Editorial : Effervescente, la Chine…

Et la vie va ! La session de l’Assemblée Nationale Populaire (ANP), la plus fertile en événements depuis l’ère de Deng Xiaoping, s’achève en fanfare avec l’affirmation d’une Chine retrouvant sa puissance d’antan, et où tous les problèmes apparaissent gommés (de façon sans doute éphémère) dans la communion d’une fierté nationale et d’une ré-émergence légitime dans le monde. L’Assemblée a octroyé à Xi Jinping le pouvoir à vie ; entériné la création de « cages » toutes neuves pour les employés du secteur public (la Commission Nationale de Sécurité) et pour le citoyen (le crédit social, avec sa note de moralité pour chacun d’ici 2020). Selon le politologue britannique Kerry Brown, ces outils nouveaux doivent aider cette société à rejeter des plaisirs « extravagants » au profit d’une vie frugale. Sous Xi Jinping, le Parti veut soudain se réconcilier avec la vertu. Certes, une telle frénésie d’austérité va à l’encontre des désirs du pays. Entre base et sommet, l’écart n’a jamais été si grand, et ne pourra que s’agrandir : un tel programme « monacal » ne sera tenable que quelques années.

L’ANP a aussi voté le 17 mars, une refonte des organes de l’Etat, pour une efficacité accrue et montée en qualité de la gouvernance publique, vers une Chine plus riche, technologique, éduquée. Cette initiative-là de l’équipe dirigeante convainc davantage : elle pourrait dès maintenant signaler le futur héritage de l’ère Xi Jinping.

Au delà de l’Assemblée et de ses votes, trois nouvelles de la semaine, moins fortes en apparence, sont en fait tout aussi annonciatrices d’un cap nouveau. Au Vatican les 12 et 13 mars, pour la seconde année consécutive, deux émissaires ont représenté la Chine, à une conférence sur le trafic d’organes (prélevés sur des condamnés à mort), qui était licite en Chine jusqu’en 2015. Au colloque, ces hommes confirmèrent que la Chine réprimait ce trafic, qui n’avait plus lieu qu’en clandestinité. En dix ans, la police aurait traqué 220 bandits et sauvé 100 victimes potentielles. Par sa présence à la conférence papale, Pékin confirme discrètement que la réconciliation avec le Vatican est proche –mais sera-t-elle acceptée par les catholiques chinois ?

Face à l’Union Européenne, la Chine envisage d’espacer ses sommets 16+1 avec 16 pays d’Europe centrale, tenus pour l’instant chaque année. Elle voudrait reporter sine die le 7ème sommet prévu à Sofia (Bulgarie) d’ici décembre, puis programmer les suivants sur base biennale. C’est que Bruxelles voit dans cette alliance entre la Chine et ces anciens pays du bloc soviétique une tentative pour la diviser. Pékin les attire par quelques crédits en projets d’infrastructure, ce qui lui permet d’exercer sur eux une influence rivale, forme d’ingérence dans les affaires intérieures de l’UE. Une telle stratégie, d’un point de vue européen, est incompatible avec un partenariat loyal entre la Chine et elle—il faut choisir. Si Pékin refroidit maintenant cette alliance 16+1, ce sera au nom d’une telle considération.

Enfin à la Conférence Consultative (CCPPC), Yang Faming (cf photo), tête de l’Association islamique nationale, déplore que des mosquées se construisent ces temps-ci dans un style « étranger », qu’une mode alimentaire chez les croyants privilégie le « halal », et qu’une loi islamique prenne le pas sur la nationale. « Nous devons rester en alerte maximale », conclut l’imam officiel. Yang dénonce un phénomène d’islamisation rampante, en cours au Xinjiang (communautés ouïghoures) et parmi les Hui, sinisés de longue date mais en quête de leur identité. Le phénomène arrive au moment où la Chine s’apprête à  s’ouvrir à l’Asie Centrale pour laisser passer marchandises et voyageurs par millions. Pour la Chine, ce réveil de la foi musulmane arrive au plus mauvais moment, pouvant  remettre en cause ses ambitieux projets des nouvelles « routes de la soie » (initiative BRI).

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