Le Vent de la Chine Numéro 25 (2017)
Le 29 juin à 14h, l’avion présidentiel se posait sur la piste de Chek Lap Kok de l’aéroport de Hong Kong. Accueilli en fanfare par les deux chefs de l’Exécutif (le sortant C.Y. Leung et l’imminente Carrie Lam), Xi Jinping retournait à Hong Kong après 9 ans, pour célébrer le 20ème anniversaire du retour à la mère-patrie.
Vingt ans plus tôt, le 30 juin 1997 à minuit, le drapeau de l’Union Jack était remplacé par celui de la Chine populaire. Sir Chris Patten, ultime gouverneur de sa Gracieuse Majesté gravissait la passerelle du yacht royal Britannia, quittant l’ex-colonie de la Couronne – déjà rebaptisée « Région Administrative Spéciale » (RAS). Une page d’histoire se tournait.
Sur le tapis rouge de l’aéroport, Xi se déclarait « ravi de fouler à nouveau » le sol de cette ville, qui avait « toujours eu une place en son cœur ». C’était une offensive de charme, mais aussi d’autorité. Rien n’avait été épargné pour éblouir la ville, mais aussi lui rappeler la puissance de sa nation tutélaire. Durant trois jours de festivités, le plus grand feu d’artifice (sur 1km, 300m de haut) fut tiré. La ville connut un déploiement militaire sans précédent – à quai, une escadre complète, du porte-avions aux destroyers, croiseurs et frégates, et pour le défilé, 3000 hommes, 20 escadrons, des chars légers… Debout dans sa jeep d’apparat, Xi Jinping en costume col Mao inspectait les troupes. Le déploiement avait pour but d’insuffler dans l’enclave la fierté patriotique, par l’évocation de la puissance de la nation.
Pour prévenir toute protestation sur le chemin du chef de l’Etat : 11.000 policiers se tenaient derrière des « barrières de protection » dernière génération, lestées tous les 5 mètres par une à deux tonnes d’eau, afin de les rendre indéplaçables. Au cas où des manifestants parviendraient à emboliser le trafic, un « plan B » consistait en une flottille de 16 garde-côtes en stand-by, prête à acheminer Xi Jinping par voie maritime.
La prudence n’était pas superflue : on gardait en mémoire la visite du Président Hu Jintao en 2012, perturbée par les cris de milliers d’insulaires. Or, ce type de dérapage risquait de se reproduire : dès le 28 juin, Joshua Wong et Nathan Law, les égéries de la jeunesse insoumise, s’étaient faits brièvement appréhender, alors qu’ils manifestaient, avant d’être relâchés le lendemain…
Durant la cérémonie d’intronisation de Carrie Lam, la nouvelle cheffe de l’Exécutif, Xi Jinping enfonçait le clou, réitérant l’obligation de la RAS d’obéir et de se plier à la discipline centrale : « toute atteinte à la souveraineté ou défiance de l’autorité du gouvernement central et à la Loi Fondamentale de Hong Kong, ne sera pas tolérée », devait-il avertir. Ainsi trace-t-il « la ligne rouge à ne pas franchir ».
Cependant, en partie sous l’effet de la crise économique, la jeunesse hongkongaise se reconnaît de moins en moins dans ce pouvoir autoritaire et cette nation qui ne dispose pas de sa propre liberté d’opinion. De fait, les 31% de jeunes (18-29 ans) qui se reconnaissaient comme Chinois en 1997, ne sont désormais plus que 3% – le dixième de leur nombre d’origine.
La crise provient de l’écart entre les attentes de cette jeunesse empêtrée dans son impossible rêve d’indépendance, et un avenir d’assimilation qui est inéluctable, du fait de la détermination de l’Etat central.
Pour réaliser sa grande région du delta des Perles, le régime a investi (ou fait investir par Hong Kong) sans compter : d’ici décembre, doit être achevée l’autoroute de 55km (dont le plus long pont maritime du monde de 42km), vers Zhuhai et Macao, et la liaison par TGV est en cours. D’autres objectifs, tels le remplacement de l’anglais par le mandarin dans les écoles, ou l’allègement des formalités frontalières, sont très parlants du travail d’intégration en cours… lire la suite
(Lire le début) À Hong Kong, la jeunesse se braque au refus sourd de Pékin d’honorer sa promesse, inscrite dans le traité de dévolution, de leur octroyer le suffrage universel direct. Mais leur rébellion suscite une volonté de renforcement d’autoritarisme, et une dynamique de collision. C’était cette « bombe » que le Président Xi Jinping tentait de désamorcer par son comportement ambivalent, sourires d’une part, avertissements sans frais de l’autre, lors des festivités du 20ème anniversaire.
Xi Jinping était venu pour « tracer l’avenir de la cité », avec parfois de bons arguments. Une synergie apparaît plausible, dans la stratégie d’équipement de l’Asie du Sud-Est par le plan « une ceinture, une route – yī dài yī lù 一带一路 » (OBOR).
Pour réussir des investissements lourds d’équipement des pays de l’ASEAN, la Chine devra disposer d’une « connectivité » culturelle et technique, et d’une connaissance de ces pays, ce dont elle manque. Hong Kong au contraire s’y trouve bien implanté, y investissant depuis des décennies. Il faudra à la Chine une maîtrise des lois nationales, une familiarité avec les fournisseurs, contracteurs, banques et usagers de toutes ces régions, mosaïque d’ethnies et de religions. Hong Kong a donc la chance de s’imposer en maîtresse d’œuvre de ce « plan Marshall » chinois dans la région—à condition d’accepter de jouer les règles du jeu chinoises.
Aussi, la visite de Xi avait-t-elle été dessinée comme chance d’un nouveau départ, pour une réconciliation et la création de cette nécessaire synergie.
La crise de confiance entre la Chine et sa RAS reposait sur deux obstacles, l’un politique et l’autre administratif. Pour remettre la relation sur ses rails, Xi Jinping doit traiter l’un et l’autre :
– Zhang Dejiang, « patron » de Hong Kong au Comité Permanent et adversaire politique de Xi, est un ultraconservateur. Il a donc la sensibilité pour bloquer tout compromis de type libéral, et a un intérêt politique à exacerber l’affrontement. Mais Zhang partira à la retraite après le XIX. Congrès d’octobre ;
– d’autre part, Hong Kong, à plus de 2000km de Pékin, est ressenti, au sommet du pouvoir, comme « terre étrangère », et de ce fait, la RAS y manque d’interlocuteurs. Ainsi, bien des problèmes qui pourraient se régler par un simple rendez-vous ou coup de téléphone, ne le sont pas.
Clairement, la durée de ce séjour, trois jours, l’équivalent d’un voyage en Allemagne ou en France, a été calculée pour permettre d’entendre et prendre langue, notamment avec Carrie Lam, la nouvelle patronne de Hong Kong.
Ceci peut jeter les bases d’un rapport nouveau, avec pragmatisme, afin de sortir la relation de son actuel couloir d’échec. Mais est-ce possible, sans faire de compromis ? Toute l’ambiguïté de cette mission est là.
D’ailleurs, la population l’a bien compris : le 1er juillet, dès 15h, à peine Xi Jinping remonté dans son avion, 60.000 manifestants convergeaient, munis d’ombrelles, pour entamer leur marche traditionnelle à travers la ville, du parc Victoria vers Causeway Bay— histoire de faire passer leur propre message.
Du rififi dans le microcosme des petites balles blanches : au China Open de ping-pong à Chengdu (Sichuan) le 21 juin, trois champions (Ma Long, Fan Zhendong et Xu Xin) s’absentèrent au moment de leurs matches et furent disqualifiés, au grand dam des autorités sportives, ces pongistes occupant la tête du classement mondial de la Fédération Internationale de Tennis de Table. Aggravant leur cas, ces joueurs, plus un 4ème ayant abandonné sur blessure, expliquèrent leur fronde sur les réseaux sociaux, comme une protestation contre la mise à l’écart de leur entraîneur depuis 2013, Liu Guoliang, nommé vice-président (un des 19) de l’Association Nationale du tennis de table – une mise au placard déguisée en promotion.
La raison à la mise à l’écart de Liu est peu claire : avec lui, Kong Linghui, l’entraîneur de l’équipe nationale féminine, tombe aussi – peut-être en raison de leurs liens avec Cai Zhenhua, l’actuel président de l’Association nationale de football et de tennis de table, (ancien champion du monde) que l’on dit aujourd’hui sur la sellette.
Quoiqu’il en soit, l’Association nationale du ping-pong entend faire payer chèrement aux trois frondeurs leur insubordination. Dénonçant ces forfaits sans permis en tournoi international, elle critique les « manquements au code éthique de l’athlète, à la gloire de la nation et aux attentes des adversaires et des spectateurs ». Et pour commencer, quoiqu’ils aient entretemps publié leur autocritique, elle prétexte leur « épuisement » pour désinscrire toute l’équipe de l’Australian Open (2-7 juillet), pourtant doté de 400.000$. Entretemps, le public se joignit aux joueurs et manifesta sa solidarité à Liu Guoliang lors d’autres compétitions, comme celle à Pékin le 26 juin.
Sur le fond, au-delà des émotions spontanées des sportifs, le problème peut aussi émaner du fonctionnement des Associations sportives chinoises, l’équivalent des fédérations ailleurs. Ces filiales non élues de l’Administration générale des Sports gèrent de main de fer leurs joueurs et leur dénie tout droit de regard sur l’organisation de leur vie sportive, compétitions, prix, plan de carrière. Typiquement, les athlètes supportent mal un corset disciplinaire jugé anachronique. D’autres rébellions de ce type ont eu lieu ces 20 dernières années, avec les femmes pour précurseur : les championnes de course de fond de Ma Jiaqun au début des années 2000, la star de tennis Li Na 10 ans plus tard. A présent, les hommes se mettent à suivre !
Discrètement le 27 juin, une délégation du PCC était reçue au Vatican pour peaufiner un concordat. Elle avait été précédée par une mission vaticane à Pékin en mars. Il s’agissait de fixer les règles de la communauté catholique en Chine telles ces lettres pastorales du Pape, jusqu’ici interdites parce que lues en chaire sans contrôle de Pékin. Se posait aussi la question de la nomination des évêques, où Rome et Pékin devaient être chacun associé. Il fallait aussi s’entendre sur le sort des sept prélats nommés par la seule Chine, et des 30 évêques « de l’ombre », sans l’accord de Pékin. Malgré cela, l’entente semblait proche, en raison du discret désir d’accommodement exprimé par le Pape François et le Président Xi Jinping dès leurs entrées en fonction au même moment – mars 2013.
Or, un incident éclata. Le 18 mai, Pierre Shao Zhumin, évêque de Wenzhou, nommé par le seul Pape, ne revint pas de sa convocation au bureau local des Affaires religieuses. Rome se tut dans un premier temps, mais fut forcé de sortir du silence par l’appel de l’ambassadeur d’Allemagne Michael Clauss. Ainsi, le 26 juin, la Curie exprimait sa « grande préoccupation » sur cette arrestation, au risque d’indisposer le pouvoir socialiste qui répliquait le lendemain, récusant « toute ingérence dans ses affaires internes ».
En ce genre de dérapage dans les rapports entre Parti et Eglise, on constate souvent à l’origine une initiative locale. Si tel est le cas pour Pierre Shao, Pékin a été mis devant le fait accompli. Mais s’agissant d’un homme désigné par le seul Vatican, le niveau central ne peut pas désavouer le niveau local… D’autre part, un autre volet du concordat désigné, concernera la gestion des biens d’église, confiés au diocèse officiel—sur lequel le Vatican obtiendra forcément droit de regard. Dans cette perspective, la détention de l’évêque de Wenzhou peut avoir eu pour objet de retarder un concordat qui priverait le clergé officiel de domaines aujourd’hui confiés à sa seule discrétion.
Cet incident peut-il faire dérailler cet accord ? On peut en douter. Pour le Pape comme pour Xi Jinping, l’enjeu dépasse de beaucoup cet aspect matériel. Côté PCC, il s’agit de convertir une force morale mondiale traditionnellement anticommuniste, en un partenaire bienveillant. Pour la Curie, il s’agit de mieux former ses prêtres, mieux servir ses 12 millions de fidèles en Chine, et de mettre une fin à 70 ans de schisme entre ses paroisses de l’ombre et officielle. Face à un tel enjeu, le sort de Pierre Shao ne pourra pas longtemps servir d’obstacle au concordat. Un dernier indice vient appuyer ce sentiment : dans les négociations semi-secrètes en cours, deux négociateurs viennent d’être changés –un pour chaque bord -, comme pour encourager la relance, et exprimer la volonté d’aboutir
Après avoir purgé près de neuf des onze ans de sa peine, Liu Xiaobo, pamphlétaire de 61 ans, est libéré après la détection fin mai d’un cancer du foie « en phase terminale ». Les autorités l’ont transféré de sa prison de Shenyang (Liaoning) vers un hôpital local, où il put enfin recevoir la visite de sa famille.
La raison « humanitaire » cache mal un souci d’éviter de laisser périr cette « cause célèbre » derrière les barreaux, au risque de réveiller l’indignation du monde occidental, face au sort cruel de cet intellectuel.
Dès 1989, ce professeur d’université avait été privé un an de liberté, pour son rôle dans les événements du « Printemps de Pékin ». Puis en 2008, il avait contribué à rédiger la dissidente Charte 08, calque de la Charte 77 du tchèque Vaclav Havel, qui réclamait le passage à un système multipartite démocratique. Mais l’équipe dissidente autour de Liu Xiaobo, clairement, avait mal évalué l’onde de choc que causa l’initiative au sein du Parti. Même pour un Président Hu Jintao pourtant plus passif que son successeur Xi Jinping, c’était intolérable : arrêté en 2008, Liu Xiaobo était condamné en 2009 à 11 ans de prison. En 2010, le Nobel de la paix attribué à Liu Xiaobo fut vécu par le régime comme une critique frontale : les relations avec la Norvège furent gelées jusqu’en 2017, et pour Liu, les chances de remise de peine restaient nulles, malgré sa bonne conduite et l’hépatite chronique dont il souffrait.
Depuis, Liu Xiaobo porte l’image d’un libre-penseur, incarnant une valeur universelle de liberté d’opinion. La sévérité à son endroit reflète le durcissement récent d’un régime fragilisé, forcé de voir en toute tolérance envers la dissidence, une faiblesse nuisible à sa survie.
Face au drame, l’Occident ne peut qu’exprimer sa désapprobation. Bientôt suivis par France, Allemagne et Norvège, les USA offraient (par la voix de l’ambassadeur T. Branstad) que Liu puisse recevoir des soins sur leur sol. Liu lui-même souhaite pouvoir quitter le pays – pour y être soigné, voire y mourir libre. Pékin, pour l’instant, refuse : le dissident reçoit actuellement « les meilleurs soins possibles » de l’équipe médicale autour de lui.
Entamé depuis 2012, l’effort de l’Etat pour lutter contre les différentes pollutions (air, eau, sol) en ville et en campagne, est réel, avec de nombreuses initiatives volontaristes.
Le 27 juin, le bureau du Parlement adoptait deux révisions de lois. Celle de prévention de la pollution aquatique porte à 1 million de ¥ l’amende pour rejet d’effluents à proximité d’une source d’eau, et à 200.000 ¥ celle aux pouvoirs locaux qui refusent de publier leurs données sur la qualité de l’eau (obligatoire tous les trois mois au moins). De plus, sur tout cours d’eau, un cadre occupera désormais la fonction de « chef de rivière », responsable de la prévention, protection et mitigation de la pollution – avec promotions ou sanctions à la clé.
La loi de pollution du sol est également revue : elle ouvre le principe « pollueur-payeur » et impose aux provinces comme aux mairies de présenter des plans de prévention au ministère. Elle les autorise à classer sous « protection prioritaire » des zones spécialement dégradées, y interdisant pâturages ou cultures intensives, et y encourageant au contraire l’assolement triennal, la reforestation et le retour à l’état de lande ou prairie.
L’amende pour enfouissement de produits dangereux non traités, passe à 2 millions de ¥. Un cadastrage de pollution est en cours, dont le bilan sera publié en 2020. Celui de 2013 avait fait apparaître 3,3 millions d’hectares contaminés (par effluents industriels, déchets miniers et usage excessif de pesticides et engrais), inaptes à toute agriculture. Quoique possible, leur mitigation par filtrage des sols prendra beaucoup de temps, vu son coût évalué à 1000 milliards de ¥ (150 milliards de $). En 2016, pour de tels chantiers de réhabilitation, l’Etat mettait sur la table 14,6 milliards de ¥ – une goutte d’eau (propre) dans la mare (cloaque) !
Ces lois révisées arrivent en même temps que le nouveau ministre de l’Environnement : Li Ganjie, 52 ans, formation d’ingénieur nucléaire à Tsinghua, la pépinière d’élites. La priorité du ministre ira au Hebei (où il vient de passer 6 mois comme vice-secrétaire du Parti) – province aux six villes les plus polluées du pays en 2017. Son prédécesseur Chen Jining, du même âge que Li et diplômé de la même université, passe vice-maire de Pékin.
L’investissement pour la décarbonisation est une difficulté classique des firmes et provinces : où trouver les fonds, dans un environnement d’affaires très dur, pour ces investissements non liés à un renforcement de productivité ou de qualité du produit ? Ici, toute erreur d’évaluation peut s’avérer fatale.
Certes, avant la fin de l’année se prépare le lancement du marché carbone national, défi vert ambitieux, où toute collectivité, usine ou grande exploitation agricole recevra des crédits d’émission de dioxyde de carbone (CO2), dont elle pourra revendre en bourse les reliquats, à ceux qui n’auront pu tenir leur quota. À moyen terme, ce sera l’incitatif à investir dans une production propre. Mais cela prendra du temps—l’Etat devra convaincre des millions d’entités polluantes à jouer le jeu, en leur offrant d’abord des quotas généreux. Sur les 10,4 milliards de tonnes de CO2 que la Chine relâchait en 2015 (1er pollueur mondial), ce système né de la fusion de 8 bourses locales (avec celle du Fujian, dernière née), en gérera 50%.
En attendant donc, les acteurs de la décarbonisation doivent trouver des crédits. En coopération avec la Banque Asiatique de Développement (BAD, entité internationale), quatre organes du Conseil d’Etat lancent une plateforme financière « verte » d’investissement dans la production à bas carbone. Ces organes sont deux fonds publics (l’I&G et la SDIC), le ministère des Finances et la NDRC, chef d’orchestre de l’économie nationale. Les besoins nationaux en crédits de décarbonisation sont estimés à 3000 à 4000 milliards de ¥/an, dont l’Etat n’est en mesure de payer que 10 à 15%. Mais il croit savoir que ce montant de financement de projets (validés par lui-même), inciteront le secteur privé à suivre.
Les banques doivent créer des prêts « verts » aux assujettis aux crédits carbone ou aux (futurs) quotas d’usage de l’eau pour leur permettre de s’équiper. Les assurances doivent développer des polices « spéciales-bas-carbone ».
Pour développer cette « finance verte », cinq zones pilotes ont été désignées, chacune pour tester différentes pistes. Canton testera les crédits à l’économie d’énergie et la réduction d’émissions, tout comme Zhejiang et Jiangxi. Le Xinjiang, Far-West chinois, travaillera avec les banques internationales sur l’export de technologies à bas carbone vers l’Asie Centrale, en lien avec le plan national « OBOR », ou « une ceinture, une route », des nouvelles routes de la soie. Le Guizhou se spécialisera en financement du retraitement de déchets agricoles, une forte source de pollution et un chantier majeur de l’antipollution chinoise. Plus de 50% des porcs sur Terre, sont élevés en Chine, et la totalité de l’élevage génère 3,8 milliards de tonnes de déjections, dont 40% non traitées. Yu Kangzheng, vice-ministre de l’Agriculture lance un programme de subventions pour renforcer de 50% l’usage de ces déchets comme fertilisant des vergers, potagers et plantations de thé – 500 districts et 200.000 mégafermes bénéficieront du plan.
D’autres initiatives « écologiques » se retrouvent au niveau du système judiciaire, qui commence à condamner à des peines carcérales les cadres faussant sciemment les statistiques de pollution.
En résumé, la longue marche verte, en Chine va tous azimuts !
À l’été 1717 du règne de Kangxi (康熙,dynastie des Qing), la sécheresse ravageait la province du Fujian. Dans les rizières à sec, le riz brûlait sur pied. Coton, millet ou sorgho rouge, nul lopin n’échappait au soleil incandescent ! Face à la disette qui rôdait, le gouverneur avait dû faire ouvrir les magasins impériaux pour nourrir le peuple affamé.
Cette calamité devait gravement nuire à la paix entre Wushan et Yuepu, villages à l’épicentre de la canicule. Auparavant, on s’était toujours partagé l’eau en bonne entente. Sous la férule du conseil des anciens, le code antique de l’eau établi au cours des siècles fixait clairement les heures où les Wang et les Fang (les clans de chacun des villages) pouvaient puiser leurs cinq baquets par jour et par famille dans la rivière Hong (鸿 « oie sauvage »), ainsi appelée du fait des palmipèdes qui s’y ébattaient de temps immémoriaux. Mais à présent, plus d’eau, ni d’oies : le fond boueux permettait à peine de prélever un seau d’eau saumâtre par foyer.
Une nuit d’août, Xiao Wang, fils du chef de Wushan, partit avec six hommes. À la lueur de la lune, sans torches, ils gravirent le mont vers la source. Leur mission secrète consistait à détourner la rivière Hong vers chez eux. Vis-à-vis des voisins de Yuepu, c’était bien sûr une trahison ! Mais que voulez-vous, si une communauté devait survivre à cette calamité, autant que ce soit celle de Wushan.
Hélas, une fois rendus au roc d’où sourdait la source, les attendait des lascars de Yuepu, piochant et pelletant pour faire dériver l’eau sacrée vers leur propre village ! Xiao Fang les dirigeait, beau brin d’amazone, une vraie battante, à qui Xiao Wang aurait bien fait la cour, en des temps plus propices… Mais l’avoir attrapée la main dans le sac, ça changeait tout. Elle était l’ennemie jurée désormais.
De part et d’autre de la rigole, les gars s’insultaient déjà. Bientôt, sous les ordres des chefs, ils se jetèrent les uns sur les autres, à coup de manches de pioche. L’escarmouche fut brève mais violente : après cinq minutes, les troupes se repliaient, emportant leurs éclopés – un bras cassé, une jambe brisée pour Yuepu, mais côté Wushan, un mort, crâne défoncé…
Le jour même, probablement sous les travaux maladroits de l’expédition de Xiao Fang, le ruisseau disparut entièrement. Des deux côtés, ce fut interprété comme signe de la colère des Dieux envers les hommes (ceux d’en face bien sûr), pour avoir enfreint la loi divine.
A Wushan, une fois enterré en héros l’homme décédé durant l’algarade, le conseil du clan fit venir les moines du temple bouddhiste et tinrent une cérémonie vibrante d’émotion, à renfort de trompettes et de tambours : avec Yuepu, tout contact, toute amitié, tout mariage étaient bannis à jamais.
Cependant, loin de se calmer, les hostilités se poursuivirent. En dépit des allégations de trahison et de sacrilège, les hommes des deux villages savaient bien que l’épuisement de la rivière était inéluctable, simple question de temps. Ils s’y étaient donc préparés, creusant le fond de leurs vieux puits stériles pour les ranimer : au bout de mois d’efforts, ils n’obtinrent que quelques litres par jour du précieux liquide, un sursis de survie pour leurs pauvres hardes de vaches, cochons et chèvres.
A Yuepu, une semaine après la bataille, Xiao Fang allant traire ses bêtes, trouva trois vaches allongées inertes, panses gonflées, pattes en l’air, pendant que deux autres meuglaient à l’agonie. Elle suspecta tout de suite un coup fourré sur son puits, qu’elle alla inspecter : à la surface de l’eau, dix mètres plus bas, elle trouva un sac cousu comme un oreiller. Il était bourré de fleurs séchées d’aconit, le roi des poisons maléfiques. Ce ne pouvait être que l’œuvre de Xiao Wang, pour venger la mort du membre de son clan. Cet acte vil marquait la guerre éternelle !
L’état de guerre demeura, même cinq ans plus tard, quand la rivière Hong se remit à couler et que revinrent les oies sauvages. Mais plus jamais les clans ne se reparlèrent : l’imprécation restait, sacrée, héritage atavique des ancêtres. Même au XIXe siècle, quand débarquèrent les colonisateurs anglais et français sur leurs canonnières. Même en 1930, quand arriva l’envahisseur nippon, on continua à s’ignorer studieusement. Les habitants des deux villages se vouaient une haine ancestrale, jurant de père en fils de «食肉寝皮 (shí ròu qǐn pí): « manger la chair de l’autre et dormir sur sa peau ».
La haine atteint les confins de l’absurde quand on refusa de s’entraider face aux crues capricieuses, détruisant les chaumières et noyant le bétail. Se prémunir eût été facile, en levant ensemble une digue. Mais rien à faire : l’eau gagnait la partie, chaque clan prétendant s’organiser seul !
Chaque génération voyait arriver d’insolites scandales, quand une fille de Yuepu, suite à quelque relâche dans la vigilance, se trouvait enceinte des œuvres d’un gars de Wushan – ou vice-versa. Alors, au lieu de la marier avec son suborneur, on lapidait la coupable pour avoir déshonoré les ancêtres. Au mieux, on faisait venir la faiseuse d’anges : la malheureuse était avortée de force au risque d’en mourir… Tout lien, tout amour devait être évité à tout prix, avec l’engeance diabolique d’en face.
Enfin, des siècles plus tard, le motif même de cette brouille finit par s’oublier. Il restait gravé dans la pierre des temples respectifs, illisible aux hommes car recouvert de mousse, mais à jamais en vigueur…
Cette guerre de villages entre les Fang et les Wang pouvait-elle perdurer ? On le saura au prochain numéro !
5-7 juillet, Shanghai : ESBUILD, Salon international des matériaux de construction et de la décoration intérieure, et des économies d’énergie et des matériaux avancés
6-8 juillet, Shanghai : ISPO, Salon international des sports, de la mode et des marques de vêtements
6-8 juillet, le Président Xi Jinping, en déplacement en Russie, et en Allemagne pour le G20 de Hamburg
6-9 juillet, Pékin : CAFE Show Chine, Salon international du café en Chine
8-10 juillet, Pékin : IOF, Salon international de l’alimentation biologique en Chine
8-20 juillet, Urumqi (Xinjiang), IME, Salon international de l’industrie minière