Technologies & Internet : Viya, la reine du live-streaming, écope d’une amende record

Viya, la reine du live-streaming, écope d’une amende record

Coup de tonnerre dans le monde de l’e-commerce. Viya (薇娅), la « reine » des ventes en live-streaming, a été épinglée le 20 décembre par le bureau des taxes de la ville de Hangzhou pour avoir dissimulé des revenus et fait de fausses déclarations en 2019 et 2020.

Le montant de l’amende, qui comprend le recouvrement des impôts ainsi que des pénalités de retard, est astronomique : 1,34 milliard de yuans (185 millions d’euros). Il s’agit de la plus grosse pénalité infligée ces dernières années à une célébrité. Même l’actrice Fan Bingbing n’avait dû s’acquitter « que » de 883 millions de yuans pour avoir fraudé le fisc en 2018.

Dans son dernier post Weibo, la jeune femme de 36 ans a battu sa coulpe : « je m’excuse sincèrement auprès de la société et des personnes qui m’ont toujours soutenue (…) j’accepte consciencieusement la punition infligée par les autorités fiscales », a-t-elle écrit. Le lendemain, tous ses comptes sur les réseaux sociaux ont été supprimés ou suspendus. Un lynchage en règle s’ensuivit, mené par la presse d’État ainsi que la chaine de télévision CCTV.

Fin novembre, deux autres influenceurs, Cherie et Lin ShanShan, ont également été frappés par l’administration fiscale d’amendes de plusieurs dizaines de millions de yuans, avant d’être blacklistés de la toile… Selon Xinhua, plus d’un millier d’autres live-streamers, craignant d’être les prochains sur la liste, ont pris les devants et ont déclaré leurs véritables revenus au fisc. Les retardataires avaient jusqu’au 31 décembre pour se mettre en règle, sous peine de sanctions.

La suspension de Viya, figure emblématique du « télé-achat » 2.0, est un nouveau coup dur pour le géant du e-commerce Alibaba, qui compte essentiellement sur ces animateurs stars pour défendre sa position de leader du shopping en ligne face à de redoutables compétiteurs tels que Douyin, Pinduoduo et Kuaishou.

Originaire d’une famille de commerçants de l’Anhui, Huang Wei – de son vrai nom – monte à Pékin alors qu’elle n’a que 16 ans et devient vendeuse dans un marché de gros près du zoo. Passionnée de chant, elle remporte l’émission de téléréalité « Super Idol » en 2005. Faute de perspectives dans la chanson, elle décide d’ouvrir plusieurs boutiques de vêtements à Xi’an avec son mari. C’est par hasard qu’elle se pique d’intérêt pour le e-commerce et se met à vendre en ligne. En 2016, Taobao la remarque et lui propose d’animer une émission en live.

Grâce à ses talents de vendeuse, son show devient rapidement le plus populaire de la plateforme. En trois ans, ses ventes ont été multipliées par quinze, de 2,7 milliards de yuans en 2018 à 38,6 milliards en 2020, sur lesquelles Viya et son équipe de production perçoivent une commission d’environ 30%. Désormais richissime, Viya a réussi à échapper à un impôt sur le revenu qui peut s’élever jusqu’à 45% en ouvrant de nombreuses sociétés-écrans. Si les gouvernements locaux ont longtemps fermé les yeux sur cette combine très répandue dans le secteur, le ralentissement économique actuelen particulier du marché immobilier – les a conduits à mettre un terme à ce laxisme fiscal, de manière à compenser leur baisse de revenus.

À travers la disgrâce de Viya, c’est le sort de toute l’industrie du live-streaming qui est en jeu. En seulement quelques années, le secteur s’est développé à une vitesse incroyable, pour représenter 2000 milliards de yuans en 2021 (+90%). Selon les calculs du Global Times, les 20 animateurs les plus populaires, dont Viya et « le roi du rouge à lèvres » Austin Li, ont réalisé pour 106 milliards de yuans de chiffres d’affaires en 2020. Lors du lancement du festival du 11.11, Viya et Austin Li ont réalisé pour 19 milliards de yuans de ventes en seulement 24h.

Cette concentration des profits dans les mains de quelques-uns déplait fortement au leadership, qui ambitionne de mieux redistribuer les richesses et de réduire les inégalités, objectifs résumés par le concept de « prospérité commune ».

L’État considère également que les dérives associées à la croissance de l’industrie (chiffres de ventes fabriqués, publicité mensongère, contrefaçons, violation des droits des consommateurs…) sont la conséquence d’une « expansion désordonnée des capitaux », et « vampirise » l’économie réelle.

Néanmoins, cet avertissement adressé au secteur ne veut pas nécessairement dire que le gouvernement veut le voir disparaître, mais plutôt le voir mieux régulé. En attendant, les quelques centaines de milliers de jeunes Chinois qui se sont lancés dans le live-streaming dans l’espoir de gagner leurs vies, retiennent leur souffle…  

Avez-vous aimé cet article ?
Note des lecteurs:
0.91/5
11 de Votes
Ecrire un commentaire