Automobile : Salon de Shanghai – Un coup d’accélérateur électrique

Comme chaque printemps revient le Salon de l’auto (18-25 avril). Lors de cette édition à Shanghai, ils étaient 1000 exposants cette année, 40% de moins qu’à Pékin en 2018. Plus d’un million de visiteurs étaient au rendez-vous, désireux d’avoir leur part de rêve. Pourtant, le contexte est morose : les ventes ont plongé de 42% en moyenne,  37% chez Ford, 34% chez PSA l’an dernier. La casse se prolongeait au premier trimestre 2019, avec -13,7%, toutes marques confondues.

Aujourd’hui, les constructeurs font mine de reprendre espoir, sous la perspective d’une fin de la guerre commerciale Chine/USA d’ici juin. Pour arracher le marché à sa panne, la NDRC, organe de planification de l’économie, annonçait une baisse de la TVA dès avril.

Autres mesures en discussion : le retour des primes à l’achat de véhicules à énergies nouvelles (NEV), et la possibilité pour tout non-propriétaire de véhicule en grande ville, d’en faire l’acquisition sans passer par la loterie pour obtenir une plaque d’immatriculation. Les internautes s’en inquiètent, redoutant une recrudescence de la pollution et de la congestion de la circulation en ville.

Pour Lu Ting le chef économiste chez Nomura, ces mesures artificielles ne feraient que précipiter des ventes qui auraient eu lieu en tout état de cause une ou deux années plus tard !

Presque toutes les 100 premières mondiales présentées à Shanghai sont des véhicules électriques (EV), filière en plein boom en 2018 avec 1,256 million d’EV écoulés (+62%). Selon UBS, 71% de Chinois seraient prêts à acheter un EV contre 58% en 2018 (et seulement 20% en Europe). VW, n°1 mondial toutes catégories, veut surfer sur la vague électrique et écouler sous 10 ans, 12 millions d’EV sur le marché chinois. Dernier-né, son concept SUV 100% électrique ID ROOOMZZ (cf photo ci-dessous) serait sur le marché en 2021.

Nouveau venu sur le marché, Renault espère conquérir des parts grâce à son petit SUV Kwid en version électrique, la City K-ZE. « Conçue en Chine pour la Chine, avec le partenaire Dongfeng», elle y serait vendue « autour de 8.500€ », avant décembre.

BMW présentait son SUV iNEXT  qui promet de rouler 600 km, avec une autonomie de conduite de niveau 3, où le chauffeur peut sous conditions, lâcher le volant à 100%. Le groupe bavarois mise lourd sur la Chine, en y sortant dès cette année 25 nouveaux modèles de différentes motorisations. BMW subit cependant un camouflet en plein salon, forcé de rappeler 360.000 modèles en Chine pour airbags défectueux.

Audi présentait son concept AI:ME (cf photo), EV partageable, autonome de niveau 4—où la technologie peut sous certaines conditions relayer l’humain. Ici, tout est d’avenir, du volant rétractable au tableau à réalité augmentée, aux commandes tactiles, gestuelles ou visuelles (au choix),  système de filtrage d’air, en passant par des plantes grimpantes dans l’habitacle !

Les 480 groupes chinois présents n’étaient pas en reste, inondant les travées de leurs modèles. Aux entreprises publiques SAIC, Dongfeng, FAW, BAIC, Changan se joignaient les ténors privés BYD, GAC, Great Wall, Nio, et des start-ups telles Xpeng, Weltmeister, Singulato, Byton, Aiways, Bordrin, Leap), tous sur les starting blocks pour tenter de tailler des croupières à Tesla.

L’EV chinoise arrive donc comme un tsunami, propulsé par le plan gouvernemental de 2016. A l’origine, il était protectionniste du made in China par un cocktail de primes et de quotas EV aux constructeurs, assorti d’obligation d’achats de pièces auprès de fournisseurs chinois. Ce plan a favorisé l’émergence d’une armée de producteurs de batteries à lithium-ion, occupant 65% des capacités mondiales avec CATL en tête du peloton, BYD en n°3.

Fin 2017, l’Etat libérait les constructeurs étrangers d’EV de l’obligation de coentreprise (JV). D’ici 2022, cette prescription serait étendue à tous les véhicules. En 2018, BMW était la première entreprise étrangère à profiter de cette disposition en prenant 75% de sa JV avec Brilliance (effectif en 2022). VW serait en pourparlers pour la même manœuvre avec JAC, son partenaire en EV.

Tesla va encore plus loin, premier groupe d’EV à s’installer sans partenaire à Shanghai, pour y monter son modèle 3—ce sera sa première usine hors USA. Durant le salon, le groupe subissait lui aussi un incident lui faisant mauvaise presse : sans faire de victime, l’un de ses modèles S explosait le 21 avril dans un parking de la ville.

Cela relançait un vieux débat parmi les clients chinois : pour ou contre l’achat d’une voiture électrique ? Selon un récent sondage, 70% des propriétaires de NEV (incluant les véhicules hybrides et à hydrogène) regrettent leur achat, citant l’écart entre les promesses des constructeurs et les performances réelles, la qualité des batteries, la rareté des stations de recharge, et les à-coups au démarrage en modèles bas de gamme. La non-fiabilité des EV chinoises a causé en 2018 le rappel de 135.700 modèles, 10,8% des ventes ! Mais ce genre de souci, inévitable au démarrage d’une mutation du parc auto chinois, devrait se stabiliser à l’avenir, sous l’effet de la concurrence. Après avoir entamé dès l’an passé la décélération des subventions au secteur EV, une cascade de faillites est attendue, éliminant les acteurs les moins performants.

De leur côté, les voitures à hydrogène (consistant en un réservoir d’hydrogène alimentant une pile à combustible, générant l’électricité du moteur) sont de nouveau éligibles à la manne publique. Cette motorisation bien adaptée aux longues distances et aux véhicules utilitaires, se coordonne bien avec les EV, plus pratiques en ville. 5000 véhicules à hydrogène sont attendus sur les routes en 2020, 50.000 en 2025, le véritable décollage étant pour 2030 où le parc dépasserait le million. Un tel objectif semble réalisable, vu les 23,7 millions de voitures vendues en 2018.

La start-up Grove, à Wuhan revendique d’être la première au monde à se consacrer uniquement à l’hydrogène. Parmi ses trois modèles, la berline Granite (cf photo) est attendue pour 2021. Pour rattraper les japonaises tels Honda, ou Toyota (qui lançait le 21 avril son institut de recherche conjoint avec l’université Tsinghua), Pékin pourrait vouloir déployer un arsenal de subventions et de facilitations réglementaires spécifiques, calqué sur celui de la filière électrique.

L’avenir est donc aux véhicules autonomes toujours plus performants. Au Shandong, Qilu Transportation Development (齐鲁交通发展) annonce la conversion de 26km d’autoroute avec tunnels, ponts, péages et pentes, en espace de test pour véhicules autonomes de niveau 5, sans présence humaine au volant. 

Le groupe teste également près de Jinan une autre section d’autoroute de 2km, pavée de panneaux photovoltaïques sur lesquels est coulée une couche de béton transparent (cf photo). Elle permet la recharge des EV par induction, et produit 1 million kwh par an,  soit l’équivalent de la consommation de 800 foyers.

Dernière tendance au salon de Shanghai : les SUV de 7 places avaient la cote, permettant l’embarquement confortable de quatre grands-parents, de deux parents et de l’enfant unique (le fameux « 4-2-1 »). Un rappel qu’il ne faut jamais  sous-estimer le facteur sociologique en matière de design automobile !

Par Jeanne Gloanec

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1 Commentaire
  1. severy

    On se demande un peu si les tendances écologistes se confirment auprès de la population lorsqu’elle est appelée à choisir le genre de véhicule en papier elle va brûler aux mânes des ancêtres. Véhicules électriques ou véhicules à essence?
    Il y a une petite étude à faire dans ce domaine.

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