Monde de l'entreprise : Les mystérieuses “parts dorées” de l’Etat chinois

Les mystérieuses “parts dorées” de l’Etat chinois

Moins connues que les « parachutes dorés », voici les « participations dorées » (黄金股份 ; huángjīn gǔfèn) ! C’est le nom donné aux prises de participation minoritaires (environ 1%) de l’État dans des compagnies privées. Elles sont qualifiées de « dorées » car elles sont souvent accompagnées d’un siège au conseil d’administration ou/et d’un droit de véto sur certaines décisions stratégiques du groupe – chose extrêmement rare pour une participation de seulement 1%.

Ce système ne date pas d’hier. En 2016, Pékin l’a appliqué aux entreprises générant ou rediffusant du contenu en ligne. Aujourd’hui inquiet pour sa « sécurité nationale », l’État a décidé d’y avoir recours pour garder la haute main sur les entreprises privées qui détiennent des quantités importantes de données.

Les péripéties de l’application de courtes vidéos TikTok aux États-Unis sous l’ère Trump, et le passage en force du leader des VTC, Didi Chuxing, en bourse de New York, n’ont fait que conforter Pékin de la nécessité d’avoir recours à ces « actions préférentielles ».

D’après Wu Xiaoling, ancien directeur du bureau de recherches de la Banque Centrale, ce système présente l’avantage de protéger l’intérêt public tout en préservant l’indépendance des firmes.   

Le cas de la maison-mère de TikTok, Bytedance, est éclairant. Fin avril, la licorne a révélé avoir cédé 1% de ses parts fin 2019 à un fonds d’investissement (WTZW) contrôlé par le China Internet Investment Fund (CIIF), lui-même dirigé par l’administration nationale du cyberespace (CAC). Cette cession inclut une clause qui permet à un dirigeant de WTZW de siéger au conseil d’administration de ByteDance. Même si le directeur de WTZW (un ancien de la CAC) n’assiste que très rarement aux réunions, c’est un rappel permanent que les autorités peuvent intervenir à tout moment. En échange, Bytedance aurait obtenu plus facilement les licences d’exploitation pour ses agrégateurs de contenu.

Bytedance n’est pas la seule société à avoir été ainsi « investie » par l’État. Les autorités auraient également pris des parts de son rival Kuaishou ainsi que d’autres plateformes comme Ximalaya (équivalent chinois de Spotify) et Full Truck Alliance (le Uber du transport routier). Le gouvernement serait également en pourparlers avec Didi Chuxing dans le cadre d’une restructuration plus large de l’entreprise, après lui avoir ordonné de se retirer de Wall Street.

Dans la plupart des cas, aucune information ne filtre sur ces « participations dorées » jusqu’à ce qu’elles soient enregistrées publiquement, souvent plus d’un an plus tard… Il est donc difficile d’évaluer à ce jour le nombre d’entreprises dans lesquelles le gouvernement chinois a des « parts dorées », en particulier dans celles qui sont cotées aux États-Unis. Une opacité qui n’est pas du goût du régulateur boursier américain (SEC).

En parallèle de ces « actions préférentielles », la tutelle boursière chinoise (CSRC) vient de durcir les conditions de cotation en bourse à l’étranger pour ses entreprises. Désormais, toute entreprise souhaitant lever des fonds hors frontières devra s’enregistrer auprès de la CSRC. Cette dernière examinera les projets de cotation et se coordonnera avec d’autres agences gouvernementales, comme la CAC, pour s’assurer que les firmes respectent bien les lois chinoises, notamment en matière de sécurité des données.

Contrairement aux rumeurs, la CSCR ne compte pas interdire aux entreprises chinoises structurées en « entités à intérêt variable » (VIE) de lever des fonds à l’étranger, si elles sont en conformité. Cette structure juridique a permis, en deux décennies, à plus de 500 compagnies chinoises de contourner les restrictions du gouvernement chinois en matière d’investissements étrangers. 

Le gouvernement aura donc le pouvoir d’empêcher les entreprises de se faire coter à l’étranger s’il estime que le projet menace la « sécurité nationale ». Ce faisant, il met un terme à une faille juridique qui avait permis à Didi Chuxing de passer outre les recommandations de la CAC.

La tendance est nette : « participations dorées », cotations à l’étranger… Pékin ne laisse plus rien au hasard !

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