Politique : Ministères – Le grand chambardement

Fort moment de refondation du régime, les 2969 édiles de l’Assemblée Nationale Populaire (ANP) ont adopté le 17 mars une refonte du gouvernement d’une ampleur inédite depuis 1998, quand le 1er ministre Zhu Rongji éliminait 15 ministères.

Avec ce grand plan, le nombre des ministères est réduit à 26 (-8), et 7 organes non ministériels sont sabrés. Ce remue-ménage signe le déclin de la NDRC, forteresse technocratique et chef d’orchestre de l’économie. Plumée de partout, elle perd la mainmise sur au moins six politiques, sans aucune compensation.

D’autres organes se renforcent en  concentrant des prérogatives jusqu’alors éparpillées entre différentes officines. Leur montée en puissance vise à renforcer la supervision directe du Parti (l’ombre de Xi Jinping) sur des secteurs déclarés prioritaires : agriculture, santé, environnement, finance… 

Un ministère du management d’urgence naît pour lutter contre séismes, tsunamis, accidents de barrages, de centrales nucléaires, ou incendies. Il dépossède le ministère des Forêts qui était en charge des incendies de forêt, et celui de l’Agriculture qui gérait les feux de prairies !

Le ministère de l’Environnement et de l’Ecologie aura charge de la lutte contre le changement climatique, les émissions de gaz à effet de serre et la lutte anti-pollution (air, sol, eau). Il reprend les compétences sur ces domaines, à la NDRC, et aux ministères du Sol et de l’Eau.

Une Commission de la Santé enterre la Commission du Planning familial –laissant supputer une disparition prochaine du contrôle des naissances. L’organe récupère du ministère de l’Industrie le Bureau du monopole national du Tabac. Cela faisait 60 ans que l’industrie du tabac était protégée, en raison de sa contribution (7 à 10%) au budget de l’Etat. Pékin prend enfin en compte le coût réel de cette addiction sur la santé

Très attendue, une tutelle unique de la banque et de l’assurance va coordonner CBRC et la CIRC (leurs administrations respectives), et éliminer les vides juridiques entre elles, qui permettaient de facto aux compagnies financières de choisir leurs règlements « à la carte » pour leurs produits d’investissement. La Banque Centrale reprendra aussi une partie des prérogatives qu’avaient les deux ex-tutelles sectorielles, sur un marché évalué aujourd’hui à 42.000 milliards de $. L’équipe de Xi Jinping fait ici un choix qui ne convainc pas tout le monde, en laissant hors de ce montage la 3ème tutelle, la CSRC, celle de la bourse. Elle se justifie ainsi : banque et assurance sont des secteurs devant garantir au client un rendement faible mais sans risque, avec encadrement fort, tandis que la bourse, à vocation spéculative, nécessite un cadre spécifique. Mais pour les experts, c’est oublier que la plupart des maisons de courtage, pour optimiser leurs ventes de parts en bourse, font du prêt bancaire sous la table. De plus, certains assureurs tel Anbang, aujourd’hui sur la sellette, ont vendu des produits à forte teneur spéculative pour gonfler leurs recettes et accélérer leur arrivée sur les marchés mondiaux. Les trois branches de la finance mériteraient donc d’être traitées à pied d’égalité. Mais ce système ne reste pas fractionné par hasard. Le nouveau montage sert le chef de l’Etat : selon Natixis, en tenant séparées ces tutelles, Xi se positionne en arbitre des conflits qui naitront entre elles.

Un ministère des Ressources naturelles est créé en déshabillant les ministères des « sols et ressources », du « logement et développement urbain-rural », « de la construction », « de l’eau », de la NDRC, du « ministère des forêts », des administrations des océans et de la cartographie. Il gérera ces ressources, et la planification des villes, grandes et petites.

Un ministère des Vétérans nait pour recaser les soldats limogés, en emplois pantouflés ou en retraite. Il reprend les dossiers des « Affaires civiles », « Ressources humaines et Sécurité sociale » et de la Commission Militaire Centrale.

Le Bureau national d’Audit va hériter des compétences comptables de la NDRC et de la SASAC (l’administration des consortia publics). C’est un coup de griffe sans doute fatal porté à un notoire fief d’influence de Jiang Zemin, l’éternel rival de Xi.

Un Bureau d’administration et de régulation des marchés enregistrera les firmes, préviendra/interdira ententes et cartels, inspectera l’hygiène sanitaire des aliments et médicaments (monopole retiré à l’ex-FDA chinoise) et supervisera les prix.

Un Bureau de l’immigration est annoncé, en charge de la création et de l’octroi des visas et des conditions réservées aux étrangers.

Une agence de coopération au développement international va tenter de coordonner les milliards de $ que la Chine ventile jusqu’à présent dans le monde, par le biais de trop nombreuses filières et agences publiques. C’est une rationalisation nécessaire, avant que les projets de l’initiative BRI ne prennent leur essor à travers le monde.

En matière de taxation, le centre national et les centres locaux seront réunis.

La SARFT, tutelle des média, du livre et du film est incorporée au ministère de la Culture. C’est pour renforcer l’effort de « soft power » dans le monde. Pékin reconnaît que ses milliards de $ dépensés à travers les 5 continents, n’ont pas encore réussi à le doter d’une image de puissance culturelle amicale et pacifique.

Conclusion : cette réforme profonde des administrations semble destinée à renforcer l’efficacité des cadres, et de générer de la croissance par le mieux-être, la lutte contre la pauvreté. Le tout, en renforçant l’autorité du Parti, sans partage.

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