Politique : Deux voix (peut-être pas si) solitaires

Alors que l’économie tousse et que le fantôme de la récession plane, plusieurs voix s’élèvent contre la ligne toujours plus rigide du pays.
Lors d’un séminaire le 16 janvier à Pékin, Hu Deping (cf photo), fils du leader réformiste Hu Yaobang, explique la chute de l’URSS par deux « erreurs fatales » : s’être laissée enfermer jusqu’au bout dans un « pouvoir politique hyper-centralisé » et un « système économique rigide ». Pour éviter le même sort, précise t-il, la Chine devrait « apprendre de ces erreurs ». 

Dix jours plus tôt, depuis son université Beida, le professeur Zheng Yefu postait sur internet une tribune audacieuse invitant le PCC, après 70 ans, à « quitter pacifiquement la scène de l’histoire ». Libéral affirmé, Zheng critiquait dès 2014 l’école chinoise, lui reprochant d’avoir reçu depuis 1949 « un milliard d’élèves, sans inspirer le moindre prix Nobel » (c’était vrai à l’époque). Un tel bilan était censé établir la preuve de son « incapacité à soutenir la créativité ». À présent, Zheng affirme que ces sept décennies de gouvernance socialiste n’auraient « jamais profité au peuple ». La reprise d’une réforme politique par un désengagement progressif du parti unique, serait indispensable pour contrer l’exacerbation de problèmes sociaux « ayant franchi le point de non retour », l’abus rampant de pouvoir, la justice déficiente et le malaise économique.
Tombant en pleine guerre commerciale avec les USA et en début de panne de la croissance, ces messages sont profondément dérangeants pour le pouvoir : nombre d’intellectuels peuvent partager une telle analyse en privé. Le moment du passage à l’acte de Zheng n’est pas insignifiant, 20 jours  après le 40ème anniversaire de la politique d’ouverture de Deng Xiaoping (18 décembre). Aujourd’hui bien peu d’intellectuels chinois peuvent encore se bercer des promesses sans cesse réitérées par la direction du pays, de  relance de la politique d’ouverture et de privatisation économique. Le 29 décembre, une centaine d’académiciens postaient un papier collectif reflétant leurs doutes sur la sincérité des promesses du régime en ce sens.
Qu’adviendra-t-il de Zheng Yefu ? Sans tarder le 15 janvier, Wang Huning, le tsar de l’idéologie, enjoignait les universités à suivre la ligne du Parti et de son « noyau » Xi Jinping—à mettre de l’ordre en leur sein. La ligne tout juste réaffirmée est claire : discipline et loyauté autour des mots d’ordre du sommet, sont plus importants que la relance de l’initiative privée et les appels individuels à la libéralisation.

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1 Commentaire
  1. severy

    À l’Est, rien de nouveau. Zheng sera probablement critiqué, sinon plus… Il n’est pas séant de remettre l’autorité du Parti en question, que celui-ci patauge dans l’erreur et se refuse à l’admettre ou non. Le Parti fera tout ce qui est en son pouvoir pour se maintenir au pouvoir, on l’a vu bien souvent. N’oublions pas que « l’Orient est rouge » du sang de ceux qui s’y sont courageusement opposés depuis la guerre civile, il y a près d’un siècle.

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