Politique : Faucons et colombes

Au sein du camp chinois, deux clans se révèlent peu à peu, aux positions radicalement opposées s’agissant de la guerre commerciale avec les Etats-Unis.

L’un est pour une Chine combative face aux menaces américaines. L’ancien vice-ministre du commerce Wei Jianguo en fait partie, et n’y va pas par quatre chemins : « la Chine répondra aux pièges américains en véritable maître de kung-fu, mais aussi en tant que boxeur expérimenté, capable de donner un uppercut mortel ».

L’autre clan est prêt à tendre au partenaire yankee une branche d’olivier. Bien que s’abstenant de faire toute allusion directe à des politiques existantes telles les nouvelles routes de la soie (BRI) ou le plan Made in China 2025 (ce qui avait probablement précipité le départ en retraite de Lou Jiwei), d’autres cadres à la retraite expriment un désir de conciliation, de mettre un terme à une confrontation qui a déjà trop duré. Zhang Musheng (cf photo, à gauche), ancien haut responsable chinois et éminent intellectuel proche de l’ex-général Liu Yuan (fils de Liu Shaoqi), affirme que « vanter les mérites du modèle chinois hors frontières n’est pas nécessaire et ne provoquera que des attaques ». Li Ruogu, ex-Président de l’Exim Bank, déclare que « Pékin devrait se mettre dans les bottes de Washington pour mieux comprendre sa position, et procéder aux ajustements nécessaires au maintien des bonnes relations. D’ailleurs les relations Chine-États-Unis sont la pierre angulaire de la relation globale de notre pays avec l’Occident ». Chen Deming, ministre du Commerce entre 2007 et 2013, avertit qu’il « ne faut pas prendre pour acquis que la Chine dépassera les USA un jour ou l’autre. Nous avons un des PIB les plus élevés au monde, mais rapporté par habitant, nous nous classons autour du 70ème rang mondial. Il nous reste encore beaucoup de chemin à parcourir ». Le discours de Chen fut largement diffusé sur internet – des commentaires saluaient cet « homme plein de bon sens ». Enfin, en quelques lignes publiées au China Daily, Zhang Monan, vice-directrice du think-tank pékinois CCIEE, considère « la guerre commerciale comme une opportunité pour approfondir les réformes ». Ces déclarations se font l’écho de celle de Hu Deping, fils du leader réformiste Hu Yaobang, ou encore de celle de Deng Pufang, fils du petit timonier Deng Xiaoping, qui conseillait au gouvernement chinois « de rester lucide, et de savoir où était sa place. Ne pas se sous-estimer ni se surestimer ».

Il est intéressant de noter que ces rares courageux à prendre la parole, surnommés « colombes » en opposition aux combattants « faucons », sont tous à la retraite. Pour eux, le risque de retour de flamme est donc moindre.

Étrangement, la plupart sont des fils de leaders révolutionnaires ou leurs alliés. On aurait pourtant pu croire que le plan MIC 2025 choisi par le Président Xi Jinping pour assurer la stabilité du Parti et favoriser les consortia publics, eut les faveurs de ces « hongerdai ». Mais il faut croire que la stabilité du pays et sa montée en puissance en faisant preuve de retenue, d’une manière non confrontationelle telle que le prônait Deng Xiaoping, prime sur leurs intérêts.

Ces voix seront-elles entendues ? Certainement. Ecoutées ? C’est beaucoup plus douteux. Car la ligne politique adoptée par Xi Jinping en 2013 part du principe que tout compromis est nécessairement un pas vers l’affaiblissement du Parti. Pire, dans un conflit aussi frontal, international, tout pas en arrière inviterait à ouvrir la porte à bien d’autres remises en cause, intérieures, celles là.

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1 Commentaire
  1. severy

    Il semble étonnant que les faucons et autres va-t-en-guerre du Parti n’aient pas lu les recommandations de Sunzi. Faire des concessions, quelques pas en arrière, céder du terrain, laisser l’avantage ponctuel à l’adversaire permet dans un deuxième temps de prendre le dessus.
    La Chine n’a rien à gagner dans sa confrontation avec les Etats-unis. Si en plus la situation empire, c’est le peuple chinois lui-même que le Parti a le plus à craindre. Malgré les mesures d’espionnage interne et l’immense entreprise de contrôle préventif de la population, le Régime ne pourra pas empêcher d’autres TAM de surgir, et ses tentatives de nationalisme téléguidé ne l’empêcheront pas de céder face au peuple qui ne demande, lui, que la prospérité et la paix…

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