Diplomatie : Première sortie de Li Keqiang : Inde, Pakistan, Suisse, Allemagne

Anti Li Keqiang Protest In India On SundayLe choix de l’ Inde comme première étape de la mission de Li Keqiang en Asie et Europe (19-25/05) n’était pas dû au hasard. Entre ces deux pays géants, les échanges en 10 ans sont passés de 2,1 à 68 milliards de $. Le ciel pourrait être limpide s’il n’y avait une immense méfiance entre eux :83% des Indiens perçoivent les Chinois comme « un danger ». Mais 64% se disent prêts à coopérer avec eux pour s’imposer ensemble dans le monde. 

Pour Li Keqiang, ces chiffres discordants étaient l’indice que que le moment était bon pour tenter de rétablir la confiance. Mais le chemin à parcourir est sans fin. Finalement, le communiqué commun évitait de prononcer le mantra sacré de Pékin, le principe d’« une seule Chine » – à cause du Tibet, dont l’Inde occupe une miette, et à cause du Cachemire, indien et pakistanais, mais dont la Chine détient aussi une fraction (au Ladakh)…

La seconde étape de Li Keqiang au Pakistan, vieil allié, visait à rassurer Islamabad, après le passage à Delhi. Li et le nouveau 1er ministre, Nawaz Sharif, ont réévoqué le réacteur nucléaire de 1000 MW (peut-être) commandé par Islamabad, et la coopération en matière de technologie nucléaire civile.

Plus spectaculaire était son passage en Suisse, « symbole de l’ouverture chinoise au monde extérieur ». C’était pour signer, avec le Président Ueli Maurer, le 1er accord de libre échange (FTA) avec une des 20 premières puissances commerciales. Comme déjà évoqué (cf VdlC n° 18), Pékin espère via ce texte, accélérer un accord « FTA » avec l’UE, sous la pression des secteurs européens (chimie, machine outil, horlogerie/luxe) pénalisés par les avantages concédés aux Suisses : 6 à 12% de baisse douanière sur les montres.

Puis venait le clou du voyage, l’Allemagne. Li Keqiang y atterrissait (25/04) au cœur d’une dispute sino-Union Européenne à propos des panneaux solaires (cf VdlC 17), où Berlin pouvait apparaître en arbitre, puisque opposé à l’approche « négative » de la Commission : sa taxe dès le 06/06, de 47% en moyenne des produits chinois. En fait, dès maintenant, d’intenses palabres sont en cours, avec une quarantaine de firmes chinoises réunies en club d’autodéfense. Déjà auteurs de rétorsions identiques, les Etats-Unis cherchent eux aussi à obtenir un « suspension agreement », moyennant l’assurance d’une autodiscipline d’export – quotas, prix minimums. Ce qui révèle la véritable nature du conflit en cours. Européens, Américains et Chinois ne visent pas à éreinter l’autre par une guerre commerciale, mais à établir de nouvelles règles, pour des échanges encore plus intenses. 

Il suffit, pour s’en convaincre, de lire les dernières déclarations de la Commission : « banco, dit-elle en substance, pour un accord FTA, mais moyennant l’ouverture du marché chinois des services, et la protection des investissements ». Bruxelles va aussi très bientôt présenter une « stratégie commerciale commune » euro-chinoise. Elle propose que le secteur environnemental des 27 Etats Membres participe à l’équipement décarbonisé des villes chinoises, que les deux blocs s’attèlent ensemble en Afrique, à l’exploitation minière et des matières premières… Et dix autres idées pour rétablir la croissance, entrer dans une autre ère ! 

Légende : protestations anti-chinoises à Delhi le 20/05

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