Le Vent de la Chine Numéro 10 (2018)
Et la vie va ! La session de l’Assemblée Nationale Populaire (ANP), la plus fertile en événements depuis l’ère de Deng Xiaoping, s’achève en fanfare avec l’affirmation d’une Chine retrouvant sa puissance d’antan, et où tous les problèmes apparaissent gommés (de façon sans doute éphémère) dans la communion d’une fierté nationale et d’une ré-émergence légitime dans le monde. L’Assemblée a octroyé à Xi Jinping le pouvoir à vie ; entériné la création de « cages » toutes neuves pour les employés du secteur public (la Commission Nationale de Sécurité) et pour le citoyen (le crédit social, avec sa note de moralité pour chacun d’ici 2020). Selon le politologue britannique Kerry Brown, ces outils nouveaux doivent aider cette société à rejeter des plaisirs « extravagants » au profit d’une vie frugale. Sous Xi Jinping, le Parti veut soudain se réconcilier avec la vertu. Certes, une telle frénésie d’austérité va à l’encontre des désirs du pays. Entre base et sommet, l’écart n’a jamais été si grand, et ne pourra que s’agrandir : un tel programme « monacal » ne sera tenable que quelques années.
L’ANP a aussi voté le 17 mars, une refonte des organes de l’Etat, pour une efficacité accrue et montée en qualité de la gouvernance publique, vers une Chine plus riche, technologique, éduquée. Cette initiative-là de l’équipe dirigeante convainc davantage : elle pourrait dès maintenant signaler le futur héritage de l’ère Xi Jinping.
Au delà de l’Assemblée et de ses votes, trois nouvelles de la semaine, moins fortes en apparence, sont en fait tout aussi annonciatrices d’un cap nouveau. Au Vatican les 12 et 13 mars, pour la seconde année consécutive, deux émissaires ont représenté la Chine, à une conférence sur le trafic d’organes (prélevés sur des condamnés à mort), qui était licite en Chine jusqu’en 2015. Au colloque, ces hommes confirmèrent que la Chine réprimait ce trafic, qui n’avait plus lieu qu’en clandestinité. En dix ans, la police aurait traqué 220 bandits et sauvé 100 victimes potentielles. Par sa présence à la conférence papale, Pékin confirme discrètement que la réconciliation avec le Vatican est proche –mais sera-t-elle acceptée par les catholiques chinois ?
Face à l’Union Européenne, la Chine envisage d’espacer ses sommets 16+1 avec 16 pays d’Europe centrale, tenus pour l’instant chaque année. Elle voudrait reporter sine die le 7ème sommet prévu à Sofia (Bulgarie) d’ici décembre, puis programmer les suivants sur base biennale. C’est que Bruxelles voit dans cette alliance entre la Chine et ces anciens pays du bloc soviétique une tentative pour la diviser. Pékin les attire par quelques crédits en projets d’infrastructure, ce qui lui permet d’exercer sur eux une influence rivale, forme d’ingérence dans les affaires intérieures de l’UE. Une telle stratégie, d’un point de vue européen, est incompatible avec un partenariat loyal entre la Chine et elle—il faut choisir. Si Pékin refroidit maintenant cette alliance 16+1, ce sera au nom d’une telle considération.
Enfin à la Conférence Consultative (CCPPC), Yang Faming (cf photo), tête de l’Association islamique nationale, déplore que des mosquées se construisent ces temps-ci dans un style « étranger », qu’une mode alimentaire chez les croyants privilégie le « halal », et qu’une loi islamique prenne le pas sur la nationale. « Nous devons rester en alerte maximale », conclut l’imam officiel. Yang dénonce un phénomène d’islamisation rampante, en cours au Xinjiang (communautés ouïghoures) et parmi les Hui, sinisés de longue date mais en quête de leur identité. Le phénomène arrive au moment où la Chine s’apprête à s’ouvrir à l’Asie Centrale pour laisser passer marchandises et voyageurs par millions. Pour la Chine, ce réveil de la foi musulmane arrive au plus mauvais moment, pouvant remettre en cause ses ambitieux projets des nouvelles « routes de la soie » (initiative BRI).
Fort moment de refondation du régime, les 2969 édiles de l’Assemblée Nationale Populaire (ANP) ont adopté le 17 mars une refonte du gouvernement d’une ampleur inédite depuis 1998, quand le 1er ministre Zhu Rongji éliminait 15 ministères.
Avec ce grand plan, le nombre des ministères est réduit à 26 (-8), et 7 organes non ministériels sont sabrés. Ce remue-ménage signe le déclin de la NDRC, forteresse technocratique et chef d’orchestre de l’économie. Plumée de partout, elle perd la mainmise sur au moins six politiques, sans aucune compensation.
D’autres organes se renforcent en concentrant des prérogatives jusqu’alors éparpillées entre différentes officines. Leur montée en puissance vise à renforcer la supervision directe du Parti (l’ombre de Xi Jinping) sur des secteurs déclarés prioritaires : agriculture, santé, environnement, finance…
Un ministère du management d’urgence naît pour lutter contre séismes, tsunamis, accidents de barrages, de centrales nucléaires, ou incendies. Il dépossède le ministère des Forêts qui était en charge des incendies de forêt, et celui de l’Agriculture qui gérait les feux de prairies !
Le ministère de l’Environnement et de l’Ecologie aura charge de la lutte contre le changement climatique, les émissions de gaz à effet de serre et la lutte anti-pollution (air, sol, eau). Il reprend les compétences sur ces domaines, à la NDRC, et aux ministères du Sol et de l’Eau.
Une Commission de la Santé enterre la Commission du Planning familial –laissant supputer une disparition prochaine du contrôle des naissances. L’organe récupère du ministère de l’Industrie le Bureau du monopole national du Tabac. Cela faisait 60 ans que l’industrie du tabac était protégée, en raison de sa contribution (7 à 10%) au budget de l’Etat. Pékin prend enfin en compte le coût réel de cette addiction sur la santé
Très attendue, une tutelle unique de la banque et de l’assurance va coordonner CBRC et la CIRC (leurs administrations respectives), et éliminer les vides juridiques entre elles, qui permettaient de facto aux compagnies financières de choisir leurs règlements « à la carte » pour leurs produits d’investissement. La Banque Centrale reprendra aussi une partie des prérogatives qu’avaient les deux ex-tutelles sectorielles, sur un marché évalué aujourd’hui à 42.000 milliards de $. L’équipe de Xi Jinping fait ici un choix qui ne convainc pas tout le monde, en laissant hors de ce montage la 3ème tutelle, la CSRC, celle de la bourse. Elle se justifie ainsi : banque et assurance sont des secteurs devant garantir au client un rendement faible mais sans risque, avec encadrement fort, tandis que la bourse, à vocation spéculative, nécessite un cadre spécifique. Mais pour les experts, c’est oublier que la plupart des maisons de courtage, pour optimiser leurs ventes de parts en bourse, font du prêt bancaire sous la table. De plus, certains assureurs tel Anbang, aujourd’hui sur la sellette, ont vendu des produits à forte teneur spéculative pour gonfler leurs recettes et accélérer leur arrivée sur les marchés mondiaux. Les trois branches de la finance mériteraient donc d’être traitées à pied d’égalité. Mais ce système ne reste pas fractionné par hasard. Le nouveau montage sert le chef de l’Etat : selon Natixis, en tenant séparées ces tutelles, Xi se positionne en arbitre des conflits qui naitront entre elles.
Un ministère des Ressources naturelles est créé en déshabillant les ministères des « sols et ressources », du « logement et développement urbain-rural », « de la construction », « de l’eau », de la NDRC, du « ministère des forêts », des administrations des océans et de la cartographie. Il gérera ces ressources, et la planification des villes, grandes et petites.
Un ministère des Vétérans nait pour recaser les soldats limogés, en emplois pantouflés ou en retraite. Il reprend les dossiers des « Affaires civiles », « Ressources humaines et Sécurité sociale » et de la Commission Militaire Centrale.
Le Bureau national d’Audit va hériter des compétences comptables de la NDRC et de la SASAC (l’administration des consortia publics). C’est un coup de griffe sans doute fatal porté à un notoire fief d’influence de Jiang Zemin, l’éternel rival de Xi.
Un Bureau d’administration et de régulation des marchés enregistrera les firmes, préviendra/interdira ententes et cartels, inspectera l’hygiène sanitaire des aliments et médicaments (monopole retiré à l’ex-FDA chinoise) et supervisera les prix.
Un Bureau de l’immigration est annoncé, en charge de la création et de l’octroi des visas et des conditions réservées aux étrangers.
Une agence de coopération au développement international va tenter de coordonner les milliards de $ que la Chine ventile jusqu’à présent dans le monde, par le biais de trop nombreuses filières et agences publiques. C’est une rationalisation nécessaire, avant que les projets de l’initiative BRI ne prennent leur essor à travers le monde.
En matière de taxation, le centre national et les centres locaux seront réunis.
La SARFT, tutelle des média, du livre et du film est incorporée au ministère de la Culture. C’est pour renforcer l’effort de « soft power » dans le monde. Pékin reconnaît que ses milliards de $ dépensés à travers les 5 continents, n’ont pas encore réussi à le doter d’une image de puissance culturelle amicale et pacifique.
Conclusion : cette réforme profonde des administrations semble destinée à renforcer l’efficacité des cadres, et de générer de la croissance par le mieux-être, la lutte contre la pauvreté. Le tout, en renforçant l’autorité du Parti, sans partage.
Depuis le retour de Hong Kong à la Chine en 1997, aux élections du Legco (Parlement) au système flou et inéquitable hérité de la Couronne Britannique, l’opposition pan-démocrate s’était habituée à remporter les sièges attribués aux circonscriptions territoriales – les « pro-Pékin » ne conservaient qu’une courte majorité grâce aux circonscriptions socio-professionnelles.
En 2016, six étudiants du mouvement Occupy Central (démocrates) élus à leur tour, avaient commis l’imprudence de ridiculiser la Chine lors de leur cérémonie investiture. Sur ordre de Pékin, ils avaient été disqualifiés. Cette année, lors d’élections partielles organisées le 11 mars, quatre d’entre eux tentaient de rattraper leurs sièges. Durant leur campagne, ils montaient en épingle leur « persécution », transformant de facto ce vote en un référendum sur leur disqualification de 18 mois plus tôt. Vu la stabilité des votes depuis 20 ans, ils n’avaient aucun doute d’un résultat en leur faveur…
Le soir du vote, une immense surprise les attendait, ainsi que pour toute la RAS (Région Administrative Spéciale) et la Chine-même : deux des quatre étaient battus par leurs adversaires du Parti pro-Pékin (DAB). C’était une première: les électeurs avaient préféré suivre l’appel de Tung Chee-hwa l’ancien chef de l’Exécutif (vice-Président de la Conférence Consultative CCPPC à Pékin), à voter « pragmatique et constructif, pour des candidats vraiment pro-HK et non des indépendantistes autonomistes qui coûteraient cher à la Cité ».
Pourquoi un tel tournant ? Premier indice : les électeurs ne se sont pas déplacés, la participation se limitant à 43% contre 58% en 2016. La tête de liste des démocrates Edward Yiu (cf photo, à gauche), à Kowloon-Ouest, ne récoltait que 105.000 voix, moitié moins que deux ans auparavant. Cette fois, la cause n’était pas la rigidité des cadres du Parti de Pékin, prêts à sanctionner toute velléité locale d’exprimer sa différence. Linda Li, politologue à la City University, évoque plutôt une « fatigue » de l’électorat de l’hostilité systématique de ces jeunes élus vis-à-vis de Pékin et de leur blocage stérile de n’importe quelle proposition publique au sein du Legco. « Les électeurs, ajoute Li, n’avaient pas apprécié que les six députés soient disqualifiés. Mais c’était il y a 18 mois. Et puis, on ne peut pas baser une campagne sur un seul thème. Les candidats doivent aussi convaincre l’homme de la rue de leur capacité à se battre pour l’emploi, l’environnement… ». Cette explication semble corroborée par une analyse du scrutin sur Kowloon-Ouest : Edward Yiu a mieux résisté dans les quartiers bobos et intellos aisés (qui pouvait se permettre de parler démocratie), que dans les quartiers défavorisés, en demande plus pressante d’amélioration de leurs conditions de vie.
Ainsi cette plus jeune et récente couche d’opposition va devoir faire son examen de conscience, accélérer sa maturation et ne plus confondre politique et monômes d’étudiants. Ce n’est pas forcément mauvaise chose.
En attendant, cette victoire de candidats modérés pro-Pékin change les perspectives. Des candidats de l’establishment chinois découvrent qu’ils peuvent gagner aux territoriales. À l’inverse, les pan-démocrates constatent douloureusement qu’ils n’ont pas le monopole du cœur des Hongkongais, ni de l’avenir.
Ce scrutin explicite donc une évolution des mentalités, qui amène pour Hong Kong un nouveau risque : celui d’une Chine pressée de l’intégrer aux règles générales du pays, et qui serait tentée d’en profiter par différents moyens pour éroder l’opposition au Parlement. D’autres élus démocrates pourraient voir à leur tour leur élection invalidée. Le Legco pourrait aussi imposer une limitation au nombre des amendements autorisés, afin d’empêcher les démocrates de paralyser les votes. Pékin pourrait même oser une nouvelle tentative de faire voter au Legco une loi sécuritaire destinée à brider la presse, ce qu’elle avait déjà essayé de faire en 2003. La réponse avait été immédiate, en un soulèvement de 500.000 citoyens dans les rues du « Rocher », causant l’abandon rapide du projet.
Fait historique intéressant, un autre débat sur Hong Kong se tient au même moment à 2000 km plus au nord, à Pékin lors des deux Assemblées. Force est de constater, là aussi, une évolution des idées dans le même sens, une acceptation de la réalité d’un avenir commun à inventer entre ces deux communautés.
Présentant aux députés le bilan quinquennal de sa gestion de la relation chinoise avec Hong Kong et Macao, Zhang Dejiang, ex-Président du Parlement et ex-titulaire du dossier, se félicite d’avoir « résolument défendu l’ordre constitutionnel ». En fait, il cherche aussi à se justifier pour les désordres d’ « Occupy Central » qui paralysèrent l’île durant 79 jours suite à son refus de consentir à laisser élire le chef de l’Exécutif au suffrage universel direct. Mais Michael Tien, un des 36 élus de l’île à l’ANP, remarque : « Zhang est peut-être impopulaire, mais son attitude franche a aidé la ville à ne pas perdre de temps en se faisant des illusions ».
D’autres élus de Hong Kong rappellent les avantages pour la RAS d’appartenir à la Chine. Lam-Lung-on, PDG du groupe shanghaien Yuzhou le déclare : Hong Kong, n°1 mondial du RMB-off-shore, pourrait « devenir une base internationale de gestion d’actifs et du risque, et surtout une place internationale de fixation des prix des actifs ».
Enfin, les autorités ne se gênent pas pour rappeler l’avenir radieux de la ville, basé sur le triangle ferroviaire et autoroutier qui se met en place à étapes forcées : l’intégration d’une méga-région « de la Grande Baie » industrielle et de services, entre province du Guangdong, Macao et Hong Kong.
HNA, le consortium de Hainan est en pleine turbulence. Hainan Airlines, la 1ère compagnie aérienne privée, naissait en 1993, rejointe en 1995 par George Soros qui en prenait 35%. HNA émergeait en 2000. A présent, le groupe compte 7 filiales, 410.000 employés et gère 180 milliards de $ d’actifs, dont 50 milliards depuis 2015 en participations dans des groupes mondiaux tels Deutsche Bank, Hilton…
Aujourd’hui, cette boulimie d’achats se paie cher : pour se renflouer, HNA doit d’ici juin se séparer de 16 milliards de $ de parts de groupes tels Park Hotels, Hilton et Gategroup, sa filiale suisse (à 65%) de « catering » aérien.
Depuis octobre 2017, Hainan Airlines ne paie plus son kérosène et doit 400 millions de $ à South China Bluesky Aviation Oil, qui lui a intimé de payer avant le 16 mars, sous peine de lui couper la pompe. Les aéroports aussi réclament le paiement des taxes d’atterrissage-décollage, d’utilisation des sas d’embarquement, de stationnement. La tutelle de l’aviation civile chinoise (CAAC), à son tour, a ostensiblement contacté la direction de HNA pour l’inciter à régulariser cette situation, sous peine d’immobiliser ses appareils, voire retirer ses licences…
Chen Feng, président de HNA, l’affirme : Hainan Airlines avait la faveur de l’Etat en tant que seule aile chinoise privée d’importance nationale. Mais Pékin apprécie de moins en moins la tentation chez HNA de s’internationaliser trop vite, tout en s’éloignant de son métier de base.
Depuis 2016, comme Wanda (immobilier) de Wang Jianlin, et Anbang (assurances) de Wu Xiaohui, HNA, pris d’une fièvre d’investissements hors frontières, déstabilise le marché financier et compromet le crédit local en exportant massivement (et illégalement) ses ressources…
Aussi dès août 2017, Xi Jinping ordonnait aux banques de cesser tout prêt à ces groupes, qui dès lors se retrouvaient incapables de renouveler leurs emprunts et achever leurs projets à l’étranger, obligés d’en céder une part, souvent à perte… En effet, Xi part en croisade contre les consortia privés, pour leur imposer une gestion prudentielle, respectant lois et normes financières.
Reste à voir comment l’Etat va gérer cette crise chez HNA. Une mise sous tutelle (comme Anbang en ce moment) reste improbable, vu la visibilité du groupe à l’international. La faillite est également exclue : « too big to fail » !Mais l’Etat sera moins enclin à faire du sentiment, vu sa priorité absolue d’enrayer l’hémorragie de finances hors frontières.
Pour la sortie début février du Document n°1 du Conseil d’Etat, dédié à l’agriculture, Han Jun, du groupe directeur du monde rural, dévoila le plan 2018-2022 de « réjuvénation » de la Chine verte.
Par rapport aux plans précédents, celui-ci apporte des ruptures. La première consiste à abandonner le concept d’agriculture unique, applicable à tout le territoire : d’ici 2020, chaque zone homogène sous l’angle climatique et des terroirs devra déterminer ses priorités. Il fixe aussi des étapes à long terme : « réjuvénation rurale » pour 2020, « modernisation » pour 2035, « épanouissement financier » pour 2050.
Ce plan a clairement été conçu pour favoriser un nouveau départ. Il a fallu 10 ans de préparatifs pour renforcer la connaissance théorique du terrain et le savoir-faire des paysans. De 2005 à 2015, 1152 agronomes coordonnés par Zhang Fusuo de l’Université agronomique de Pékin, réalisèrent une étude géante (au budget de 54 millions de $), publiée le 7 mars dans la revue Nature. Sillonnant le pays, ils ont compilé les cas de 13 000 fermes pour créer une cartographie fiable de l’agriculture chinoise. Ils ont aussi formé 65.000 « agents de vulgarisation agricole », qui ont redistribué à 20 millions de paysans une série de techniques dites de « gestion intégrée du système sol-récolte ». Au lieu de d’utiliser de l’engrais toute l’année, la méthode préconise de le faire uniquement sous un climat doux et ensoleillé. Dix ans plus tard, les résultats sont inespérés : dans les millions de micro-exploitations ayant pu modifier leurs méthodes de labour, enfumage et de semis, l’usage d’engrais a baissé de 15%, et les récoltes (le plus souvent de blé, riz ou maïs) ont progressé de 10 à 11%, contre 1% ailleurs dans le pays. C’est un progrès énorme. La Chine consomme 305 kg d’engrais par hectare, quadruple de l’Occident. Or l’excès d’engrais part dans le réseau aquatique, asphyxiant la faune et générant des gaz à effet de serre… De la sorte, cette campagne aura permis sur 10 ans l’économie d’1,2 million de tonnes d’engrais, une baisse de 13% des gaz à effet de serre, et un surcroît de récolte de 35 millions de tonnes.
De quoi encourager à poursuivre la tâche : plus de 90% de la masse paysanne reste à éveiller à l’agriculture nouvelle. Le plan vert quinquennal prévoit aussi des initiatives pour faciliter l’accès à la mécanisation, pour permettre au paysan de vendre sa parcelle s’il le souhaite, tout en faisant en sorte qu’elle conserve sa vocation agricole… On en est loin—mais une dynamique de modernisation est en route et ne s’arrêtera plus.
À mi-hauteur entre ville et fleuve, il vivait 8 mètres en dessous du niveau de l’humanité, ressassant ses cauchemars et refusant tout retour à la vie. Ce qu’il craignait le plus, était de se remettre en ménage avec une femme, refaire un enfant : il ne s’en sentait plus digne. En effet, depuis six ans, Chengzhou ne pouvait faire le deuil de sa fillette – il ne pouvait se pardonner de l’avoir laissée jouer seule devant l’étang de sa mère au village, cette terrible journée de 2002.
Sous son pont, il s’était bricolé un univers d’île déserte à la Robinson. Avec trois fenêtres ou portes vitrées tirées d’une décharge, il avait monté une serre où il faisait pousser ses patates douces, échalotes et haricots dont il se nourrissait en toute saison, cédant le reliquat au marché libre voisin. Une canalisation percée lui fournissait assez d’eau pour sa toilette du matin et sa tambouille, faite dans une gamelle bosselée ayant perdu son manche. Le sol calamiteux était jonché de godasses éculées, de bouteilles vides. Il dormait sur un grabat, sous une couette crasseuse, gardé par sa chienne aux cinq chiots qui venaient se pelotonner contre lui ou lui mordiller les pieds. Un petit bureau—jeté là par hasard– finissait de pourrir sous l’humidité.
Bien conscient de sa déchéance, Chengzhou restait taraudé par le sentiment d’être passé brusquement du « bien-être au déclin, de l’honorabilité à l’humiliation » (盛衰荣辱, shèng shuāi róng rǔ). Un songe revenait le hanter, qu’il avait eu une première fois en 2004, alors qu’il travailler sur un chantier à Xi’an – lors de sa première fuite loin des siens. Dans une hallucination, il s’était vu en inventeur, génial savant Cosinus des mathématiques appliquées qui mettait au point l’équation infaillible pour décrocher le gros lot au loto. Par sa pierre philosophale, en rêve, Chengzhou gagnait des millions, devenait célèbre—et puis se réveillait à l’aube, gros Jean comme devant !
A l’époque, il n’avait pas pris au sérieux cette vision. Mais depuis qu’il vivait en reclus dans son exil fluvial, elle revenait lui torturer l’esprit, tentation brûlante. Alors, il se mit à récupérer des ouvrages de calculs de probabilité, d’équations et de formules, qu’il étudiait et annotait de longues heures par jour. Il ne s’arrêtait que pour reposer son regard sur les tourbillons du fleuve, le perpétuel roulis des remorqueurs, barges, et canots des pêcheurs. Pour se donner du courage, il prenait une rasade d’eau de vie au goulot, puis en grillait une cigarette, puis deux, puis retournait à ses chères études.
Dans son abri de fortune, il ne lui manquait qu’une chose : l’électricité, pour recharger son portable, sa lampe. À partir de 2010, il se mit à frapper à la porte du plus proche voisin, Lao Wu, 58 ans, gardien d’une piste d’auto-école désaffectée. Au fil des visites, les deux hommes devenus copains s’organisèrent : ils ouvrirent une guinguette avec cinq tables pliantes, une vingtaine de tabourets. Tandis Chengzhou embrochait, épiçait, grillait les brochettes, Lao Wu tranchait les « mantou », petits pains étuvés, et servait les clients. Le business prospérait – une foule affamée déjeunait chez eux à vil prix. Fermant les yeux sur ce commerce illégal, les policiers venaient manger gratis. Jusqu’au jour de 2015 où ils furent expropriés : vrombissant de bulldozers et de manœuvres, « leur » terrain s’apprêtait à se muer en maison de retraite.
Début 2016, Chengzhou décrocha un job au bureau des Postes. Au tri du courrier, il embauchait à 14h et sortait à 22h, à temps pour attraper le dernier bus. Le boulot n’était pas mal payé, à 3000¥/mois, dont il craquait deux-tiers en billets de loterie – moins pour gagner que pour tester ses élucubrations mathématiques.
Mais avec cet emploi du temps bien rempli, impossible de consacrer tout le temps voulu à sa passion ! Stressé, il grognait souvent aux collègues qu’il allait donner sa démission. En décembre 2017 son chef crut bien faire en l’augmentant. Mais quand Chengzhou reçut son enveloppe, assortie d’un petit laïus, il l’empocha sans remercier – ni revenir. Et quand les collègues l’appelèrent, il expliqua qu’on ne pouvait le retenir par une prime vraiment trop nulle, alors qu’il « était à l’aube de la gloire ». Clairement, il s’inventait des excuses pour justifier sa fainéantise !
Une fois sa liberté reconquise, Chengzhou travailla en forcené pour percer les secrets du loto. Sa quête vira à l’obsession, se privant même de dîner (mais non de boire, ni de fumer comme un pompier). Ayant localisé les kiosques du quartier, il faisait sa tournée, s’arrêtant à chacun pour contempler les tickets en vente, et en acheter certains après chaque fois d’interminables réflexions, suivant des critères cabalistiques. Durant ces instants, jamais Chengzhou ne se départait d’un mystérieux sourire, comme s’il se sentait alors vainqueur, supérieur à l’humanité, maître du destin. En même temps, il consignait ses notes sur un carnet – il en remplissait un par semaine, au moins.
Avant de regagner son gourbi, il faisait halte à l’épicerie du coin pour acheter deux paquets de tabac du jour et une flasque de baijiu. Le voyant revenir chaque soir, titubant, la chienne lui faisait fête, l’accompagnait au lit où il s’effondrait quelques heures sans manger, avant de se réveiller dans l’obscur et se remettre à griffonner ses diagrammes et formules, à la lueur blafarde de sa lampe…
Le 17 mars, journée des votes, toutes les propositions et promotions soumises par l’exécutif chinois furent approuvées à l’unanimité ou quasi-unanimité des 2980 édiles de la nation, à commencer par la réforme des organes et ministères.
Dans une atmosphère très théâtrale, une innovation a été apportée au rituel chorégraphique. 12 soldats des trois armes (terre, air et mer) ont défilé au pas de l’oie dans les travées du Parlement, apportant au podium le livre rouge de la Constitution.
Puis, conformément à l’un des 21 amendements votés quelques jours plus tôt à ce texte, les principaux leaders (Président Xi Jinping, vice-Président de la République Wang Qishan, Président de l’ANP, Li Zhanshu ont prêté serment, une main sur ce livre, l’autre dressée en l’air, poing fermé dans un style révolutionnaire.
Les élus :
Président (à durée indéterminée) : Xi Jinping
Vice-Président : Wang Qishan
Président de l’ANP : Li Zhanshu
Président de la CCPPC : Wang Yang
Président de la Commission Nationale de Supervision : Yang Xiaodu (18 mars)
Gouverneur de la Banque Centrale : Yi Gang (19 mars)
Vice-premiers ministres : Han Zheng, Sun Chunlan, Hu Chunhua, Liu He (19 mars)
Conseiller d’Etat et ministre de la Défense : Wei Fenghe (19 mars)
Conseiller d’Etat aux Affaires étrangères et Ministre des Affaires étrangères : Wang Yi (19 mars)
Conseiller d’Etat et Secrétaire général du Conseil d’Etat : Xiao Jie (19 mars)
Conseiller d’Etat et ministre de la Sécurité Publique : Zhao Kezhi (19 mars)
Ministre de la Finance : Liu Kun (19 mars)
Ministre de la Justice : Fu Zhenghua (19 mars)
Ministre des Ressources Naturelles : Lu Hao (19 mars)
Dimanche 18 mars – 20h (heure chinoise) : Une Première : La Ligue 1 de Football français se met à l’heure asiatique avec la transmission en direct du match Nice-PSG sur PPTV / Tencent Sports / Shanghai TV (Jinbao Sports Channel) /Guangzhou TV /Guangdong TV.
18-21 mars, Zhongshan : China (Guzhen) International Lighting Fair, Salon international de l’éclairage décoratif, de l’éclairage industriel et LED
19-21 mars, Canton : PCHI, Salon des soins personnels et des cosmétiques
19-22 mars, Shenzhen : Shenzhen International Furniture Fair, Salon international du meuble
20-22 mars, Shanghai : CHINAFLOOR / DOMOTEX Asia, Salon international des machines pour le revêtement de sol
20-22 mars, Shanghai : INTERMODAL Asia, Salon et Conférence sur le transport naval et la logistique portuaire
20-22 mars, Shanghai : IT&CM Asia, Salon de la création d’événements en Chine
20-22 mars, Shanghai : R+T Asia, Salon des volets roulants, portes et portails et protection contre le soleil
21-23 mars, Fuzhou : D.PES SIGN Expo, Salon de la signalétique, de l’affichage, de la gravure laser et équipements
21-24 mars, Shanghai : IBCTF, International Building & Construction Trade Fair, Salon international du bâtiment et de la construction
22-24 mars, Chengdu : China Food & Drinks Fair, Salon de l’alimentation et des boissons
22-25 mars, Canton : PET Fair, Salon de l’animal de compagnie
22-25 mars, Suzhou : Suzhou International Industry Expo, Salon international de l’industrie de Suzhou
23-25 mars, Shanghai : China MED, Salon des équipements et instruments médicaux