Politique : Les réformes au menu

En cette rentrée, peu de jours se passent sans que n’apparaisse dans la presse une annonce de réforme, potentiellement décisive pour le pays. Tous ces projets reflètent un compromis, entre la vision des concepteurs réformistes et la guerre de tranchée des bastions du conservatisme. Transparaît aussi, le coup de pouce apporté par les accidents de l’été (dévissage de la bourse, explosion chimique de Tianjin). Ces catastrophes ont dévoilé le prix que la nation commençait à payer pour les 20 dernières années de surplace en terme de réforme, au nom de la soi-disant « stabilité », et en réalité, de la défense des privilèges de groupes nantis. La plupart de ces réformes devraient être avalisées lors du Plenum d’octobre, session annuelle du « Parlement » du Parti : 

<p>(1) Les entreprises d’Etat : D’ici 2020, les 155.000 firmes publiques sont supposées recevoir du capital privé, être restructurées… Mais les 75.000 groupes « stratégiques » (énergie, télécoms, transports…) resteront sous l’ombrelle publique. Le principe de la faillite, pourtant essentiel, reste absent, et chez les méga-groupes, le Parti veut garder son influence par un système de « doubles commandes », avec patrons « rouges » et ceux recrutés sur le marché. Au risque que le capital privé refuse de venir investir sans disposer des leviers de commande… 

Pour autant, la réforme va faire bouger les choses dans les conglomérats, qui devront céder leurs actifs marginaux (comme pour Sinopec, une chaine d’hôtels et 4000 voitures de fonction), et cesseront de prendre leurs ordres de la tutelle SASAC, remplacée par des holdings financières genre Temasek (Singapour). Pour leur part, les 80.000 PME publiques, y compris 30 à 50 firmes automobiles, pourraient être rachetées ou fermées, faisant place nette sur des marchés en surcapacité. 

(2) Environnement : encore confidentiel, un plan directeur a été adopté pour soumettre toute l’économie à des normes écologiques. Tout y est réglé (primes et amendes, propriété des ressources, application des lois), ne laissant ainsi plus de place au hasard ou à l’arbitraire. Tout aussi essentiel, Xi Jinping et Barak Obama conviennent d’accélérer parallèlement dans leurs pays le rythme du franchissement du pic d’émission de CO2. Selon Jacques Audibert, le conseiller spécial de François Hollande, ce geste a « une valeur symbolique de portée mondiale », s’agissant des deux nations les plus pollueuses. Côté Chine, l’accord se traduirait (sous réserve d’inventaire) par un franchissement du pic d’émission dès 2025, avec 5 ans d’avance sur l’engagement précédent, de juin dernier.

(3) Anticorruption : Xi veut étendre l’action à l’étranger, traquant les corrompus réfugiés. C’est la reconnaissance d’un fait que les leaders ne soupçonnaient pas deux ans en arrière lors du lancement de la campagne : l’argent public volé peut aller alimenter le crédit gris, mais aussi les triades et le terrorisme.
Des innovations apparaissent, tel ce code de conduite pour les édiles, Bureau Politique inclus. Transfuges et « cadres nus » (ceux dont les familles sont déjà à l’étranger avec leurs biens) doivent être traqués. Des accords bilatéraux se négocient, d’extradition et répressions diverses. Zhao Hongzhu, n°2 à la CCID visitait Interpol à Lyon (8 septembre). Liu Jianchao, diplomate de carrière, rejoint ce corps de police interne du Parti et dirigera les actions « chasse au renard » et « filet au ciel », qui visent un rapatriement massif (pour l’instant encore limité) des transfuges. 

(4) Armée : lors de la grande parade du 3 septembre, Xi Jinping annonçait la démobilisation de 300.000 soldats, dont 170.000 officiers d’infanterie (de lieutenant à lieutenant colonel). Ce dégraissage d’effectifs pléthoriques rendra l’armée de terre plus mobile et réactive. Un plan de refonte complète est par ailleurs annoncé.

(5) Finance : pour imposer le yuan comme devise à part entière, la Chine va créer en 2015 son code de domiciliation bancaire , rival du Swift (USA) et de l’IBAN (Europe). Elle lance aussi son fonds d’Etat pour PME doté de 9,4 milliards de $. Surtout, ses palabres avec les USA pour un code de protection des investissements sont bien avancées. Les auteurs sino-américains veulent élaguer la longue liste des marchés chinois interdits aux étrangers. Pékin n’y est plus hostile, car elle aussi a besoin de relance ! « A ce jour, déclare J. Wuetke, Président de la Chambre de Commerce Europe-Chine, seuls 3% des IDE européens atteignent la Chine », qui pourrait en ambitionner 15% (suivant sa part du produit mondial brut), voire 23% (selon sa population). 

(6) Santé : suite à des années d’efforts de construction d’hôpitaux et de formation du personnel, le ministère de la Santé vise d’ici 2017 de traiter tout malade « grave » dans son district, sans devoir voyager des centaines de km. Et pour empêcher les hôpitaux de surtaxer de 15% à 30% les remèdes prescrits, l’Etat permet depuis septembre, en projet-pilote, leur vente par internet. De 3 milliards de $ en 2014 (2,4% du marché), selon Boston Consulting Group, la « e-pharmacie » passerait à 110 milliards en 2020. Sur le même principe, les hôpitaux se mettent aussi aux diagnostics en ligne, avançant ainsi vers un système de santé de masse, moderne et à bas prix.

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