Xinjiang : Cap sur le développement économique

Cap sur le développement économique

Ces derniers mois, les signaux laissant penser que Pékin est prêt à amorcer une nouvelle stratégie au Xinjiang se multiplient.

Cela a débuté avec le départ, fin décembre dernier, de Chen Quanguo, l’homme à poigne qui a dirigé la région pendant plus de six ans. Son impitoyable campagne d’internement de plus d’un million de Ouïghours – soit 10% de la population – dans des centaines de camps de « rééducation » lui a valu d’être sanctionné par l’administration américaine. Pourtant, du point de vue de Pékin, Chen Quanguo quitte la région autonome du Xinjiang le devoir accompli. Comme le répètent les autorités, le Xinjiang n’a pas connu un seul attentat depuis 2017, alors qu’ils étaient récurrents les années précédentes. Si le leader de 66 ans n’a pas encore été affecté à un nouveau poste, il continue d’assister aux réunions du Politburo et pourrait bien hériter d’une position au sein du gouvernement central.

Pour le remplacer en tant que secrétaire du Parti du « territoire autonome », c’est Ma Xingrui qui a été choisi, quoiqu’il n’ait aucune expérience dans les « affaires ethniques ». Ancien chef du programme spatial chinois, Ma Xingrui a longuement travaillé au contact des communautés d’affaires étrangères en tant que n°2 de la province du Guangdong et est familier avec les problématiques liées au travail forcé.

Sa nomination a conduit quelques analystes à prédire un assouplissement des mesures de contrôle draconiennes instaurées par son prédécesseur. Pourtant, à peine arrivé sur place, le dirigeant de 62 ans douchait ces espoirs : l’heure est venue de se concentrer sur le développement économique de la région, pas de relâcher les mesures de contrôle social. Au mieux, l’ex-gouverneur du Guangdong s’aventurera à expérimenter quelques ajustements mineurs…

Cette surprenante nomination a sûrement été motivée par le fait que durant ces cinq dernières années consacrées à la « lutte contre le terrorisme », le Xinjiang a été coupé du reste du monde, notamment commercialement. De plus, les sanctions internationales ont fait du territoire un terrain miné pour les investisseurs étrangers. Ma Xingrui va donc avoir la lourde tâche de relancer une économie régionale étouffée par la répression tout en maintenant la stabilité dans la région. Pour y arriver, Pékin a prévu un plan de construction de 4400 projets d’infrastructures doté de 1750 milliards de yuans sur cinq ans, dont 900 millions rien que pour cette année. Cette somme impressionnante reflète l’importance stratégique du Xinjiang pour le pays, non seulement pour ses ressources naturelles, mais aussi en tant que porte vers l’Asie Centrale et l’Europe de l’Est.

Ce changement de ligne politique se reflète également dans le langage du n°4 du Parti, Wang Yang, en charge du Xinjiang. À plusieurs reprises l’an dernier, le président de la CCPPC a déclaré qu’il était nécessaire de déployer plus d’efforts pour développer l’économie de la région. En visite d’inspection fin mars, le dirigeant a également appelé à « réfuter les calomnies et diffamations des forces ennemies en soulignant le fait que tous les groupes ethniques vivent heureux au Xinjiang ».

Il s’agit par-là de préparer la visite de Michelle Bachelet, haute‑commissaire des Nations Unies aux droits de l’Homme. Maintes fois reportée depuis 2018, elle devrait finalement avoir lieu au mois de mai. Alors que les détails de ce tour organisé n’ont pas encore été finalisés, le bureau de Mme Bachelet a pris soin de ne pas publier son très attendu rapport sur la situation au Xinjiang, de peur de froisser ses hôtes.

En effet, l’exercice s’annonce d’ores et déjà périlleux, les intérêts de la communauté internationale et ceux du gouvernement chinois étant fondamentalement inconciliables.

D’un côté, le haut-commissariat espère obtenir un accès sans entrave aux camps d’internement et échanger librement avec des représentants de la société civile, sans quoi la crédibilité de cette visite serait sérieusement compromise.

De l’autre, les autorités chinoises ont clairement fait savoir que ce déplacement relèverait davantage d’une visite « amicale » que d’une « enquête avec présomption de culpabilité ». Jusqu’à présent, Pékin a rejeté en bloc toute accusation de génocide à l’encontre des Ouïghours, tout en défendant fermement ses politiques dans la région.

Sous cette perspective, l’enquête de l’OMS sur les origines de la Covid-19 à Wuhan constitue un précédent peu encourageant. Pékin présentera cette visite comme le gage de sa bonne foi, tandis que les représentants de l’ONU n’en ressortiront probablement pas plus avancés…

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1 Commentaire
  1. severy

    Vite! Plus qu’un mois pour glisser le sable et le sang sous les dunes du Xinjiang…

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