Politique : « Deux Assemblées » – bruits de couloir

La lutte contre pollution reste bien l’une des trois batailles du Président Xi Jinping qui, à l’ouverture de l’Assemblée Nationale Populaire (ANP), lançait aux élus mongols :  « entamer des projets polluants sous couvert de relancer la croissance ? N’y pensez même pas » ! Li Ganjie, ministre de l’Environnement, renchérissait : « si nous lâchons prise, tous nos efforts auront été en vain ». Commandée à 2000 experts scientifiques, une étude nationale devant paraître début 2020 doit identifier les facteurs causes de la pollution et les solutions pour y remédier. En attendant, dans 338 conurbations, les microparticules (µ2,5) ont reculé de 9,3% en 2018. Autre petite victoire : au nord du pays, 4,8 millions de foyers ont rejoint la masse de ceux ayant troqué le poêle à charbon pour le chauffage au gaz ou électrique. Mais des défis majeurs demeurent, telles les écarts des progrès entre régions, ou les données sciemment falsifiées par les cadres pour assurer leur promotion. Le ministre n’en fait pas fard, toutes les mesures aisées étant déjà prises, les tâches qui restent sont celles « difficiles » – le charbon représente toujours 59% du mix énergétique du pays.

Zhong Zhiyu, ingénieur-chef à l’institut de planification de Changjiang, s’inquiète du réservoir de Danjiangkou (Hubei), alimentant le canal Sud-Nord (70% des besoins en eau courante de Pékin et de Tianjin), mais qui s’épuise. C’est une mauvaise nouvelle, alors que le projet d’intégration régionale Jing-Jin-Ji (Beijing-Tianjin-Hebei) va augmenter la demande en eau, et donc la pression sur le canal et le réservoir.

Autre sujet scruté à l’ANP, la lutte anticorruption s’enrichit d’un nouvel outil : les 16 pages de la déclaration fiscale des fonctionnaires et de leurs proches. Jusqu’à l’an passé, cette simple formalité ne prêtait pas à conséquence, mais les édiles apprennent qu’il sera désormais épluché minutieusement par les contrôleurs de la Commission Interne de Discipline (CCID) : toute irrégularité détectée, mettra un terme à tout espoir de promotion, voire des risques d’expulsion du Parti et de poursuites judiciaires.

En compensation, le Bureau général du Comité Central promettait le 11 mars aux cadres de la base d’alléger leur charge administrative. Les rapports officiels seront réduits à 10 pages, les inspections se feront plus espacées, et effort sera fait pour éviter les contradictions entre les objectifs donnés. Pour les experts, cela ressemble à une marche arrière, une tentative de rassurer des millions de ronds de cuir pétrifiés par les frappes de la campagne anti-corruption et n’osant plus prendre d’initiative.

Un nom qu’on n’entendait plus, resurgit : celui de l’ex-Président Hu Jintao, dont le fils devient secrétaire du Parti à Xi’an, capitale du Shaanxi –la province d’origine de Xi Jinping. Hu Haifeng, 46 ans, devra reprendre en main la métropole agitée par un scandale de corruption, autour d’un lot de villas illégalement construites.

Cadeau empoisonné ou opportunité de briller, Hu a de bonnes cartes en main : sa réputation de ne pas faire de vagues, et sa neutralité dans cette ville où il n’a aucun lien. Certains interprètent cette nomination comme une main tendue, d’un Xi Jinping en quête d’alliés, à la Ligue de la jeunesse (tuanpai), base historique du pouvoir de Hu Jintao. Pour l’analyste politique Alex Payette, le coup de pouce au fils de l’ancien Président pourrait aussi être un prêté pour un rendu : en 2012, Hu avait cédé sans retard à son successeur Xi ses mandats à la tête des trois pouvoirs (Parti, Etat, armée).

Côté justice, le rapport de la Cour Suprême en mécontentait plus d’un : 156 députés votèrent contre et 67 s’abstinrent. Effet, le nom du Président de la Cour Suprême, Zhou Qiang, a été évoqué dans un scandale de documents volés à la Cour Suprême, favorisant un institut public, au détriment d’une entreprise privée. En une sorte de mea culpa, Zhou promettait de protéger et défendre le droit à la propriété, particulièrement des entreprises privées. Les édiles se penchèrent aussi sur les technologies d’avenir. A la CCPPC, pléthore de personnalités, sportifs, hommes d’affaires, nourrirent le débat. Robin Li (Baidu), Pony Ma (Tencent), Lei Jun (Xiaomi) discutèrent intelligence artificielle, 5G, addiction aux jeux vidéos… Contre ce dernier fléau, la Fédération de la jeunesse proposa de bannir des plateformes de live-streaming les mineurs, qui représentent tout de même 45% des utilisateurs ! A ce groupe de travail, un homme brilla par son absence : Richard Liu, le patron de JD.com, qui se fait oublier après s’être trouvé mêlé dans une récente affaire de mœurs aux Etats-Unis.

Loin de la politique ou des grandes questions, de bien réelles doléances du petit peuple furent aussi abordées, comme celle de Zhang Qingbin, qui réclamait une limite au prix des fiancées, un tarif fixé au village par les parents de jeunes filles. « Avant le mariage, explique l’élu du Hebei, on négocie à partir de 1,5kg de billets de 100¥, un logis, une voiture ». Or ce coût exorbitant force le prétendant à s’endetter à vie, ou bien à renoncer à convoler. Une solution préconisée pouvant être des allocations gouvernementales au mariage…

Chen Yulu, vice-gouverneur à la Banque Centrale s’enthousiasme d’un usage futur du relevé interbancaire : inclus à la note de « crédit social » de tout citoyen dès 2020, il permettra aux bons candidats de prouver leur solvabilité auprès de leurs futures belles-mères, qui pourront dès lors sans hésiter donner la main de leurs filles.

Chaud devant ! 30 députés du Jiangsu appelaient à sanctionner de 3000 yuans d’amende et d’un retrait total de permis (12 points) les chauffards roulant sur la bande d’arrêt d’urgence… Pour l’instant, l’infraction—rarement sanctionnée– coûte 200 yuans et 6 points.

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