Editorial : La Chine et ses autres soucis

La Chine n’a pas que son bras de fer avec Washington comme souci. 

Au Xinjiang, un million de Ouighours (10% de l’ethnie musulmane) est confiné en centres de formation professionnelle, pour les purger des tentations séparatistes et extrémistes. Sur cette pratique rappelant les camps de rééducation d’hier, la réprobation faisait son chemin – surtout en Occident, le monde arabe se taisant au nom de ses bonnes relations avec la Chine. Inquiète de son image, Pékin entame un mini-pas en arrière. Fin décembre, des diplomates de 12 pays (dont Russie, Inde, Thaïlande, Malaisie, et certains pays en –stan) étaient invités au Xinjiang. Devrait suivre un groupe d’experts de l’ONU. Dans un camp, ils ont vu des détenus en bonne santé, chanter pour eux en anglais, et dire leur soulagement d’avoir été « libérés de toute pensée extrémiste ». Shohrat Zakir, gouverneur du Xinjiang a promis qu’au fil du temps, les pensionnaires du mécanisme d’éducation formatrice, seraient moins nombreux. Dont acte !

En voie de perdre sa bataille démographique, la Chine fait ses comptes. Avec un taux de natalité en baisse de 3,5% en 2017, peut-être moindre en 2018, elle atteindra son pic à 1,442 milliard d’âmes en 2029, selon le Livre vert de la population et du travail de l’Académie des Sciences Sociales (CASS). En 2050, elle retomberait à 1,36 milliard, puis en 2065, à 1,17 milliard.

Surtout, le nombre des personnes âgées va décoller de 240 millions en 2018 à 400 millions en 2035. Selon la CASS, « d’un point de vue théorique, le déclin démographique à long terme, et un vieillissement constant, ne pourront qu’entraîner de graves complications socio-économiques ». Pour autant, Pékin n’a pas dérégulé à 100% le droit à procréer (mais s’apprête à le faire). Les foyers restent limités à deux enfants par couple. Le plus souvent d’ailleurs, ils préfèrent en rester à un seul héritier, en raison des coûts prohibitifs d’élever un enfant. Le goût des familles nombreuses leur a passé, et c’est définitif !

Autre problème de fond : experts et membres du Parti suivent de près la succession de Xi Jinping. Dès 2017, le n°1 du Parti avait fait son choix en omettant de présélectionner un ou plusieurs candidats à son remplacement à l’issue de son second quinquennat en 2022, puis en 2018, en faisant rayer de la Constitution la limite de deux mandats. A présent, des cadres de la « 7ème génération » (nés dans les années 70) apparaissent, à adouber en 2027. Ils sont à la manœuvre en province. Le plus jeune, Yang Jingbo (45 ans), est vice-président du gouvernement local du Guangxi. Liu Jie et Shi Guanghui (48 ans) sont au Guizhou. Zhuge Yujie, (47 ans) est à Shanghai à la tête du Comité municipal du Parti. Si le scénario tient, la « 6ème génération » aura été privée du pouvoir par la prolongation de la « 5ème génération », celle de Xi Jinping.

Pour conclure, deux faits insolites :

– avant l’Afrique du Sud qui s’y était mise en 2014, et l’Ouganda qui s’y prépare, le Kenya s’apprête à enseigner en primaire le mandarin dès 2020 —avec une forte aide pédagogique de la Chine. C’est autant pour aiguiller sa jeunesse vers les opportunités d’avenir qu’offre la Chine, que pour s’allier avec une des principales aides au développement du continent noir ;

– à Wuhai, (Mongolie Intérieure), Chen Wenku, haut cadre de 58 ans, est destitué. Dans une annexe de sa salle de bain dernier cri, on a retrouvé près de 40 millions de yuans en billets. Le procès a eu lieu le 29 novembre—on attend toujours le verdict. Mais le fait est là pour nous suggérer qu’après six années de campagne contre la corruption, la Chine n’a toujours pas trouvé la parade contre ce fléau—et que la  « tolérance zéro »  n’est peut-être pas la panacée universelle.

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1 Commentaire
  1. severy

    Dans un siècle, au milieu des ruines d’une ancienne métropole, au moment où le soleil brun se couche dans d’épais voiles de carbone et de soufre, parmi les squelettes de voitures calcinées et les murs de béton effondrés, un vieux masque à gaz percé sur le visage émacié et tenant une branche de bois desséchée, dans un dernier rictus et un râle qui se perd doucement dans le vent et le silence, le dernier homme sera-t-il chinois?

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