Diplomatie : Enterrée la diplomatie des « loups combattants » ? Pas si vite…

Enterrée la diplomatie des « loups combattants » ? Pas si vite…

Il y a quelques mois encore, certains experts doutaient que le gouvernement chinois s’inquiète réellement de son image en chute libre dans plusieurs pays

Les récentes déclarations du Président Xi Jinping viennent démontrer que l’isolation croissante de la Chine sur la scène internationale est prise très au sérieux par le leadership, Pékin considérant que la situation nuit à ses « intérêts fondamentaux » et notamment à son avancée technologique.

C’est ainsi que lors d’une réunion du Bureau Politique le 31 mai, Xi Jinping aurait appelé tous les niveaux du gouvernement à « modeler une image de la Chine, plus fiable, admirable et respectable », constatant que les efforts chinois pour influencer le récit international se sont, jusqu’à présent, soldés par un échec.

Cette réflexion intervient alors que la Chine se retrouve à nouveau sous les feux des projecteurs, la thèse de la fuite de laboratoire comme origine possible de la propagation du virus connaissant un regain d’attention.

Le leader chinois aurait affirmé « qu’il est nécessaire d’élargir notre cercle d’amis, de nous unir et de gagner la confiance de la majorité », faisant référence à la cohorte de pays en développement (en Afrique, en Amérique latine, en Asie et au Moyen-Orient) qu’il espère rallier afin de mettre en minorité les pays occidentaux, à l’ONU notamment.

« Il faut adapter les méthodes de communication en fonction de la région, du pays et du public », aurait instruit le Secrétaire général du Parti. Plusieurs canaux ont été identifiés pour propager la vision chinoise : la participation d’experts de haut niveau « crédibles et respectés » lors de forums et conférences internationales est l’un de ceux-là.

Pékin compte également sur la présence de ses médias d’État à l’étranger (China Media Group, qui rassemble la chaîne CGTN et Radio Chine Internationale, prévoit d’ailleurs d’ouvrir un imposant bureau à Bruxelles), mais aussi sur des expatriés « amis de la Chine » et des journalistes étrangers « à la Edgar Snow » (sympathisant américain auteur d’un ouvrage à la gloire du Parti sous Mao) pour « bien raconter la Chine » (讲好中国故事).

Surtout, la Chine doit rester « ouverte et sûre d’elle-même, mais aussi modeste et humble dans sa communication avec le monde extérieur », aurait ajouté le dirigeant chinois.

Faut-il interpréter ces déclarations comme un retour à la politique de montée en puissance « discrète » prônée par Deng Xiaoping, une remise en cause de sa diplomatie des « loups combattants », ces émissaires chinois qui espèrent défendre les intérêts et l’honneur de leur pays en formulant menaces et critiques acerbes à l’intention de leurs pays hôtes ?  

Plusieurs éléments laissent penser qu’un revirement n’est pas à l’ordre du jour, et qu’au contraire, davantage de ressources pourraient être déployées pour mettre en œuvre les politiques existantes.

D’abord, il faut rappeler que cette diplomatie chinoise « qui sort les crocs » est l’un des piliers de « la diplomatie selon la pensée de Xi Jinping ». Il est donc peu probable que le Président revienne sur sa propre théorie si ouvertement.

Certes, cette « diplomatie combattante » peut paraître contreproductive à l’international, ne faisant que braquer davantage l’opinion publique du pays visé à l’encontre de la Chine. Néanmoins, les déclarations-chocs de ces « loups » sont plutôt populaires auprès de la population chinoise. Les propos du conseiller aux Affaires étrangères du Parti, Yang Jiechi, à Anchorage en mars dernier, selon lesquels « les États-Unis ne peuvent plus traiter avec la Chine d’une position de force », résonnent encore dans tous les esprits…

Autre indice qui ne laisse pas présager d’un changement de ton : le fait que Zhang Weiwei, professeur à l’université de Fudan, ait été choisi pour intervenir lors de la session d’étude du 31 mai auprès des 25 membres du Politburo. L’ancien interprète de Deng Xiaoping est connu pour prêcher la supériorité du modèle de gouvernance chinois par rapport à celui des démocraties occidentales. Il a d’ailleurs récemment déclaré au Global Times : « lorsque la Chine a endigué le virus sur son sol et a réalisé d’immenses contributions à la lutte mondiale contre la pandémie, la performance médiocre et le comportement égoïste de l’Occident ont fait pâle figure en comparaison (…) Les faits ont prouvé que le récit occidental ne peut plus prévaloir ».

Quand bien même ces « loups » se transformeraient en « agneaux », les chances que cela suffise à améliorer l’image de la Chine sont minces. Il est bon de rappeler que ce n’est pas « la forme » qui a abîmé l’image chinoise à l’international, mais bien « le fond » : ses revendications territoriales en mer de Chine et à la frontière avec l’Inde, sa reprise en main de Hong Kong, sa répression au Xinjiang, son ambition de réunification – par la force si nécessaire – avec Taïwan, ou encore son jeu trouble au sujet de l’origine du virus…

Surtout, l’inefficacité de ses efforts de propagande à l’international – qui reposent en partie sur des réseaux sociaux américains comme YouTube, Twitter ou Facebook – est antérieure à cette diplomatie « combattante ». Et tant que sa communication sera guidée par l’idéologie et soumise à la censure du Parti, elle n’aura que très peu de portée en Occident…

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