Editorial : Xi Jinping franchit le Rubicon

Fin février, le Président Xi Jinping a franchi le Rubicon en présentant un amendement visant à prolonger son mandat au-delà de la limite prescrite par la Constitution (10 ans). C’est une action qu’il méditait depuis longtemps, et que ses prédécesseurs Jiang Zemin et Hu Jintao avaient également tentée —en vain. Suite à cette annonce, les réseaux sociaux ne tardèrent pas à réagir  avec des commentaires comme « effrayant, Mao, Empereur, Pyongyang, Napoléon, migration » – autant de mots-clés vite censurés. De leur côté, les franges intellectuelles, voire religieuses ou financières de la société s’inquiètent… Le Quotidien du Peuple s’empressa alors de préciser que cela ne voulait pas dire que Xi Jinping resterait au pouvoir à vie, et que cela dépendrait de son état de santé.

Xi avait préparé le terrain en relançant à son profit le culte de la personnalité. Soigneusement nié par le Parti, ce culte est déployé très activement par la propagande qui publie en de nombreuses langues les livres de ses « pensées », et les reproduit sur des bannières rouges à travers les rues du pays. Chacune de ses visites dans des villages ou provinces pauvres sont médiatisées. La presse le désigne par des titres déférents, tel celui de « respecté leader » (lingxiu—领袖).

Le 19 février, une campagne démarrait pour conseiller au citoyen de rentrer chez ses parents « tenir sa mère par la main, comme le fait Xi Jinping » (cf photo) – ce dernier étant affiché comme l’archétype de la piété filiale.

Une partie de la population, notamment les paysans et les ouvriers, lui accorde une opinion largement  favorable—lui sachant gré de sa campagne virulente contre les cadres corrompus, « mouches », « tigres ». A présent la  cote de popularité de Xi sera-t-elle affectée par le fait qu’il puisse désormais se maintenir au pouvoir en durée illimitée ? Une partie de la réponse tiendra en sa capacité et à sa volonté de s’engager dans les réformes (qui n’ont pas eu lieu durant le 1er quinquennat), et leur soutien par l’administration, les provinces et la société au sens large.

Aujourd’hui, très peu parient sur la possibilité de voir advenir de profonds changements structurels réformistes.

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Autre sujet : le 25 février se déroulait à Pyeongchang (Corée du Sud) la cérémonie de clôture des JO d’hiver. Le cinéaste chinois Zhang Yimou en assura les 8 dernières minutes en un show somptueux combinant faisceaux laser, images de synthèse et patineurs sur leur écran de glace.

C’est ainsi qu’avait lieu le passage de témoin à la Chine, hôte des prochains jeux d’hiver de 2022 entre Pékin, Yanqing et Zhangjiakou. Dès maintenant, au vu des 3,9 milliards de $ jetés dans l’aventure, on devine que ces seconds JO pékinois en 14 ans seront une réussite, avec TGV dévorant en 50 minutes les 140km entre Zhangjiakou et Pékin, et centres de glisse (bobsleigh, luge, ski alpin et ski nordique) à la pointe de la technologie. Même la neige sera garantie, sur des pentes naturellement arides, mais qui se pareront pour la fête de neige artificielle.  

Par contre, rien ne présage une foison de médailles chinoises en 2022. En effet, à Pyeongchang, même avec des équipements importés et des entraîneurs étrangers, les 82 athlètes chinois n’ont obtenu que 9 médailles, dont une seule en or. La Chine se classe ainsi 16ème (quatre rangs plus bas qu’à Sotchi en 2014). C’est peu, surtout par rapport aux JO d’été à Pékin en 2008, où elle finissait 1ère, avec 100 breloques pile, dont 51 médailles en or. Ces JO de 2022 auront sans doute un autre but : dans cinq ans, la Chine veut disposer de 650 patinoires, 800 stations de ski, et 300 millions d’amateurs chinois s’adonnant au moins une fois par an à un sport de neige ou de glace. Mais pour développer ce secteur de sports et loisirs en pleine expansion, tout reste à faire.

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1 Commentaire
  1. severy

    Hmm! Les Jeux olympiques d’hiver de 2022 auront lieu dans les environs de Pékin, une région qui manque notoirement d’eau. On voit d’ici les affaires plantureuses que pourraient faire la France, pays exportateur d’eau qui serait transformée en glace et en neige. Ces Jeux deviendraient ainsi les plus propres de l’histoire du sport. Les Jeux de Pékin, Jeux de l’écologie?

    On se demande ce que Xi Jingping aurait à gagner en restant au pouvoir tout en perdant ses capacités comme tout vieillard qui s’ignore. Il n’ a pas manqué de voir ce que cela avait donné avec Mao. Il risque de cette façon de laisser de lui le souvenir d’un autocrate s’accrochant au pouvoir, ayant transformé son pays en un gigantesque clapier dont la population de cobayes sert bien involontairement de cochon d’Inde dans une émission de télé-réalité permanente réalisée pour le plus grand profit du Parti.

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