Défense : A Qingdao, la parade navale anniversaire

Majestueuse malgré le mauvais temps, cette revue navale le 23 avril, organisée à Qingdao par la marine chinoise, en l’honneur de son 70ème anniversaire. Pendant trois heures, défilèrent en haute mer 60 navires solitaires ou en escadres.  C’était la plus imposante parade navale chinoise de tous les temps.

Manquait au spectacle le 001A (peut-être nommé « Shandong »), 1er porte-avions made in China (cf photo), pas encore d’active. Mais figurait le Liaoning, porte-avions d’origine ukrainienne, juste radoubé quelques années après son lancement,avec ses 26 chasseurs J-15 100% chinois (sauf les réacteurs, fournis par la Russie).

Défilaient des modèles inédits, très attendus, tel le destroyer 052D alignant 150m d’étrave à poupe, avec 7000TJB, une lignée de bouches lance-missiles mer-air et portée intermédiaire, un canon de 130mm et son hélicoptère. La frégate 054A suivait, 3600TJB, 16m de tirant d’eau, en matériau composite permettant d’absorber le signal radar, sa paroi en biseau pour minimiser l’impact de projectile, et son radar à 360°.

On devina le sousmarin d’attaque nucléaire 095, à ligne asymétrique pour  optimiser l’hydrodynamique et réduire le bruit, doté de 12 lance-missiles et torpilles…

A la suite des 32 bâtiments chinois en paradaient 16 sous pavillons étrangers. L’Inde se faisait remarquer par son destroyer lancemissiles INS Kolkata, l’Australie par sa frégate HMAS Melbourne, le Japon par son destroyer Susutzuki, suivis de navires du Vietnam, de Russie, des Philippines et de Thaïlande

Au passage, la participation du navire vietnamien n’allait pas de soi : Le Vietnam éprouve historiquement peur et ressentiment, vis-à-vis du géant chinois qui lui a pris les Paracels, et qui fait obstacle à ses explorations pétrolières, à ses pêcheries  au large de ses côtes. C’est donc sur le thème naval que s’exprime le plus la rivalité. Mais tant sous l’angle du modèle idéologique que sous celui des échanges et investissements, Hanoi ne peut concevoir sa survie hors de celle du socialisme chinois, forçant ainsi sa marine à « montrer patte blanche » à Qingdao !

Parmi les absents, figurait le Pakistan, grand allié – mais peut-être dépourvu d’un navire présentable. L’Amérique de Donald Trump avait décidé de ne pas s’y rendre, contrairement à la dernière parade internationale de 2009. En plein bras de fer commercial avec la Chine, le moment n’est pas venu de faire « ami ami »…

Enfin de loin, la plus mystérieuse absence était celle de la France, dont la frégate Le Vendémiaire (100m de long, 100 hommes à bord) figurait au programme. Le Vendémiaire avait reçu son appontement à Qingdao, préparé ses mondanités à l’arrivée. Mais 72 heures avant la fête, il faisait demi-tour : tout était annulé. Que s’était-il passé ? Rien n’était dit sur le moment, sauf, côté marine française, un sec communiqué alléguant que la renonciation n’était pas de son fait.

Ce n’était que 48 heures plus tard que la vérité émergeait, fuitée par deux militaires américains—restés d’ailleurs anonymes. Dès le 6 avril, le Vendémiaire avait franchi le détroit de Taiwan, s’attirant ainsi les foudres de l’amirauté chinoise. Ces témoins américains disaient à tort que c’était pour un bâtiment militaire français une première dans l’histoire de la République Populaire. Quinze jours plus tard, l’incident avait gonflé, en parallèle avec le sentiment d’indignation : la Chine avait fini par proprement désinviter le Vendémiaire,  pour le priver de fête !

Le fait est que ce navire avait été chargé par le gouvernement français de deux missions contradictoires, reflétant pour le coup ses propres  ambiguïtés. La frégate devait aller défendre la liberté de navigation internationale, et le statut mondial des eaux de la mer de Chine au titre de l’UNCLOS, la Convention internationale du droit de la mer. Elle devait aussi aller représenter la France dans une fête amicale, suggérant ainsi une communauté de vue et une coopération entre deux forces de défense guerrière. C’était sans compter sur l’exigence absolue de la Chine de Xi Jinping, d’une souveraineté sur la quasi-entièreté de la mer de Chine.

Immédiatement après avoir asséné sa punition, la Chine rétropédalait, prétendant s’être bornée à « suggérer à la France, vu les circonstances » de tenir son navire à l’écart. De son côté, Paris déployait son écran de mitigation, déclarant rester « en contact étroit » avec les autorités chinoises. Bien sûr, il faut supposer dans cette affaire, que nul n’est dupe, et que rien ne sera oublié. Mais vu les intérêts supérieurs de part et d’autre, la diplomatie doit primer.

Une autre zone d’ombre ici, est celle du rôle des Etats-Unis. Evoluant dans les eaux revendiquées par la Chine, Le Vendémiaire était solidaire de la US Navy. En dévoilant  l’incident, l’US Navy mettait dans l’embarras les parties chinoises et françaises. On n’en saura probablement pas plus…

Enfin donc, la parade dans son ensemble explicite une forte divergence entre la Chine et ses « partenaires » maritimes. À bord du Xining, destroyer armé jusqu’aux dents, le Président Xi Jinping chantait la paix sur toutes les mers, et l’amitié parmi les flottes militaires du monde. Mais entre les différents pavillons, cinglant autour de lui, les opinions divergeaient fort, et d’un bâtiment à l’autre, la tension était palpable…

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1 Commentaire
  1. severy

    En cas de conflit, à défaut de pouvoir servir longtemps en surface, le Shantong fera un très joli récif.

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