Taiwan : L’opinion publique chinoise pas si uniforme

L’opinion publique chinoise pas si uniforme

Alors que Pékin clame que la réunification avec Taïwan est le souhait du peuple chinois et qu’elle est une précondition au « renouveau » de la nation, une étude publiée mi-mai vient nuancer ce postulat.

Réalisée par deux chercheurs de la National University of Singapore et de la New York University (Shanghai) et conduite auprès de 1 824 personnes fin 2020-début 2021, elle révèle que 55% des Chinois soutiendrait « une guerre d’unification pour reprendre Taïwan », tandis que près d’un tiers s’y opposerait, le reste ne se prononçant pas.

Seulement 1% des sondés estiment qu’il faudrait partir en guerre sans tenter d’autres approches, à savoir « lancer des exercices militaires dans le détroit de Taïwan », « avoir recours à des sanctions économiques » et « maintenir le statu quo de manière à accroître la puissance économique et militaire chinoise jusqu’à la réunification ».

Alors que d’autres études ont conclu que les jeunes Chinois avaient tendance à avoir des vues plus nationalistes que leurs parents, ce sondage rapporte en fait que ce sont les répondants plus âgés qui tendent à favoriser des mesures plus agressives.

Plus étonnant, 22% des répondants trouveraient « acceptable » que Taïwan conserve son système politique actuel, affirmant que la « réunification n’était pas nécessairement une finalité », ce qui équivaut à accepter l’indépendance de facto de l’île. Des résultats surprenants qui remettent en cause le récit officiel selon lequel la réunification avec Taïwan est le vœu de l’ensemble du peuple chinois.

Les auteurs de l’étude concluent que Pékin ne devrait pas se sentir obligé de durcir le ton vis-à-vis de Taipei, étant donné que d’autres options non-militaires seraient également acceptables aux yeux d’au moins une partie de la population.

Justement, ces derniers temps, le gouvernement chinois a mis en sourdine sa rhétorique musclée vis-à-vis de Taïwan, probablement pour favoriser le candidat du parti nationaliste (KMT), historiquement partisan d’un rapprochement avec la Chine, aux prochaines élections présidentielles de janvier 2024. Dans un récent discours, le n°4 du Parti, Wang Huning, chargé d’ébaucher une nouvelle stratégie de réunification avec Taïwan, soulignait « l’importance des relations de part et d’autre du détroit ».

Ce n’est pas le seul élément qui laisse penser que Pékin puisse remettre en question une opération militaire. Fin avril, une tribune relayée sur la toile affirme que si l’armée populaire de libération (APL) lançait une attaque contre Taïwan, il faudrait s’attendre à se battre sur quatre fronts en même temps. L’article sonne comme une mise en garde : « si nous ne sommes pas prudents, nous perdrons tout ». Le fait qu’il n’ait pas été censuré n’est pas anodin et peut suggérer que Pékin approuve les arguments présentés dans ce commentaire.

C’est de cette manière et en ayant recours à d’autres moyens plus ou moins sophistiqués, que le Parti influence le débat public dans un sens comme dans l’autre, en mettant en avant les voix qui s’alignent avec ses intérêts du moment ou, au contraire, en censurant celles qui le dérangent. C’est ce qui rend si difficile de sonder l’opinion des Chinois.

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