Société : Une cartographie anathème

Vers quel bord politique tendent les Chinois ? Deux doctorants au MIT et à Harvard, J. Pan et Xu Yiqing , ont tenté de répondre à cette question anathème (pour le régime) mais légitime (pour les chercheurs). A partir d’un sondage mené par des étudiants de Beida en 2014, ils ont réalisé une carte politique du pays. 171 830 internautes anonymes de 29 provinces (localisés grâce à leurs adresses IP) ont répondu à 50 questions audacieuses pour ce pays ( « faut-il reprendre Taiwan de force ? », « peut-on aimer hors du mariage ? »...). Deux visions antagonistes de la société en ressortent : – une dans la tradition Mao, autoritariste, centralisatrice et nationale ;- une libérale, plus proche de l’Occident et des droits de l’Homme. 

On ne s’étonnera pas de trouver la 1ère à l’intérieur (en rouge sur la carte) et la 2de à la côte (en bleu). Un tiers du territoire reste inclassable, en violet (mixte) et en gris (manque de données).Sans surprise, le libéralisme est affaire d’éducation et de fortune. Les zones « ouvertes » sont celles riches telles Shanghai, Guangdong et Zhejiang. Les plus conservatrices sont les plus pauvres et excentrées –Xinjiang, Guizhou et Guangxi.
Plus en détail, l’étude dévoile une lame de fond autoritaire, animée par la peur du lendemain. Jilin et Heilongjiang, aux conglomérats frappés par la crise, se referment : les aînés y sont plus libéraux que la jeunesse. Même constat en Mongolie Intérieure aux richesses (minières) mal réparties et au peuple moins éduqué. De même, Pékin, se classant à la 4ème place des régions libérales, recule à la 6ème au classement des moins de 25 ans.
L’impact de l’histoire est également visible : quoique plutôt riche, le Hunan, patrie de Mao, garde de vieilles opinions très « gardien du temple », et à Chongqing, les campagnes rouges initiées par Bo Xilai, laissent une nostalgie auprès d’un 3ème âge rêvant d’un retour d’une gouvernance moins matérialiste et plus équitable. Enfin au Xinjiang, la violence des dernières années et l’absence probable des Ouighours au sondage, suffisent à expliquer une opinion obnubilée par un pouvoir fort, une « tolérance zéro ».

Ainsi, cette carte politique offre un précieux instantané de la société chinoise – en dépit de faiblesses tel son échantillonnage statistique contestable et l’absence de données comparatives antérieures.
Côté pouvoir, Global Times récuse l’exercice, déniant que des circonstances, économiques et autres, puissent générer des variations de perception entre les régions. Mais qu’on ne s’y trompe pas : ce travail aura nourri la réflexion, au sein du Parti et en dehors. D’autant qu’une conclusion s’impose, dérangeante mais têtue, que le pouvoir ne désavouerait pas : aujourd’hui en Chine, une démocratie « à l’occidentale » serait dangereuse, en risquant de dresser des régions contre d’autres.

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