Le Vent de la Chine Numéro 3 (2019)

du 21 au 27 janvier 2019

Editorial : Nouvelles lunaires

Un grognement porcin lointain le rappelle : le Nouvel An lunaire s’en vient, sous le signe du Cochon. A telle occasion, l’Etat ne manque pas de saupoudrer sa presse de nouvelles insolites et joyeuses, pour égayer le peuple et le distraire de ses soucis.

Parlant de Lune, on nous informe du dernier succès de Chang’e-4, la mission atterrie début janvier sur son pôle sud, inhabitée mais néanmoins dotée d’organismes potentiels. Une mini-serre étanche a été installée sur sol lunaire, sous atmosphère confinée, contenant une série de graines et d’œufs de moucherons. Or 15 jours plus tard, un responsable de la mission annonce la germination des semences de coton.

Cette réussite s’est avérée éphémère : la jeune pousse n’a tenu que 48h—fauchée sans doute par la glaciation féroce des nuits sélènes. N’empêche, c’est un premier pas vers la conquête d’un écosystème autonome sur notre satellite, et les quatre prochaines missions de la série, cette année, poursuivront ces explorations, surtout au pôle sud lunaire, en prélude à la construction d’une base permanente « ouverte à d’autres nations ». Le coût d’une telle mission est évalué autour de 100 millions d’euros, à « un kilomètre de métro ». Parmi les technologies qui seront testées, figurera l’impression en 3D, moyen possible de construction de la station. Aujourd’hui, la mission est au repos pour 15 jours d’obscurité complète. A son réveil, Yutu-2 (le char lunaire) reprendra sa piste exploratoire vers le nord-ouest (lunaire) !

Un autre site inattendu de culture maraîchère est la prison de Qincheng (cf photo), au nord de Pékin, au pied des monts Yanshan. Le jardinier n’est autre que Zhou Yongkang, qui durant 10 ans, fit trembler la moitié du pays comme redouté maître de toutes les polices de l’empire. En prison à vie pour « corruption », il est l’un des « tigres » les plus notoires, dont le Président Xi Jinping avait juré de débarrasser la Chine. Zhou se partage l’endroit (mais non la cellule) avec d’autres condamnés célèbres, tels Wang Lijun l’ex-chef de police de Chongqing, et Bo Xilai, qui fut le patron absolu de cette même métropole. Gu Kailai, l’épouse de Bo, condamnée à la perpétuité pour l’assassinat d’un homme d’affaires britannique avec la complicité de Wang, purge sa peine un peu plus loin à Yancheng.

Tous sont placés sous la férule plutôt douce (selon la presse chinoise) du ministère de la Sécurité Publique. C’est une exception à l’entièreté de la population carcérale chinoise, qui relève du ministère de la Justice. Pour cette poignée de prisonniers célèbres, les cellules font 16m², et ils ont droit à des loisirs, tel le jardinage ou la calligraphie, passe-temps de Bo et de Wang. Dispensé de tenue à rayures, Bo porte les costumes de drap anglais du temps de sa gloire. Wang, lui, polit son anglais – il pourrait s’en servir, à sa sortie en 2027.

La dernière nouvelle est moins réjouissante. Depuis Tallinn (Estonie, ex-république soviétique), la firme HackenProof vient de détecter une base de données chinoise non protégée, qui abritait les CV complets et précis de 202 millions de demandeurs d’emplois chinois. Bob Diachenko, l’enquêteur-chef, n’exclut pas que l’inquiétante compilation ait pour auteur  un portail de recherche d’emplois comme BJ.58.com.

Ce dernier nie, et propose une autre explication : les CV auraient été grappillés sur divers sites de services exigeant à l’entrée l’identité des clients, tel 12306.com, le très populaire portail de réservation des chemins de fer chinois, ou Huazhu, qui gère des milliers d’hôtels à travers le pays. Une fois dévoilée par HackenProof, la base de données a disparu de son hébergement sur le cloud d’Amazon—après avoir été copiée au moins 12 fois. Mieux que des grands discours, cet incident dévoile le manque de protection des données privées des citoyens chinois.


Politique : Après le Canada, la Pologne – la fièvre Huawei

Depuis quelque temps déjà, sur divers sujets, le torchon brûle entre Chine et Canada. En décembre 2017, à l’aube d’entamer les négociations pour un traité de libre-échange, Pékin renonçait, citant l’« arrogance » d’Ottawa.

Plus récemment, en décembre 2018, le Canada mettait de l’huile sur le feu en interpellant à Vancouver Meng Wanzhou, la directrice financière de Huawei et fille du PDG fondateur  Ren Zhengfei, sur demande de la justice américaine, fondée sur un traité d’extradition. Ottawa n’avait donc pas le choix, d’autant moins qu’en ce pays démocratique, la séparation des pouvoirs judiciaire et exécutif est respectée comme un dogme intangible. Mais la Chine considère les gouvernements responsables de leurs actes. Depuis lors, elle faisait donc inquiéter au moins 13 ressortissants canadiens sur son territoire.

Robert Schellenberg était arrêté depuis 2014 pour trafic de drogue. Le 20 novembre 2018, il était condamné à 15 ans de prison. Un malheur n’arrivant jamais seul, il avait fait appel – sans prévoir qu’adviendrait ce énième orage entre les pays. Depuis, le procès en appel a été rondement expédié, le condamnant cette fois à la peine capitale « vu la gravité de son crime ». Le Canada s’opposait au verdict, du fait que le pays est contre la peine de mort. Le 1er ministre canadien Justin Trudeau intervint, plaidant la  « clémence ». De ce fait, entre ces pays, rien ne va plus, d’autant que parmi les autres Canadiens inquiétés depuis, figure un diplomate de carrière en disponibilité, Michael Kovrig, arrêté sous la vague allégation d’ « activités nuisant à la sécurité nationale ». Après quelques semaines d’hésitation, Ottawa finit par convoquer l’ambassadeur de Chine (16 janvier) : il lui rappelle que son cadre est couvert par l’immunité diplomatique, et exige le respect de la Convention de Vienne : Pékin doit soit l’expulser, soit réclamer la levée de son immunité—que Ottawa refusera.

Depuis Pékin, un porte-parole répond par des sarcasmes. De son côté, depuis Ottawa, Lu Shaye l’ambassadeur de Chine, réplique en accusant le pays à la feuille d’érable,  de « poignarder la Chine dans le dos » en arrêtant Meng, et tente de dissuader le Canada d’isoler la Chine à l’imminent sommet de Davos (22-25 janvier). Ce serait pour la Chine une nouvelle perte de face, qu’elle veut à tout prix éviter. 
Sous l’ouragan, le Canada recommande à ses ressortissants d’éviter tout voyage en Chine et enjoint ses expatriés à la « plus grande prudence ». Œil pour œil, Pékin rétorque en avertissant ses citoyens contre les risques de « détention arbitraire » outre Pacifique. 

Ce dérapage en dehors de tout usage diplomatique et droit international, permet de supposer qu’en cas de libération de Mme Meng, les Canadiens emprisonnés recouvreraient leur liberté, et que la condamnation à mort serait commuée.

De façon étrange et remarquable, éclate à des milliers de kilomètres du Canada et de la Chine, une autre affaire inquiétante : à Varsovie le 11 janvier, la justice polonaise annonçait l’arrestation trois jours plus tôt de Wang Weijing, directeur commercial de Huawei en Pologne. Ancien employé au consulat chinois de Gdansk (de 2006 à 2011), Wang est accusé d’atteinte à la sécurité de l’Etat, en même temps qu’un ancien espion polonais, employé de la filiale polonaise d’Orange, le groupe français de télécommunication.

La Chine exprime sa rancœur  – selon le Global Times, la Pologne « doit payer » et Pékin « faire comprendre au monde que la Pologne est complice des Etats-Unis ».

Très vite alors, l’affaire s’obscurcit. Soucieux de son image, Huawei licencie Wang à peine arrêté : renonçant à innocenter son employé, il clame n’avoir aucune responsabilité dans ses agissements illégaux. Le gouvernement polonais corrobore, affirmant que Wang n’a pas été arrêté pour des agissements commandés par son entreprise. Mais au même moment, Varsovie prend cette initiative contradictoire de demander aux pays occidentaux de combattre avec lui les menaces extérieures d’espionnage cybernétique.

La situation est complexe, du fait d’un conflit d’intérêts au sein de l’Etat polonais. D’une part, un « tropisme » chinois en ce pays, nourri par son passé récent de satellite de l’URSS, en fait une base privilégiée d’investissements chinois dans le cadre du plan BRI, des « nouvelles routes de la soie ». Ainsi, Huawei a fait de la Pologne son QG pour l’Europe de l’Est et du Nord. De même, la Chine anime le groupe « 16+1 » de nations plus ou moins eurosceptiques, dont 11 membres de l’Union Européenne. Ce cercle d’influence, sustenté par quelques projets d’infrastructure, lui permet d’exercer au sein de l’UE un efficace veto sur tout sujet allant contre ses intérêts.

Mais d’autre part, l’arrestation de Wang Weijing suggère que l’espionnage cybernétique chinois exerce déjà en Pologne un pouvoir de nuisance suffisant pour justifier une intervention médiatique, au risque de compromettre les espoirs des deux bords : pour Varsovie, récolter des emplois et infrastructures, et pour Pékin, diviser l’UE.

Quel lien faire entre les dégradations des relations chinoises avec ces deux pays ? En filigrane, un enjeu est l’émergence d’une nouvelle technologie de télécoms 5G, qui promet des applications en rupture complète avec tout ce que le monde connaît aujourd’hui. Huawei est un leader de la 5G – en concurrence avec les groupes américains. Depuis 2018, les Etats-Unis et un nombre de pays alliés tels Australie, Royaume-Uni… ou Canada bannissent la technologique 5G de Huawei, citant des risques d’espionnage. C’est ainsi qu’au Canada comme en Pologne, le groupe Huawei, indirectement, endommage la confiance envers la Chine. Malheureusement pour elle, cette dernière ne semble pas être sensible à cet aspect des choses. Avec Liu Zhifan


Economie : Le train peine en côte

L’économie se met à tousser. La ville de Canton manque son objectif de 7,5% de croissance de son PIB en 2018, 1 point de moins qu’attendu. Et pour 2019, les perspectives sont moroses : sur 12 municipalités ou provinces ayant publié leurs prévisions de croissance, 8 réduisent leurs objectifs. Le Xinjiang en tête, 5,5% contre 7% en 2018. En tant que capitale, ne pouvant se permettre un repli si calamiteux, Pékin retranche 0,5%  à l’objectif, à 6%. Mais le maire Chen Jining se demande comment mener l’intégration de la grande région 京津冀 « Jing-jin-ji » (Pékin-Tianjin-Hebei), le transfert de la mairie à Tongzhou, le chantier des JO de 2022, les festivités du 70. ème anniversaire de la R.P. de Chine, avec un budget tronqué de 5%.
Le commerce extérieur s’est mieux comporté (+12,9% d’import, +7,1% d’export), grâce à un bon début 2018 et aux commandes anticipant la guerre commerciale. Mais l’embellie n’a pas duré : en décembre, l’export a reculé de 4,4% et l’import, de 7,6%… Les ventes automobiles ont aussi accusé le coup, avec –6% en 2018— le premier déclin depuis 28 ans.

Et encore, la crise aurait mordu davantage, si l’Etat n’avait permis aux banques de mitiger l’effet des rétorsions américaines, en injectant pour 2400 milliards de $ de prêts, +13,5% par rapport en 2017. Ce mois-ci, obéissant au Premier ministre Li Keqiang, la Banque Centrale abaissait les réserves des banques (5. ème coupe depuis janvier 2018), débloquant pour 220 milliards de $ de prêts aux PME. Mais l’Etat veut éviter de dépanner l’économie et les conglomérats par l’octroi d’un méga-stimulus, comme il l’avait fait en 2008.
L’idée est d’agir par coupes fiscales, estimées par J.P.Morgan à 300 milliards de $, soit 1,2% du PIB, un volume amélioré par 29 milliards de $ d’allègement au bénéfice des PME.

En même temps pourtant, stabilité sociale oblige, Pékin maintient les chantiers d’infrastructures : 125 milliards de $ iront en 2019 à 6800 km de nouvelles lignes ferroviaires (3200 km en TGV), 9 lignes de métro ou lignes péri-urbaines à Shanghai, et 8 à Wuhan. Suivront trois aéroports en Mongolie Intérieure, Shaanxi, Jiangsu et Hubei, pour 15 milliards de $, et un barrage à 4,6 milliards de $ sur la rivière Jinsha (Sichuan).

Pékin se soucie aussi de relancer la consommation, qui chutait en 2018 de 95 milliards de $ par mois à 17 milliards en novembre. Sont annoncées des subventions à l’achat d’électroménager, de voitures (dans les campagnes), et de véhicules électriques (NEV). Au Hebei, les édiles envisagent de booster la consommation, en offrant aux fonctionnaires leur vendredi après-midi. Le plan ne fait pas l’unanimité, dénoncé comme un énième privilège aux ronds-de-cuir, au préjudice des simples citoyens !


Politique : Deux voix (peut-être pas si) solitaires

Alors que l’économie tousse et que le fantôme de la récession plane, plusieurs voix s’élèvent contre la ligne toujours plus rigide du pays.
Lors d’un séminaire le 16 janvier à Pékin, Hu Deping (cf photo), fils du leader réformiste Hu Yaobang, explique la chute de l’URSS par deux « erreurs fatales » : s’être laissée enfermer jusqu’au bout dans un « pouvoir politique hyper-centralisé » et un « système économique rigide ». Pour éviter le même sort, précise t-il, la Chine devrait « apprendre de ces erreurs ». 

Dix jours plus tôt, depuis son université Beida, le professeur Zheng Yefu postait sur internet une tribune audacieuse invitant le PCC, après 70 ans, à « quitter pacifiquement la scène de l’histoire ». Libéral affirmé, Zheng critiquait dès 2014 l’école chinoise, lui reprochant d’avoir reçu depuis 1949 « un milliard d’élèves, sans inspirer le moindre prix Nobel » (c’était vrai à l’époque). Un tel bilan était censé établir la preuve de son « incapacité à soutenir la créativité ». À présent, Zheng affirme que ces sept décennies de gouvernance socialiste n’auraient « jamais profité au peuple ». La reprise d’une réforme politique par un désengagement progressif du parti unique, serait indispensable pour contrer l’exacerbation de problèmes sociaux « ayant franchi le point de non retour », l’abus rampant de pouvoir, la justice déficiente et le malaise économique.
Tombant en pleine guerre commerciale avec les USA et en début de panne de la croissance, ces messages sont profondément dérangeants pour le pouvoir : nombre d’intellectuels peuvent partager une telle analyse en privé. Le moment du passage à l’acte de Zheng n’est pas insignifiant, 20 jours  après le 40ème anniversaire de la politique d’ouverture de Deng Xiaoping (18 décembre). Aujourd’hui bien peu d’intellectuels chinois peuvent encore se bercer des promesses sans cesse réitérées par la direction du pays, de  relance de la politique d’ouverture et de privatisation économique. Le 29 décembre, une centaine d’académiciens postaient un papier collectif reflétant leurs doutes sur la sincérité des promesses du régime en ce sens.
Qu’adviendra-t-il de Zheng Yefu ? Sans tarder le 15 janvier, Wang Huning, le tsar de l’idéologie, enjoignait les universités à suivre la ligne du Parti et de son « noyau » Xi Jinping—à mettre de l’ordre en leur sein. La ligne tout juste réaffirmée est claire : discipline et loyauté autour des mots d’ordre du sommet, sont plus importants que la relance de l’initiative privée et les appels individuels à la libéralisation.


Petit Peuple : Jiangxi – Les facétieux raticides (1ère Partie)

Depuis des millénaires, le paysan chinois élimine ses vermines, en les mangeant. Chez lui, grillons et sauterelles, mulots et souris passent au wok, pour sauver sa récolte, tout en se délectant de protéines excellentes pour la santé et d’arômes naturels. Au Jiangxi, il va un pas plus loin en faisant l’élevage d’un rat, nourri au bambou, parfumant sa chair d’une saveur subtile, tirant vers certains thés verts. Bientôt hélas, victime de son succès, l’éleveur se trouve en proie à la surproduction et à la concurrence, aux prix qui s’effondrent. Et comme un malheur n’arrive jamais seul,   s’abat alors sur lui l’antique phobie des hommes vis-à-vis du muridé, la répulsion à consommer la viande d’une espèce ennemie de l’homme, vicieusement mordante et vecteur de la peste. Alors, le péril est grand pour nos éleveurs, de subir en plus de la mévente, l’interdiction de leur business sous prétexte de protection de la salubrité publique.

Heureusement, l’engeance rurale du Jiangxi a trouvé la parade : son exceptionnelle résilience l’a incité à se battre, à tâter de toutes les méthodes pour s’adapter et résister. La rage de survivre a conduit ses pas, ainsi que l’obsession permanente de se réinventer, avec toute l’énergie et l’imagination de qui n’a plus rien à perdre.

Voilà pourquoi à Ganzhou (Jiangxi), en 2018 sur Bilibili.com, un des populaires sites de streaming en direct pour particuliers, Liu et Hu, frères jumeaux, agriculteurs de 29 ans se sont lancés dans une émission hebdomadaire intitulée « les sublimes jumeaux paysans » (华农兄弟). D’épisode en épisode, ils prétendent raconter leur existence d’éleveurs de rats des bambous.

C’est bien sûr pour faire la promotion de leur élevage, mais aussi un peu plus. Chaque histoire met en scène un scénario récurrent : le rat présenté, doit être mangé ! Et pour ce faire, les auteurs privilégient systématiquement l’argument boiteux, menteur, moralement incorrect. Et par un tel procédé, les frères Liu et Hu dépassent de très loin leur objectif : il ne leur a pas fallu plus de quelques mois pour entrer dans le top 10 du streaming de la toile chinoise.

Chaque lundi donc, pour le nouvel épisode, le tandem lève son rideau, Hu à la caméra, jouant du zoom et multipliant les plans pendant que Liu pérore et improvise autour du thème préparé. Mais d’avance, le public sait à quoi s’en tenir, grâce au hashtag #100raisonspourmangerlesratsdesbambou. En effet, quelle que soit l’entrée en matière, le final est invariablement le même, suivant un comique de répétition.

D’abord montré actif et frétillant, un pauvre petit rat disparaît de l’angle de vue, le temps d’être abattu et découpé. La caméra reprend du service pour filmer la préparation culinaire, puis la dégustation, qui prend invariablement des allures de gloutonnerie, souvent épicée d’un zeste de sadisme : c’est « 吃鼠不吐骨头 » (chīrén bù tǔ gǔtóu), « avaler le rat sans recracher les os », accompagné du petit commentaire.

La scène peut durer de quelques dizaines de secondes à quelques minutes, selon le scénario.

Ici, prétend le présentateur, le raton n’a plus rien eu à manger depuis trois jours – il a faim, et même froid (ou bien chaud, selon la période de l’année). Il souffre donc terriblement, le pauvre petit ! Pour des humains au grand cœur, il est urgent, crucial de venir à son secours. En bon samaritain, Liu veut tempérer ses souffrances. Il épanche son cœur, affiche la compassion envers le petit animal, et hop, soudain il le gobe, n’en faisant qu’une bouchée : « c’est, conclut-il, la seule manière de mettre fin à ses souffrances ».

Un autre lundi, Liu présente un rat pas trop grassouillet. Suit une longue diatribe sur le coût astronomique et en pleine explosion du bambou—qu’il ne paie pourtant pas, allant l’abattre à la machette dans la colline voisine : « cet animal est vraiment ruineux à nourrir, pérore le jumeau : je ne peux me permettre de le nourrir davantage ». Et il le mange !

Une autre fois, la sentence de mort est donnée parce que le rat « a trébuché et s’est fait mal au ventre » : tous les coups sont permis.

Lundi dernier, Liu en soulevait un par la queue comme toujours (pour éviter les coups de dents, qui semblent redoutables), un raton obèse : « cette femelle mange pour compenser sa solitude : elle attend depuis si longtemps son fiancé, que nous avons mangé la dernière fois. Elle est inconsolable, et comment faire pour agréger sa douleur ? vous l’avez deviné… ». Et hop ! Prenant l’animal par la queue pour le faire balancer comme un pendule, d’un coup de dent, il lui sectionne la tête – la malheureuse était déjà cuite !

Une autre fois, Liu nous présente un rat presque aussi gros qu’un chat : « savez-vous comment il a fait, celui-ci, pour accumuler tant de graisse ? Et bien, il a vendu à ses copains dans la cage, des places au soleil. En échange, ils lui ont cédé une part de leur ration de bambou… Vous voyez, c’est un rat corrompu : donc, je le punis ! » Et Liu d’ouvrir un large bec, où il laisse tomber sa proie, laissant la moitié de la Chine ébahie et l’autre morte de rire, tandis que la censure trouve sage de fermer les yeux sur l’impertinence…

Après tout, la Chine profonde, comme tout le monde, a besoin d’un peu d’exutoire, et à ses misères, le rire est le meilleur remède ! 

Suite de la saga raticide, la semaine prochaine…


Rendez-vous : Semaine du 21 au 27 janvier 2019
Semaine du 21 au 27 janvier 2019

22-25 janvier Davos (Suisse) Sommet du World Economic Forum avec la présence du vice-président Wang Qishan, sur le thème de la « Globalisation 4.0 ».