Diplomatie : Conflit de mer de Chine du Sud – Le dernier tournant

Le conflit latent depuis des années entre Chine et autres riverains en mer de Chine du Sud, prend un tournant nouveau et inquiétant. Depuis 2014, Pékin qui exige la quasi-totalité de l’espace maritime, ne laissant aux voisins que 12 milles marins (20km) le long de leurs côtes, renfloue 5 atolls à étapes forcées aux Spratleys (au large de Palawan, Philippines), ayant déjà quadruplé leur taille à 800ha. 

Selon le Pentagone, image satellite à l’appui (cf photo), une des îles aurait un aéroport en cours d’aménagement, capable d’accueillir des chasseurs-bombardiers, et toutes devraient recevoir des radars, mettant l’APL en état d’imposer l’interdiction de survol ou de passage. 

Or, l’élément nouveau vient –bien tardivement– des Etats-Unis qui réagissent, soucieux de garantir la pérennité de cette « artère jugulaire » de l’humanité, par laquelle transitent 5 trillions de $ de marchandises par an, dont l’essentiel des 600 milliards de $ des échanges sino-US. 

Rompant le silence, Obama avertit par Pentagone interposé, qu’il « prépare » des patrouilles aériennes et navales vers les chantiers contestés. En avant-première du Dialogue Stratégique Economique sino-américain (17-18 mai), John Kerry, Secrétaire d’ Etat aux Affaires étrangères annonce (11/05) qu’il viendra rappeler « très clairement » le principe de la liberté de navigation. Pentagone et maison Blanche seraient « de plus en plus décidés » à exprimer « activement » leur refus de toute poursuite des travaux. « On peut monter des bâtiments sur une île, déclare en substance Kerry, mais pas la souveraineté sur elle ».

Quel objectif vise cette réponse ? Contraindre à des concessions, et suggérer que les Etats-Unis ont devant eux d’autres options futures. 

Pourtant, la Chine a tenté ces semaines passées de prévenir ce raidissement. La porte-parole Hua Chunying qualifiait ces constructions de « raisonnables et légitimes », tenté de les présenter comme « au service de la stabilité […] et de la communauté internationale ». 

Puis après l’avertissement de Kerry, elle rétorquait vertement : les pays concernés doivent « s’ abstenir de provocations risquant de fragiliser la paix », et la Chine va « résolument sauvegarder la souveraineté et sûreté de son territoire ».

Ainsi, de part et d’autre, on hausse le ton mais avec beaucoup d’effet de théâtre, et souci de ménager l’adversaire. Les patrouilles de l’US Army ne sont pas « décidées » mais au stade de la « réflexion », et en tout état de cause, elles s’arrêteraient à 12 milles de l’objectif— à peine assez pour un contact « à l’horizon », vu d’avion. 

Idem, ce Dialogue Stratégique abordera d’autres thèmes où Etats-Unis et Chine ont plus de consensus, tels la Corée du Nord et son cyclothymique dictateur Kim Jong-un (qui viendrait d’exécuter à coup d’obus son ministre de la Défense), et telle la préparation de la visite de Xi aux USA en septembre prochain. 

Il n’est d’ailleurs pas inenvisageable que la pression américaine, pour l’instant au stade verbal, ait été conçue à seule fin de rassurer les petits pays d’Asie, sur la solidité de leur alliance avec l’Oncle Sam : mais sans intention de la faire suivre d’effets, ni de compromettre le lien avec la Chine…

Ces pays, d’ailleurs, ne misent pas tout sur le parapluie militaire américain : le Vietnam s’est mis à son tour mis à renflouer « ses » atolls aux Spratleys (augmentant leur surface, à ce jour, de 25 hectares). Les Philippines viennent d’envoyer des journalistes sur l’îlot de Thitu, une de ses 9 possessions dans l’archipel, que Manille veut ouvrir au tourisme international. La Chine ne rate pas l’occasion de dénoncer les actions des deux pays, selon l’argument de « pourquoi eux et pas moi ? ». 

Elle reste muette sur l’avancée de Taiwan, en train de parachever discrètement un port à 100 millions de $ sur son unique îlot. Ainsi, chaque riverain s’est mis à développer sa part de l’archipel selon ses propres moyens – mais à ce petit jeu, aucun n’atteint l’échelle d’investissement du Céleste Empire. 

Face à ce développement, les puissances aussi –et pas que Washington– sortent de l’apathie : tous, pour soutenir les petits pays riverains. Le Japon vient de tenir des exercices navals avec la flottille philippine (12/05), et lui livrera 10 garde-côtes neufs, fin 2015. La 6ème flotte US sollicite son retour à 8 bases aux Philippines, dont Clark et Subic, qu’elle avait dû quitter en 2012. Moscou conclut avec le Vietnam un pacte de défense et (au grand dam de l’APL) lui livre 50 missiles mer-air, logeables à bord de ses sous-marins russes de classe Kilo. 

Pas de doute, le conflit s’internationalise très rapidement, et la Chine est seule contre tous. Mais c’est un isolement qu’elle connaît bien et dans lequel elle semble à l’aise… L’affaire est promise à des rebondissements dans les mois à venir : l’été pourrait être chaud.

Avez-vous aimé cet article ?
Note des lecteurs:
0/5
15 de Votes
Ecrire un commentaire