Immobilier : La Chine prête pour une taxe foncière ?

La Chine prête pour une taxe foncière ?

Peu le savent, mais la Chine est l’un des rares pays développés qui n’a pas encore introduit de taxe foncière. Le gouvernement chinois l’envisage depuis de longues années, mais le projet est sans cesse repoussé pour de multiples raisons…  

Pourtant, techniquement parlant, Pékin est désormais en mesure d’imposer une telle taxe, s’il le souhaite. Début avril, le ministre des Ressources naturelles a annoncé la finalisation d’un système d’enregistrement unifié des données immobilières, après dix ans de travail. Depuis 2013, l’Etat a émis plus de 790 millions de certificats de propriétés et enregistré 413 millions de mu (soit 27,5 millions d’hectares) de terres agricoles à travers le pays entier. Mais la Chine est-elle pour autant prête à instaurer une taxe foncière ?

Les experts sont unanimes : la réponse est non. La relance économique n’est pas encore assez solide et le secteur immobilier, qui représentait hier un quart du PIB chinois, n’est pas encore stabilisé, après l’impitoyable campagne de désendettement infligée à ses promoteurs par le gouvernement il y a deux ans. En effet, introduire une taxe foncière pourrait refroidir les éventuels acheteurs, qui se font déjà plutôt rares ces temps-ci.

Jusqu’à présent, seules Shanghai, Chongqing et quelques autres villes ont introduit une taxe foncière à titre expérimental. Seulement, cette dernière ne s’applique qu’aux logements neufs les plus chers ou aux résidences secondaires. Elle reste donc marginale.

En 2021, Pékin s’apprêtait à étendre ce projet-pilote à d’autres villes, mais a finalement abandonné l’idée pour cause de ralentissement économique. Selon Lou Jiwei, ex-ministre des Finances, réputé pour son franc parler, il faudrait absolument étendre ce projet-pilote dès que l’économie aura repris des couleurs. Selon toute vraisemblance, cela n’arrivera pas cette année, plutôt en 2024, avant une introduction à l’échelle nationale en 2026, dans le meilleur des cas.

Mettre en place une taxe foncière présenterait de nombreux avantages. Elle pourrait contribuer à réduire les inégalités de richesses, un objectif qui s’inscrit dans la quête de « prospérité commune » prônée par le Président Xi Jinping, mais aussi à lutter contre la spéculation immobilière, autre cheval de bataille du dirigeant chinois, qui déclarait en 2017 que « les logements sont fait pour y vivre, pas pour spéculer ». Cette taxe apparaît donc s’aligner parfaitement sur le programme politique du leader qui vient d’être reconduit à la tête du pays pour un 3ème mandat.

Autre avantage non négligeable d’une taxe foncière : constituer un revenu stable pour les collectivités locales, notoirement endettées. Deux provinces, le Guizhou et le Yunnan, sont particulièrement dans le rouge et ont récemment appelé publiquement Pékin à l’aide. En cause, l’effondrement des ventes de terrains immobiliers, une économie qui tourne au ralenti, et des dépenses faramineuses liées à la politique « zéro Covid ». D’après une récente estimation de Goldman Sachs, la dette totale des gouvernements locaux aurait atteint les 23 000 milliards de $ (dette « cachée » y comprise), soit 126% du PIB.

Tous ces avantages à l’introduction d’une taxe foncière n’empêchent pas le projet de rencontrer une forte résistance de la part des propriétaires qui n’ont aucune envie de la payer, mais aussi des locataires qui craignent de voir leurs loyers augmenter, ces derniers n’étant pas encadrés en Chine.

Plus fondamentalement, lever une taxe foncière pourrait inciter la population à demander davantage de transparence sur la manière dont leurs yuans sont dépensés.

Surtout, cette taxe foncière n’est pas du goût des cadres corrompus qui seraient bien évidemment incapables d’expliquer comment ils sont devenus propriétaires de plusieurs biens immobiliers avec leur maigre salaire officiel.

Et c’est peut-être là où le bât blesse : malgré tous les pouvoirs concentrés par Xi ces dernières années, faisant de lui le dirigeant le plus puissant depuis Mao, il semble réticent à les utiliser pour procéder à de douloureuses réformes économiques, qui seraient pourtant salutaires sur le long-terme.

Une chose est sûre : il lui sera difficile d’atteindre son objectif de « prospérité commune » en demandant uniquement aux sociétés de mieux payer leurs employés et sans augmenter les taxes pour au moins une partie de la population.

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