Editorial : Xi Jinping à Hong Kong :  main de fer, gant de velours

Le 29 juin à 14h, l’avion présidentiel se posait sur la piste de Chek Lap Kok de l’aéroport de Hong Kong. Accueilli en fanfare par les deux chefs de l’Exécutif (le sortant C.Y. Leung et l’imminente Carrie Lam), Xi Jinping retournait à Hong Kong après 9 ans, pour célébrer le 20ème anniversaire du retour à la mère-patrie.

Vingt ans plus tôt, le 30 juin 1997 à minuit, le drapeau de l’Union Jack était remplacé par celui de la Chine populaire. Sir Chris Patten, ultime gouverneur de sa Gracieuse Majesté gravissait la passerelle du yacht royal Britannia, quittant l’ex-colonie de la Couronne – déjà rebaptisée « Région Administrative Spéciale » (RAS). Une page d’histoire se tournait.

Sur le tapis rouge de l’aéroport, Xi se déclarait « ravi de fouler à nouveau » le sol de cette ville, qui avait « toujours eu une place en son cœur ». C’était une offensive de charme, mais aussi d’autorité. Rien n’avait été épargné pour éblouir la ville, mais aussi lui rappeler la puissance de sa nation tutélaire. Durant trois jours de festivités, le plus grand feu d’artifice (sur 1km, 300m de haut) fut tiré. La ville connut un déploiement militaire sans précédent – à quai, une escadre complète, du porte-avions aux destroyers, croiseurs et frégates, et pour le défilé, 3000 hommes, 20 escadrons, des chars légers… Debout dans sa jeep d’apparat, Xi Jinping en costume col Mao inspectait les troupes. Le déploiement avait pour but d’insuffler dans l’enclave la fierté patriotique, par l’évocation de la puissance de la nation.

Pour prévenir toute protestation sur le chemin du chef de l’Etat : 11.000 policiers se tenaient derrière des « barrières de protection » dernière génération, lestées tous les 5 mètres par une à deux tonnes d’eau, afin de  les rendre indéplaçables. Au cas où des manifestants parviendraient à emboliser le trafic, un « plan B » consistait en une flottille de 16 garde-côtes en stand-by, prête à acheminer Xi Jinping par voie maritime.

La prudence n’était pas superflue : on gardait en mémoire la visite du Président Hu Jintao en 2012, perturbée par les cris de milliers d’insulaires. Or, ce type de dérapage risquait de se reproduire : dès le 28 juin, Joshua Wong et Nathan Law, les égéries de la jeunesse insoumise, s’étaient faits brièvement appréhender, alors qu’ils manifestaient, avant d’être relâchés le lendemain…

Durant la cérémonie d’intronisation de Carrie Lam, la nouvelle cheffe de l’Exécutif, Xi Jinping enfonçait le clou, réitérant l’obligation de la RAS d’obéir et de se plier à la discipline centrale : « toute atteinte à la souveraineté ou défiance de l’autorité du gouvernement central et à la Loi Fondamentale de Hong Kong, ne sera pas tolérée », devait-il avertir. Ainsi trace-t-il « la ligne rouge à ne pas franchir ».   

Cependant, en partie sous l’effet de la crise économique, la jeunesse hongkongaise se reconnaît de moins en moins dans ce pouvoir autoritaire et cette nation qui ne dispose pas de sa propre liberté d’opinion. De fait, les 31% de jeunes (18-29 ans) qui se reconnaissaient comme Chinois en 1997, ne sont désormais plus que 3% – le dixième de leur nombre d’origine.

La crise provient de l’écart entre les attentes de cette jeunesse empêtrée dans son impossible rêve d’indépendance, et un avenir d’assimilation qui est inéluctable, du fait de la détermination de l’Etat central.

Pour réaliser sa grande région du delta des Perles, le régime a investi (ou fait investir par Hong Kong) sans compter : d’ici décembre, doit être achevée l’autoroute de 55km (dont le plus long pont maritime du monde de 42km), vers Zhuhai et Macao, et la liaison par TGV est en cours. D’autres objectifs, tels le remplacement de l’anglais par le mandarin dans les écoles, ou l’allègement des formalités frontalières, sont très parlants du travail d’intégration en cours… lire la suite

 

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