Le Vent de la Chine Numéro 2 (2019)

du 14 au 20 janvier 2019

Editorial : La Chine et ses autres soucis

La Chine n’a pas que son bras de fer avec Washington comme souci. 

Au Xinjiang, un million de Ouighours (10% de l’ethnie musulmane) est confiné en centres de formation professionnelle, pour les purger des tentations séparatistes et extrémistes. Sur cette pratique rappelant les camps de rééducation d’hier, la réprobation faisait son chemin – surtout en Occident, le monde arabe se taisant au nom de ses bonnes relations avec la Chine. Inquiète de son image, Pékin entame un mini-pas en arrière. Fin décembre, des diplomates de 12 pays (dont Russie, Inde, Thaïlande, Malaisie, et certains pays en –stan) étaient invités au Xinjiang. Devrait suivre un groupe d’experts de l’ONU. Dans un camp, ils ont vu des détenus en bonne santé, chanter pour eux en anglais, et dire leur soulagement d’avoir été « libérés de toute pensée extrémiste ». Shohrat Zakir, gouverneur du Xinjiang a promis qu’au fil du temps, les pensionnaires du mécanisme d’éducation formatrice, seraient moins nombreux. Dont acte !

En voie de perdre sa bataille démographique, la Chine fait ses comptes. Avec un taux de natalité en baisse de 3,5% en 2017, peut-être moindre en 2018, elle atteindra son pic à 1,442 milliard d’âmes en 2029, selon le Livre vert de la population et du travail de l’Académie des Sciences Sociales (CASS). En 2050, elle retomberait à 1,36 milliard, puis en 2065, à 1,17 milliard.

Surtout, le nombre des personnes âgées va décoller de 240 millions en 2018 à 400 millions en 2035. Selon la CASS, « d’un point de vue théorique, le déclin démographique à long terme, et un vieillissement constant, ne pourront qu’entraîner de graves complications socio-économiques ». Pour autant, Pékin n’a pas dérégulé à 100% le droit à procréer (mais s’apprête à le faire). Les foyers restent limités à deux enfants par couple. Le plus souvent d’ailleurs, ils préfèrent en rester à un seul héritier, en raison des coûts prohibitifs d’élever un enfant. Le goût des familles nombreuses leur a passé, et c’est définitif !

Autre problème de fond : experts et membres du Parti suivent de près la succession de Xi Jinping. Dès 2017, le n°1 du Parti avait fait son choix en omettant de présélectionner un ou plusieurs candidats à son remplacement à l’issue de son second quinquennat en 2022, puis en 2018, en faisant rayer de la Constitution la limite de deux mandats. A présent, des cadres de la « 7ème génération » (nés dans les années 70) apparaissent, à adouber en 2027. Ils sont à la manœuvre en province. Le plus jeune, Yang Jingbo (45 ans), est vice-président du gouvernement local du Guangxi. Liu Jie et Shi Guanghui (48 ans) sont au Guizhou. Zhuge Yujie, (47 ans) est à Shanghai à la tête du Comité municipal du Parti. Si le scénario tient, la « 6ème génération » aura été privée du pouvoir par la prolongation de la « 5ème génération », celle de Xi Jinping.

Pour conclure, deux faits insolites :

– avant l’Afrique du Sud qui s’y était mise en 2014, et l’Ouganda qui s’y prépare, le Kenya s’apprête à enseigner en primaire le mandarin dès 2020 —avec une forte aide pédagogique de la Chine. C’est autant pour aiguiller sa jeunesse vers les opportunités d’avenir qu’offre la Chine, que pour s’allier avec une des principales aides au développement du continent noir ;

– à Wuhai, (Mongolie Intérieure), Chen Wenku, haut cadre de 58 ans, est destitué. Dans une annexe de sa salle de bain dernier cri, on a retrouvé près de 40 millions de yuans en billets. Le procès a eu lieu le 29 novembre—on attend toujours le verdict. Mais le fait est là pour nous suggérer qu’après six années de campagne contre la corruption, la Chine n’a toujours pas trouvé la parade contre ce fléau—et que la  « tolérance zéro »  n’est peut-être pas la panacée universelle.


Diplomatie : La guerre de Trump aura-t-elle lieu ?

À quelques semaines de la fin de la trêve décrétée par D. Trump à un conflit commercial ravageur, c’est dans une ambiance inespérée que s’est ouverte la première ronde de palabres de 2019 entre Chine et USA le 7 janvier à Pékin, avec deux surprises de taille. Le sommet devait se tenir à petit niveau, dirigé par les n°2 des ministères du Commerce Jeffrey Gerrish et Wang Shouwen. Mais contre toute attente, apparaissait Liu He, bras droit de Xi Jinping – c’était l’indice d’un désir chinois d’aboutir. De plus le meeting qui devait finir le 8 au soir, s’est prolongé de nuit pour reprendre le 9 janvier : il s’acheva sans accord officiel, mais avec des mines réjouies. La partie américaine évoquait une « très bonne session », et la chinoise cita un débat « ayant jeté les bases d’une résolution des problèmes ».

La mission américaine était solide, composée d’experts, tel Greg Doud, chef des dossiers agricoles fédéraux, Gilbert Kaplan sous-secrétaire au Commerce, ou David Malpass sous-secrétaire au Trésor : des professionnels sérieux et non polémiques, venus pour faire avancer les dossiers.  Gerrish quoique jusqu’à présent dans l’ombre, a la réputation d’un homme « fort et dur en affaires ».

En face, l’équipe chinoise n’était pas moins aguerrie, ni moins étoffée – face aux 50 américains, elle alignait 100 experts et diplomates des différents ministères, sous la direction du vice-ministre du Commerce Wang Shouwen. Très apprécié pour son niveau d’anglais, son style concis et sa connaissance des dossiers, il est depuis 2018, la cheville ouvrière des négociations avec les USA. Entre les personnalités des chefs de délégation et leur rang, un parallèle précis est discernable, qui reflète évidemment un scénario de sortie de crise voulu par les deux bords : Gerrish dépend de Robert Lighthizer (l’oreille directe de Trump), et Wang Shouwen rend compte à Liu He (proche de Xi). Cette « voilure » des délégations permettait de discuter, sans décider. Le 9 janvier au soir, les porte-paroles annonçaient de concert l’intention de faire rapport et prendre les consignes pour la suite.

Pour la suite, deux autres entretiens au sommet sont prévus : l’un en marge du sommet de Davos (22-25 janvier), entre Wang Qishan le vice-président –1er économiste du pays–, et non pas D. Trump, qui s’est désisté (« shutdown » oblige), mais un autre très haut personnage. L’autre à Washington (30-31 janvier), entre Liu He et Lighthizer, voire Steve Mnuchin

Probablement, des obstacles sectoriels demeureront : il restera alors un mois pour tenter de les aplanir, avant la date fatidique du 1er mars où, faute d’agrément, Trump ferait passer sous une taxe unique de 25% les 450 milliards de $ d’exportations chinoises, lançant ainsi durablement les deux puissances dans une guerre commerciale qu’aucune des deux ne peut se permettre.

Sous cette perspective, il faut noter que sous l’effet des sanctions américaines déjà en place, selon Caixin, la croissance des exportations chinoises rapetissera de 11% à 2018 à 5,6% en 2019. Mais en cas d’une nouvelle vague de rétorsions, elle ne fera que réduire davantage, grillant plusieurs points de croissance du PIB. 

Dans un communiqué, le représentant américain au Commerce décrit l’enjeu : « une poussée pour forcer des changements structurels nécessaires, sur les transferts forcés de technologies, la protection de la propriété intellectuelle, les barrières non tarifaires, les intrusions cybernétiques, le vol de secrets commerciaux à des fins commerciales, les services et l’agriculture ».

Il s’agit aussi de résorber le déséquilibre des échanges : en 2018, en dépit de leurs sanctions, les Etats-Unis souffraient d’un déficit commercial record de 400 milliards de dollars. En pratique, leurs entreprises se retrouvaient – comme toutes celles étrangères – barrées des juteux marchés publics chinois, et voyaient leur accès fortement limité à une dizaine de secteurs « piliers stratégiques », dans l’énergie, les télécoms, l’internet. Enfin et surtout, le piratage systématique chinois des secrets d’affaire et le transfert forcé de technologies américaines étaient encouragés par Pékin, dans le cadre du programme « Made in China 2025 ». D’ici cette date, Xi Jinping veut voir son pays rattraper tout retard technologique sur les pays occidentaux.

Avant cette rencontre du 7-9 janvier, de nouvelles concessions –secrètes– ont été déposées par la partie chinoise, et Trump lui-même prétend que l’heure était à l’esprit d’ouverture – le frein des sanctions à l’économie chinoise, peut inspirer Pékin au compromis. La Chine a recommencé à acheter du soja américain, et a baissé la taxe sur les automobiles importées, de 40% à 15%. Son projet de loi sur les investissements étrangers prétend mieux protéger les brevets, et sa loi du « e-commerce », entrée en vigueur au 1er janvier, permet au consommateur chinois d’acheter davantage sur les sites internet étrangers.

Cependant, un aspect fondamental de la démarche américaine, consiste à exiger a priori la mise en place d’un système de vérification en temps réel des promesses chinoises, y compris certaines déjà anciennes, faites avant l’entrée à l’OMC, et depuis, jamais tenues. De même, il s’agit d’imposer à la Chine un changement radical de gouvernance. Plus question de laisser l’ouverture du marché ou l’interdiction de confiscation de technologie, à un simple règlement et au bon vouloir du fonctionnaire : ces nouvelles dispositions doivent être inscrites dans une loi contraignante.

À bien y regarder de près, cette équité en affaires et cette vérification des promesses chinoises, c’est ce que USA et Europe réclament depuis 20 ans. La Chine commence à y prêter attention, sous la contrainte. Et il a fallu un Trump, pour atteindre tel résultat !


Santé : Quanjian, malade sans remède

Semelles orthopédiques pour cardiaques, serviettes iodées anti-cancer de la prostate… L’inventaire des produits de Quanjian (权健), le groupe géant de Tianjin, est long comme le bras. Jusqu’à hier, ils se vendaient comme des petits pains, lui valant 2,6 milliards de $ de revenu en 2018. Fondé en 2004, le conglomérat avait su attirer 7000 salons franchisés à travers le pays, tout en rachetant toutes sortes d’actifs – hôtels, écoles, centres hippiques, même le club de foot de la ville, rebaptisé Tianjin Quanjian. Reconnu en Chine comme l’inventeur d’une certaine thérapie par le feu (火疗), son PDG-fondateur Shu Yuhui, était au firmament, membre depuis 12 mois, de la CCPPC, l’organe consultatif national.

Tout cela, c’était avant que ne soit révélé le 25 décembre 2018 le cas de Zhou Yang, fillette de 4 ans. Diagnostiquée en 2012 d’une forme rare de cancer, elle avait subi quatre opérations en six mois, 23 séances de chimiothérapie – ce qui avait stabilisé son état. En 2012, Quanjian présenta alors à ses parents paysans un traitement à base de poudre de jujube et d’huile de racine de grémil. Un remède miracle, à condition d’abandonner le traitement prescrit par l’équipe soignante – ils acceptèrent. Très rapidement, Quanjian lança une publicité pour son produit, à l’effigie de la petite malade (cf photo).

Au bout de quatre mois cependant,  Zhou Yang rechuta et dut retourner à l’hôpital début 2013. Le père, dès lors, porta plainte contre Quanjian et coupa tous les liens. Mais ce fut pour constater avec stupéfaction que le groupe poursuivait sa campagne publicitaire à l’image de sa fille, même après son décès en décembre 2015…  Face à Quanjian, groupe capable de s’offrir les meilleurs avocats, le père était débouté par la justice en avril 2015, par « manque de preuves »…

Révélé à présent par le forum médical en ligne DXY.com Docteur girofle », plante de la pharmacopée chinoise), ce scandale déclencha des milliers de réactions indignées, et inspira d’autres dénonciations contre Quanjian.

L’un de ses procédés consistait à recruter des vendeurs à travers la Chine entière, attirés par les profits promis et les primes pour recrutement de tout autre revendeur, moyennant paiement d’un droit d’entrée « pour formation ». Un journal évoquait un cas de thérapie par le feu ayant causé la mort du patient. Lors du procès cependant, Quanjian fut épargné : il n’avait fait que vendre la licence, et c’est le « soignant » qui avait été condamné…

Alertée par le cas de Zhou Yang, la justice de Tianjin, inculpa le groupe pour publicité mensongère et vente pyramidale, une pratique prohibée par la loi du pays. Le 7 janvier 2019, Shu Yuhui et 17 de ses employés furent arrêtés. Pour protéger sa réputation, le club de foot obtint en catastrophe de changer de nom pour celui de Tianjian Tianhai. Le logo du groupe fut retiré des TGV Pékin-Shanghai, et le Bouddha doré ornant le parvis du luxueux hôtel Quanjian de Tianjin fut démantelé sur ordre du bureau local des affaires religieuses, découvrant soudain une infraction aux règlements… A travers le pays, une campagne de 100 jours est lancée, avec comme cible les produits médicinaux aux prétentions mensongères.

Force est de le constater, loin d’être unique en Chine, ce genre d’affaires  foisonne. Telle celle, en 2014, du groupe privé Putian ayant vendu un traitement expérimental à un étudiant atteint d’un cancer, qui l’avait envoyé ad patres en deux ans. Le moteur de recherche Baidu, qui avait publié la publicité du traitement, fut condamné.

De même, début 2018, le groupe de  Mongolie intérieure Hongmao, proposait à prix d’or sa liqueur aux 67 plantes, supposée tout soigner. Un médecin consciencieux constata un danger pour le 3ème âge. Pour avoir osé alerter l’opinion sur ce « poison », il fut incarcéré 100 jours, puis relâché suite au tapage médiatique.

Cette affaire pose la question de la capacité d’un simple citoyen à dénoncer les méfaits de groupes charlatans. Sur le site DXY.com en tout cas, les médecins auteurs du rapport, sont prêts à prendre le risque : signant de leurs vrais noms, renonçant au pseudo, ils se disent prêts à affronter les avocats de Quanjian.

Mais pourquoi de tels scandales récurrents ? Tout d’abord, hôpitaux publics comme cliniques privées, débordés par l’immense demande et en proie à une corruption endémique, déçoivent la population, dont une partie (souvent les plus pauvres, et les moins éduqués) « succombe » à la fausse médecine faute de mieux, à prix exorbitants.

Se pose naturellement la question de la supervision : elle est éclatée en plusieurs branches, et donc inefficace. La CFDA (China Food and Drug Administration) surveille les soins ; la SAIC (State Administration for Industry and Commerce) gère les publicités des soins en hôpitaux publics. Sauf dans le cas où la pub est diffusée à la TV ou sur internet, elle est alors du ressort du MIIT (Ministry of Industry and Information Technology). Divers remaniements ont déjà été tentés par le passé, en 2013 et 2018, sans grand résultat. C’est l’indice qu’il reste beaucoup à faire pour remettre sur les rails ces entreprises dont les produits s’inspirent de la TCM (médecine traditionnelle chinoise). Une telle révision sera probablement déchirante pour l’administration, contrainte à plus de sévérité envers ses industries locales de la santé, les plus chinoises entre toutes.


Société : Blued, ou le grand galop des mœurs

Ce n’est que depuis 2001 que l’homosexualité n’est plus une « maladie mentale » en Chine. En 2010, un chercheur de l’OMS estimait à 40 millions les Chinois homosexuels (同性恋, tóngxìngliàn). Ce chiffre se trouve être aussi celui des membres du site gay Blued, l’application mobile créée en 2012 par Ma Baoli, ancien policier de Qinhuandao (cf photo) qui est devenue depuis le plus grand site de rencontres du monde sur internet. Blued est aussi actif à l’étranger, y comptant 12 millions de ses inscrits. Le site permet de tchatter, partager ses vidéos en live, et de géolocaliser les autres homosexuels du voisinage.

A présent, suite à une enquête de Caixin, Blued fait parler de lui, accusé d’avoir laissé s’inscrire des mineurs (dont les plus jeunes avaient 12 ans). Certains auraient été poussés à consentir à des relations sexuelles avec des adultes, et contracté le Sida. Pourtant, le contrôle du Sida en Chine est plutôt meilleur qu’ailleurs, avec seulement 820.756 séropositifs détectés en juin dernier, 0,1% de la population, un bilan comparable à celui d’Europe. Mais sur les 12 derniers mois, le chiffre avait augmenté de 14%. Sur ces nouveaux malades,  93% avaient été infectés par voie sexuelle, dont 30% par voie homosexuelle. Mais les jeunes homosexuels deviennent actifs toujours plus tôt, et se donnent pour objectif n°1 de s’enregistrer sur l’application. Faisant usage de subterfuges toujours plus ingénieux, ils refusent de se laisser exclure du « club des adultes ».

En réaction à ce scandale, Blued bloquait toute nouvelle inscription pendant une semaine, le temps d’écarter les mineurs mentant sur leur âge, et tout contenu inapproprié – tel des images de poitrines dénudées, de streaming en salle de bain, ou de pieds en chaussettes blanches (considérées comme très suggestives en Chine).

Pourtant, Ma Baoli affirme n’avoir pas démérité, de par son travail d’éveil des groupes à risque, et de prévention du Sida : « Nous sommes probablement les plus avancés du pays en la matière, et en tout cas, ceux qui ont fait le plus ». Sauf que Blued n’est pas habilité par les autorités à vérifier l’identité de ses utilisateurs. Une telle mesure provoquerait sûrement la baisse du nombre d’utilisateurs de Blued, mais protégerait les mineurs, récréant la confiance au sein de la communauté LGBT. 


Corées : Kim Jong-un dans la cour des grands

À bord de son train blindé, invité par  le Président Xi Jinping, le cher leader de Corée du Nord, Kim Jong-un est arrivé à Pékin le 8 janvier, jour de ses 35 ans. Sa 4ème visite en un an, tombait le jour des négociations commerciales sino-américaines dans la capitale.

Côté chinois, on avance que la tenue des deux événements le même jour, est un pur hasard –quoique Kim soit aussi en pourparlers avec Trump pour un sommet, qui serait le second depuis la fondation de la République populaire démocratique de Corée en 1948. En fait, tant pour Xi que pour Kim, cette visite peut être interprétée comme un levier sur les Etats-Unis : si Trump ratait cette réconciliation, il resterait à la Chine l’option d’un retour à une alliance exclusive, notamment quant à la reconstruction future de ce petit pays ruiné, dernier grand chantier vierge en Asie. Conformément à sa personnalité versatile, D.Trump maintient l’ambigüité sur son attitude vis-à-vis de Kim, manifestant une claire méfiance en la sincérité du jeune dictateur qu’il surnommait hier encore « Rocket Man », mais affectant aussi l’amitié chaleureuse et la confiance dans ses chances de mener à bien le désarmement nucléaire de la péninsule.

Durant son heure de rencontre avec Xi, Kim, selon le porte-parole, aurait fait part de son « souci » sur l’impasse de ses négociations avec les Etats-Unis. A son discours du Nouvel an, Kim déclarait que Pyongyang n’aurait « d’autres choix que de se tourner vers d’autres initiatives », si les USA ne tenaient leur promesse d’en finir avec les sanctions contre elle, les exercices militaires avec la Corée du Sud et d’« autres forces étrangères », et d’émettre une déclaration de paix en bonne et due forme, mettant fin à 70 ans d’état de guerre.

Pourtant face à Xi, peut-être sous sa pression, Kim a promis que le meeting déboucherait sur des résultats « répondant aux attentes de la communauté internationale ». Et Kim dès lors, pouvait annoncer la visite de Xi « décidée depuis deux mois ». Durant son séjour, le leader Suprême a visité Tongrentang, groupe historique de TCM de la capitale : la santé est une des pistes explorées par Pyongyang pour diversifier son économie et dire adieu à la « byongjin », politique simultanée de stimulation de l’économie et de course à la bombe, qu’il avait lancée en 2013.

Coïncidence encore ? Ce même 7 janvier, un bâtiment de l’US Navy voguait à quelques encablures des îles Paracels sous contrôle chinois (mais revendiquées par le Vietnam), provoquant une épidermique réaction de mauvaise humeur de la marine chinoise. Loin d’être une maladresse, l’incident semble avoir été calculé, en temps et en lieu, comme réponse de Trump à la visite de Kim à Xi. Comme si la Maison Blanche souhaitait montrer qu’elle avait elle aussi des moyens de pression, et ne se laisserait pas marcher sur les pieds.

Par Liu Zhifan


Petit Peuple : Mianyang (Sichuan)—La liberté d’une trop belle fille (2ème partie)

Résumé de la 1ère partie : trop belle, Jingjing a eu la vie facile. Après une scolarité ratée, elle perd son premier emploi, pour n’avoir pas cédé aux avances du patron…

Congédiée à Mianyang (Sichuan),  Jingjing resta quelques mois repliée sur elle-même, pleine d’amertume, à faire son bilan. Même à supposer qu’elle n’ait plus à souffrir un harcèlement comme celui qu’elle venait de vivre, elle savait désormais que cette vie dans un bureau n’était pas pour elle. Elle ne supporterait plus cette ambiance hypocrite, ces sourires doucereux, ces couteaux dans le dos. Elle était trop fière et spontanée pour cela. Furieuse du tort qu’on lui avait fait, Jingjing en voulait à la société entière. En même temps, elle restait très consciente de ses pouvoirs de séduction, de ses moyens d’en tirer une vie facile : elle était déterminée à s’en servir, au nom de sa vengeance sur les hommes. De plus, il était temps de reprendre l’initiative : elle n’avait plus un sou en poche, et serait bientôt à la rue…

Jingjing alla retrouver deux ex-complices de ses 400 coups du temps du lycée. Ensemble, elles préparèrent leur stratégie, leurs règles du jeu. Pour se rendre moins repérables, elles vivraient séparées, et n’amèneraient jamais les clients chez elles. Tous les soirs, elles iraient chacune dans un nouveau bar, une nouvelle boite, sans y revenir avant au moins un mois. Elles prendraient un client par soir, dans une alcôve – les gars ne demandaient que ça. Plus tard dans la soirée, quand il s’éloignerait, elles verseraient discrètement dans leur verre un somnifère à assommer un bœuf. Quand il serait dans les vapes, elles le soulageraient de son portefeuille, puis s’éclipseraient. Chaque midi, on se retrouverait pour partager le butin, sauf une part qui irait à la banque, pour les mauvais jours.

Les premiers mois, l’équipe eut un succès inespéré. Après le 1er soir, elles se distribuaient à chacune 3000¥. De bar d’hôtel en KTV, elles écumaient ces lieux de solitude masculine, balançaient des œillades à tout va, dansaient, se lovaient dans des bras, commandaient des shots… Tous les soirs, le même scenario se reproduisait : leurs victimes se laissaient plumer sans méfiance.

Elles étaient sans pitié—même si elles savaient que ces pauvres types avaient une épouse, un enfant qui les attendaient à la maison, tandis qu’elles leur fauchaient leur paie. C’était elles ou eux, pas de sentiment ! Les pires des clients, étaient ceux à l’alcool triste, ceux qui s’épanchaient sur leurs épaules et prétendaient les revoir, les épouser. Mais ce n’était pas du tout le sujet ! Jingjing et ses complices savaient bien qu’ils leur mentaient, ou se mentaient à eux-même: s’ils cherchaient vraiment une âme sœur, que faisaient-ils bien là, aux 3/4 saouls à bredouiller des calembredaines ? Pas d’histoire, elles les dérobaient comme les autres…

Les affaires marchaient si bien qu’elles avaient coopté 4 autres filles. La police cependant avait fini par repérer l’existence de leur gang : elle  bouillait sous les plaintes, sans trouver de piste. Prudentes, les filles s’en tenaient à leurs règles, et se gardaient aussi de claquer leur argent au grand jour, au risque de se faire remarquer par un train de vie anormal.

Mais leur chance tourna mi-novembre 2018, quand les inspecteurs reçurent les confessions du milieu. Depuis plusieurs mois, d’autres qu’eux recherchait les filles : une triade locale, furieuse de la concurrence déloyale. Or, cette société de l’ombre était sur la piste. A ce qu’elle savait, les filles étaient sept, et leur cheftaine s’appelait Qingchen Jingjing. En bonne citoyenne, la triade considérait de son devoir citoyen de fournir ces tuyaux à la police—à charge de revanche ! Nantie d’un tel renseignement, les forces de l’ordre pouvaient agir. Le 16 novembre, elles publièrent un avis de recherche, immédiatement répercuté à la TV, sur internet : ça sentait le roussi…

Certes, à la réunion du lendemain, une Jingjing au moral de battante, exhorta ses troupes à ne pas baisser les bras. Il n’y avait qu’à se planquer en attendant des jours meilleurs -après tout, on avait assez d’argent pour tenir cachées le temps de l’alerte. Mais deux des filles, fichées de longue date, avaient plus à perdre que les autres. En se rendant spontanément, elles pouvaient espérer l’indulgence du juge. Lors de leur interrogatoire, donc, elles dirent tout, et jusqu’à l’existence du compte bancaire secret, mettant les gendarmes sur une piste désormais brûlante. Dès lors, toute résistance perdait son sens : Jingjing se rendit à son tour, le 28 novembre dernier, après 12 jours de cavale.

Mais voilà, divine surprise : à peine son arrestation publiée, la toile chinoise tout entière s’émeut pour Jingjing , et s’emballe sur son destin de «  la plus belle fugitive » du pays. On déterre ses images, on retrouve ses parents, ses amis, et toute la Chine ne jure plus que par elle. Voyant sa photos, des hommes, de Harbin à Chengdu, déclarent être volontaires pour se faire plumer par elle. D’autres vont jusqu’à prédire, qu’après avoir purgé sa peine, deux années tout au plus, Jingjing verra se disputer les plus grandes marques, anxieuses de recruter comme mannequin une telle championne, si à la mode, la beauté du diable…

Derrière ses barreaux, Jingjing attend son procès, rassérénée : elle n’a plus la rage au cœur. Ce qu’elle veut à présent, est payer sa dette et réussir dans la vie, cette fois, à la loyale. Maintenant, elle a confiance en son intelligence. Elle veut étudier en prison, conquérir un diplôme. Après tout, elle n’a encore que 19 ans, et tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir. Comme dit le proverbe, « plongé dans la mer amère, il suffit de tourner la tête, pour voir le rivage » (苦海无边,回头是岸 – kǔ hǎi wúbiān, huí tóu shì’àn ) !


Rendez-vous : Semaines du 14 au 27 janvier 2019
Semaines du 14 au 27 janvier 2019

16-19 janvier, Pékin : ALPITECH, Salon international des technologies de la montagne et des sports d’hiver

16-19 janvier, Pékin : ISPO, Salon professionnel international des sports, de la mode et des marques de vêtements à Pékin

22-25 janvier Davos (Suisse), Sommet du World Economic Forum, sur le thème de la « Globalisation 4.0 », avec notamment la présence du vice-président chinois Wang Qishan.