Religion : Rouges et noirs, la paix des braves ?

Discrètement le 27 juin, une délégation du PCC était reçue au Vatican pour peaufiner un concordat. Elle avait été précédée par une mission vaticane à Pékin en mars. Il s’agissait de fixer les règles de la communauté catholique en Chine telles ces lettres pastorales du Pape, jusqu’ici interdites parce que lues en chaire sans contrôle de Pékin. Se posait aussi la question de la nomination des évêques, où Rome et Pékin devaient être chacun associé. Il fallait aussi s’entendre sur le sort des sept prélats nommés par la seule Chine, et des 30 évêques « de l’ombre », sans l’accord de Pékin. Malgré cela, l’entente semblait proche, en raison du discret désir d’accommodement exprimé par le Pape François et le Président Xi Jinping dès leurs entrées en fonction au même moment – mars 2013.

Or, un incident éclata. Le 18 mai, Pierre Shao Zhumin, évêque de Wenzhou, nommé par le seul Pape, ne revint pas de sa convocation au bureau local des Affaires religieuses. Rome se tut dans un premier temps, mais fut forcé de sortir du silence par l’appel de l’ambassadeur d’Allemagne Michael Clauss. Ainsi, le 26 juin, la Curie exprimait sa « grande préoccupation » sur cette arrestation, au risque d’indisposer le pouvoir socialiste qui répliquait le lendemain, récusant « toute ingérence dans ses affaires internes ».

En ce genre de dérapage dans les rapports entre Parti et Eglise, on constate souvent à l’origine une initiative locale. Si tel est le cas pour Pierre Shao, Pékin a été mis devant le fait accompli. Mais s’agissant d’un homme désigné par le seul Vatican, le niveau central ne peut pas désavouer le niveau local… D’autre part, un autre volet du concordat désigné, concernera la gestion des biens d’église,  confiés au diocèse officiel—sur lequel le Vatican obtiendra forcément droit de regard. Dans cette perspective, la détention de l’évêque de Wenzhou peut avoir eu pour objet de retarder un concordat qui priverait le clergé officiel de domaines aujourd’hui confiés à sa seule discrétion. 

Cet incident peut-il faire dérailler cet accord ? On peut en douter. Pour le Pape comme pour Xi Jinping, l’enjeu dépasse de beaucoup cet aspect matériel. Côté PCC, il s’agit de convertir une force morale mondiale traditionnellement anticommuniste, en un partenaire bienveillant. Pour la Curie, il s’agit de mieux former ses prêtres, mieux servir ses 12 millions de fidèles en Chine, et de mettre une fin à 70 ans de schisme entre ses paroisses de l’ombre et officielle. Face à un tel enjeu, le sort de Pierre Shao ne pourra pas longtemps servir d’obstacle au concordat. Un dernier indice vient appuyer ce sentiment : dans les négociations semi-secrètes en cours, deux négociateurs viennent d’être changés –un pour chaque bord -, comme pour encourager la relance, et exprimer la volonté d’aboutir

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