GPS pour traquer les véhicules, et autres équipements à intelligence artificielle (IA).

Le cadre réglementaire jette une lumière sur la rigueur des contrôles. Tous les citoyens de 12 à 65 ans sont évalués –quoique certains, plus que d’autres. Un questionnaire aux habitants d’Urumqi quantifie leur religiosité, le nombre de prières quotidiennes, leur lieu (foyer ou mosquée), contacts étrangers, sorties de Chine, surtout vers 26 pays suspects d’intégrisme. Diverses pratiques islamiques sont notées : port du voile, de la barbe, éducation religieuse privée, choix de prénoms musulmans pour les bébés. Il n’est pas bon d’avoir un cousin sorti du pays, ou consulté un site étranger… Le relevé d’identité inclue la prise des empreintes digitales, de l’iris et de l’ADN. En fin d’analyse, tout citoyen  reçoit un label—fiable, moyen ou peu sûr—ce dernier terme entraînant des conséquences…

Parmi les activités du camp figurent la répétition de slogans du Parti, de chants révolutionnaires. Des mauvais traitements sont signalés, par des témoins ayant pu gagner l’étranger et osant parler malgré la menace sur leurs proches. Un objectif implicite est d’amener le détenu à renier sa foi et dénoncer ses parents et amis, en échange de sa remise en liberté. Fait remarquable, la mesure d’internement n’est pas considérée comme un châtiment. Elle ne nécessite donc aucun jugement de justice.

Dans tous les domaines de la vie sociale, les personnages disposant d’une notoriété ne sont pas à l’abri – de ce fait, l’effet d’intimidation collective est accru. Parmi les détenus célèbres, figurent le footballeur E. Hezimi, la pop star A. Ayup, et les professeurs en université Rahile Dawut et M.S.Hajim (décédé à 82 ans en camp après 42 jours).

Manifestement, face à cette minorité, est intervenu un changement fondamental de stratégie. Dans les années ‘70 sous le 1er ministre Zhou Enlai et jusqu’aux années ‘90 sous Jiang Zemin, l’objectif était l’assimilation fraternelle à long terme, dans le respect du mode de vie minoritaire comme pour le Tibet. À présent prévaut une nouvelle stratégie : elle peut s’ expliquer par différentes raisons, issues de l’histoire récente.

Il y a d’abord eu la vague d’attentats ouighours de la dernière décennie. Le plus sanglant d’entre eux, à Urumqi en 2009, causa plus de 200 morts, suivi par d’autres les années suivantes, faisant parfois des dizaines de victimes. Ces actions terroristes visaient la séparation du territoire, voire une indépendance sous le nom mythique de « Turkestan Oriental ». Pékin a décidé de mettre un terme définitif à ces projets : de pacifier son Ouest une fois pour toute.

Sa détermination fut consolidée par la participation avérée de 2000 Ouighours aux troupes de Daesh, voire de Al-Qaïda – ces jeunes, cherchant secrètement à retourner au pays après la guerre de Syrie, étant traqués. Selon le quotidien Global Times (12 août),  la politique sécuritaire menée au Xinjiang a permis à la Chine de « s’épargner une Libye, une Syrie chinoise ». La répression a aussi été jugée nécessaire en préalable à l’ouverture des routes terrestres de la Soie (BRI) vers l’Asie Centrale : impossible d’ouvrir les points de passage vers le Kazakhstan, le Kirghizstan, l’Afghanistan et le Pakistan (tous pays qui ont une frontière avec le Xinjiang), sans sécurisation préalable, au risque de voir s’intensifier attentats et islamisation galopante.

Un dernier élément-clé de cette campagne, est Chen Quanguo, l’ex-secrétaire du Tibet nommé au Xinjiang en 2016. Administrateur exceptionnel, Chen a inventé et déployé sur les deux territoires les nouvelles formes de contrôle en camps, en ville et en campagne, les commissariats de proximité et les  outils modernes de surveillance soutenu par l’analyse des « big data ». Au vu de ses résultats au Tibet puis au Xinjiang (l’arrêt instantané de tous troubles), Chen a reçu tous pouvoirs pour les déployer.

Suite à cette campagne frappante, l’image extérieure du pays, pour l’instant, ne semble pas trop souffrir — par prudence diplomatique,  les Etats du monde islamique comme ceux de l’Occident  gardent encore le silence. Les provinces voisines aussi, à majorités musulmanes, telles Gansu ou Ningxia tremblent à l’idée que Pékin étende ces nouvelles recettes sur leur sol… Mais pour l’avenir, rien n’est certain !


Spatial : Le « privé » chinois en quête du cosmos

Le 5 septembre, sur la base de Jiuquan (Gansu), la PME iSpace (Pékin) lança sa SQX-1Z à propergol solide de 9,5m – première fusée privée commerciale. Dans la course avec des rivaux tels OneSpace ou LinkSpace, iSpace remportait ainsi la première manche.

Après 450 secondes, le lanceur largua à 108km du sol sur orbite basse 3 « cubesats » (micro-satellites) de 10 cm d’arête, 1,33 kg : deux destinés à des tests, le dernier à retourner sur Terre après freinage par parachute.

L’objectif était rempli : montrer la capacité d’iSpace à porter des satellites sur orbite, et sa maîtrise complète de l’opération depuis sa station au sol.

On ne s’en étonnera pas, l’armée (APL) soutient iSpace et ses rivaux, via la SASTIND, organe « civil » des industries de défense nationale. Peng Xiaobo, PDG d’iSpace fut directeur à l’Académie des technologies spatiale. C’était également la première fois que l’APL ouvrait à des groupes « privés » sa base de Jiuquan.

iSpace peut cependant se prévaloir d’un autre parrain, plus inattendu : Matrix Partners, le groupe californien de capital-risque qui assista à la naissance de nombre de groupes célèbres tel Google. MP organisa en juillet son appel de fonds pour 600 millions de yuans, couvert sans difficulté.

Fort de ce succès, iSpace poursuit désormais son agenda à vitesse « d’une fusée »: il passe à la production en chaîne de sa fusée SQX-1, pour débuter début 2019 les lancements commerciaux. Promettant de porter des charges de 300kg en orbite basse et 100kg en géostationnaire, il revendique déjà quatre commandes fermes.

Pour 2020, à  l’en  croire, son SQX-3 à 9 tuyères à propergol liquide, permettrait des charges utiles quadruplées. Il serait réutilisable – comme le Falcon-9 de SpaceX (d’Elon Musk) – et un modèle déjà testé de LinkSpace.

Avec le soutien de l’Etat, le marché local voit naître une foison de constructeurs, opérateurs et centres de recherche satellitaires, tous acheteurs potentiels de services orbitaux.

L’objectif de l’Etat est bien sûr d’émuler les groupes d’Outre Pacifique comme SpaceX. Mais il s’agit aussi de s’inspirer du même modèle pour générer la concurrence en Chine, baisser les coûts et stimuler l’innovation, y compris dans le domaine de l’Intelligence Artificielle (IA), présente à toutes les étapes de création des lanceurs et satellites.  

Cela dit, on devine un tendon d’Achille à cette stratégie : dans le spatial privé chinois, les investissements spéculatifs dépassent probablement les besoins du marché. Ils laissent présager l’explosion d’une bulle de surcapacités à court terme.


Santé : Myopie, la Chine binoclarde

Le 28 août, Xinhua publiait l’inquiétude du Président Xi Jinping à propos de la myopie, « affectant l’avenir de la nation ». 50 à 60% des élèves chinois en moyenne souffrent de myopie – bien plus, en proportion, que les jeunes européens.

A cela, ophtalmos et sociologues voient deux causes :
– à la lecture, l’idéogramme fatigue davantage que la lettre d’alphabet, parce que contenant plus d’information à surface égale. Le mal empire sur écran – or la plupart des devoirs se font sur tablette électronique ;
– d’autre part le « petit dragon », enfant unique gâté à la maison, peut s’adonner sans fin aux jeux vidéos.

Dès le 30 août, le Conseil d’Etat annonçait un plan anti-myopie juvénile, signé de 8 ministères dont ceux de la santé et de l’éducation. Avant 2030, la myopie devrait toucher moins de 3% des tout-petits, moins de 38% des collégiens, de 60% des lycéens et de 70% des étudiants. Modeste, l’objectif vise un recul de 1 à 2% en moyenne. Les jeunes devraient passer plus de temps à l’extérieur, et moins devant les écrans. Cadres en charge et enseignants devraient voir une part de leur note d’évaluation dépendre du contrôle de la myopie chez leurs élèves.

Un plan vertueux, mais fonctionnera-t-il ? Parents et professeurs sont déchirés par leurs contradictions. Moins travailler sur écran, c’est faire moins de devoirs. Comme conséquence, les parents craignent une baisse des résultats scolaires de leur enfant, ce qui menacera leur carrière au profit de ceux ayant passé des heures à potasser. De même, l’école ayant décidé d’alléger les devoirs aura de moins bons résultats, devra réduire ses frais d’inscription, perdra ses meilleurs professeurs, le tout, au profit de l’établissement voisin…

24 heures après l’annonce du plan, le groupe Tencent perdait 5,3% en un jour en bourse de Hong Kong. Cette « locomotive du jeu en ligne chinois » (40% des revenus du groupe), « pesait » au premier trimestre 9,4 milliards de $. C’était une manière d’avertir le groupe d’orienter ses produits futurs vers d’autres directions. 

Déjà le 10 août, Tencent avait perdu sa licence pour son tout nouveau jeu en ligne, « Monster hunter », d’origine nippone, pour lequel il venait d’enregistrer un million de commandes anticipées en un mois. Ainsi, bien malgré lui, Tencent devenait précurseur dans la lutte nationale contre la myopie infantile –mais ne craignons pas trop pour Tencent, en Chine, rien n’est jamais définitif. 


Agroalimentaire : Le lait tourne chez Synutra

Synutra, laiterie chinoise (Qingdao), n’a pas fait son beurre en France. Ce n’est pas faute d’avoir mis le prix, 170 millions d’€ à Carhaix (Finistère) en 2016 pour la plus grande usine d’Europe de poudre de lait maternisé – 38.000m², d’une capacité de 100.000 tonnes. Sodiaal, troisième coopérative européenne devait fournir le lait frais (28.8000 tonnes par an).

Hélas, Carhaix n’a pas tenu ses promesses. Tout d’abord, le procédé complexe –par craquage moléculaire– n’ayant jamais été appliqué à telle échelle, la mise au point a tardé. Devenu plus cher qu’escompté, le produit s’est mal vendu en Chine, où la concurrence (notamment néo-zélandaise) s’était entre temps multipliée.

Depuis septembre 2017, Synutra prenait à peine la moitié des volumes contractés, et ne payait plus Sodiaal qu’irrégulièrement. Fin août,  ses dettes atteignaient 38 millions d’€, forçant le partenaire français à faire procéder par voie d’huissiers à des saisies conservatoires. Enfin, Synutra aggravait son cas en ne dialoguant pas avec son personnel,qui ne manqua pas de critiquer ses entorses au droit du travail.

Aujourd’hui, les deux groupes négocient la reprise par Sodiaal des unités productives, ne laissant plus à Synutra que le mélange et l’emballage. Pour Sodiaal en fait, l’affaire a tout l’air d’un marché en or : il hérite d’une unité prête à l’emploi, gagnant « 3 à 4 ans » sur ses plans d’expansion. Et il le fait à bon compte, convertissant ses créances en parts d’usine.

300 km plus loin, à Méautis dans la Manche, Synutra mettait un terme le 31 août au contrat de livraison qui le liait pour 11 ans avec MLC (Maîtres Laitiers du Cotentin). Le groupe normand avait investi 114 millions d’euros dans cette usine, ouverte en juin 2017 et consacrée à l’emballage de lait UHL en briquettes pour le marché chinois. 

Cependant, tout laitier chinois en France, ne va forcément pas mal : en témoigne la coopérative Isigny-Sainte-Mère (Calvados) et son partenaire H&H (anciennement Biostime) dont l’unité de lait maternisé, inaugurée en juin 2015 pour 65 millions d’euros, sature.

Une seconde usine devrait sortir de terre d’ici 2020, d’une capacité de 25.000 tonnes par an. Alors que la Chine s’apprête à mettre un terme au contrôle des naissances, le lait infantile en poudre semble avoir de beaux jours devant lui !


Petit Peuple : Nanning – Crime et châtiment de Fu Ergou (2ème Partie)

A Nanning (Guangxi), Li, Wei et Qin se découvrent partager à leur insu le même petit-ami, qui a promis à chacune d’elles, le mariage et les a escroquées. Elles jurent de se venger !

Ce 2 juillet 2018, la plaisanterie avait assez duré ! Les trois femmes en colère se rendirent au commissariat de quartier, à Dashatian. « Hélas, leur dit l’officier qui les reçut, ce genre d’escroquerie sentimentale est monnaie courante, et il n’est rien que nous puissions faire pour l’empêcher ! »

À leur indignation, elles durent constater qu’au terme de la loi, aucune arrestation n’était possible à ce stade : « c’est clair qu’il vous a pris à chacune 200.000¥, mais cela ne suffit pas pour nous permettre de l’arrêter, car ces fonds, vous lui avez toutes donné de votre plein gré. De même, pour vos voitures qu’il a mises en gages, nous ne pouvons pas plus l’arrêter pour l’instant, vous lui ayez remis volontairement vos clés… »
« Mais alors, on le laisse courir? », rétorqua Wei, déjà vaincue.
« Non, fit l’officier, sur un fin sourire, vous avez un moyen : à trois, débrouillez-vous pour l‘attraper en pleine rue, puis faites nous venir –  alors, nous pourrons l’arrêter sous prétexte de trouble à l’ordre public, et l’interroger ». Et là l’officier laissa planer un silence, avant de poursuivre d’un ton entendu : « ainsi, entre vos témoignages et les aveux que nous obtiendrons de votre abuseur, il devrait y avoir assez pour le confondre et l’envoyer au tribunal ».

Le scénario plut aux filles. Le lendemain 10h, d’un ton faussement enjoué pour ne pas éveiller les soupçons, Qin appela Fu Ergou, qui habitait ces jours-ci chez elle. Elle se trouvait à présent à proximité du monastère Guanying, sur le flanc de de la colline Qingxiu, et elle avait besoin de sa Mercedes : « tu me la ramènes »? « OK, répondit-il, mordant à l’ hameçon, je t’y retrouve dans une demi -heure, et tu me ramènes en ville, d’accord » ?

Devant le temple, Qin faisait les 100 pas, mais pas vraiment seule… Dans leur voiture en planque, attendaient les deux autres filles Li et Wei, accompagnées d’un copain costaud, ceinture noire de karaté.

A 10h33, le coupé gris métallisé  arriva sur le parvis. À cet instant, la troupe craignit maldonne – au lieu de sortir, Fu ouvrit la portière avant droite, pour inviter Qin à monter. Elle n’eut d’autre choix que d’acquiescer sans broncher, pour éviter de tout faire capoter. Par bonheur, le commando avait tout prévu : planqué dans sa poche, le mobile de Qin était en ligne avec celui de Wei, permettant aux complices d’écouter l’échange :
– « Où m’emmènes-tu ainsi ? »
– « A l’hôtel des Trois bouddhas, fit le bellâtre d’un ton sans réplique, là où nous avons passé de si bons moments ensemble ».
Qin ne put réprimer une moue de dégoût, remarquant :
– « Tu ne demandes pas si j’ai envie ? » 
– « Pas besoin, répliqua Fu, je sais que tu aimes cet endroit »!

Qin préféra se taire—la conduite de Fu se faisait inquiétante, à vive allure, coupant les virages. Les autres suivaient à distance pour éviter de se faire repérer.

Enfin, la Mercedes s’arrêta sur le parvis de l’auberge de campagne. A peine les pieds sur l’asphalte, « maintenant, donne-moi les clés », fit-elle Qin sans sourire. Fu s’exécuta très grand seigneur, croyant qu’ils se dirigeaient vers la chambrette.

Mais alors débuta le séisme : le véhicule suiveur des deux autres amantes, stoppa net devant la Mercedes, en un crissement de pneus sur les gravillons. En quelques secondes, Li, Wei et le karatéka ceinturèrent Fu, bloquant sa retraite. Qin les rejoignit, pour prendre la parole d’un ton vengeur : « C’est l’heure des explications ! ». Ce passage sans transition du ton d’amante soumise, à celui d’un juge, acheva de terrifier Fu, cherchant désespérément à se sortir de ce mauvais pas. Li poursuivit l’avantage, selon le plan qu’elles avaient dévissé la veille avec joie mauvaise –après tout, elle avait été sa première petite amie. « Tiens, fit-elle, lui décochant un soufflet cuisant, c’est ce que je te dois… et maintenant rends-moi mon argent…».
« Oui, à moi aussi, cria Wei, rends-moi mes sous, mon père a déjà tout balancé à un copain au ministère de la sécurité d’Etat. Si tu veux éviter la taule, ta seule chance est de me rembourser et vite ! » 
« Moi aussi, hurla Qin, je veux mon argent, et puis le remboursement de l’hypothèque sur ma voiture ! »

Se voyant démasqué, l’homme crut subtil d’insulter celle qu’il prétendait aimer cinq minutes en arrière : « allez en enfer, femmes du diable… et foutez-moi la paix » ! Ce faisant, du regard, il cherchait encore une voie de fuite, la clé des champs. Mal lui en prit : d’une manchette magistrale, savamment dosée pour éviter un choc fatal, le karatéka l’envoya à terre. Fu complètement sonné, les filles alors n’eurent plus qu’à lui ligoter les mains, puis composer le numéro que leur avait remis le commissaire de police.

20 minutes plus tard, deux officiers arrivaient sur les lieux, accompagnés d’une équipe de télévision régionale, qui interviewa triomphalement les trois filles et les inspecteurs. Ce reportage promettait d’être le scoop du jour dans toute la province, la nation même, sans doute.

Fu tenta bien de refuser de donner son identité réelle aux policiers, mais une fois au poste, une recherche sur le fichier central ne tarda pas à l’élucider.

En attendant la décision du juge d’une peine proportionnelle à la faute commise ( zuì yǒu yīng dé—罪有應得), Fu Ergou, au fond de sa cellule commune, a tout le temps de méditer sur la vengeance tardive, mais éclatante, de celles dont il avait fait ses victimes.


Rendez-vous : Semaine du 10 au 16 septembre 2018
Semaine du 10 au 16 septembre 2018

8-11 septembre, Xiamen : CIFIT, Foire internationale des investissements et des affaires de Xiamen

10-12 septembre, Pékin : CIOF, China Int’l Optic Fair, Salon int’l de l’optique

 

10-13 septembre, Shanghai : Furniwood, Shanghai int’l Furniture Machinery & Woodworking Machinery Fair, Salons des machines et accessoires pour travail du bois

11-14 septembre, Shanghai : Design of Designers, Salon int’l du mobilier design

11-14 septembre, Shanghai : FMC China, Salon de la fabrication et de la fourniture de l’industrie du meuble

11-14 septembre, Shanghai : Furniture China, Salon du meuble résidentiel, de bureau, de l’ameublement et de ses accessoires

12-13 septembre, Shanghai : CIBTM / IBTM, Salon des organisateurs d’événements, voyages professionnels

12-13 septembre, Pékin : Oil & Gas Council China Assembly, Assemblée générale du conseil pour le pétrole en Chine

13-16 septembre, Changsha : AIFE – Asia Int’l Import Food Exposition, Salon int’l de l’agro-alimentaire

13-16 septembre, Changsha : SBW Expo, Salon professionnel dédié à l’eau potable et à l’eau de source en bouteille