Le Vent de la Chine Numéro 19

du 25 mai au 7 juin 2013

Editorial : La seconde vie chinoise de Danone

DanoneCinq ans : c’est ce qu’il a fallu à Danone pour surmonter le naufrage de sa première aventure chinoise, en annonçant (20/05) deux joint-ventures avec COFCO, n°1 national du commerce alimentaire et avec Mengniu, n°1 du lait. 

Pour ce n°1 mondial du yaourt, 13 ans d’efforts pour bâtir son réseau chinois avec sa filiale Wahaha passaient à la trappe en 2009. Durant ces années, l’entité locale avait grandi dans un flou juridique dangereux pour Danone. 

Quand éclatèrent les disputes pour la propriété des 39 filiales, Danone allait perdre tous ses procès. En plus du problème juridique, existait sans doute un problème de modèle commercial. Danone avait multiplié les participations dans des firmes locales férocement concurrentes, supposant entre elles une coopération qui était impossible. Outre la défection de Wahaha, cette stratégie allait probablement inspirer aussi le « feu rouge » de Pékin à une première tentative de rapprochement avec Mengniu en 2007. 

Pour Danone, la chance allait revenir un peu plus tard. Créés ex-nihilo par un Etat obsédé par l’autosuffisance, les groupes laitiers chinois avaient crû à vitesse de l’éclair (Mengniu vaut à présent 4,4 milliards €), mais sans éviter les erreurs de parcours comme le scandale du lait à la mélamine qui affecta 600.000 bébés en 2008. Aujourd’hui encore, la confiance du consommateur reste au plus bas. Pour assurer leur avenir, ces maisons font face à un défi considérable : augmenter de front qualité et volumes, renforcer la gamme, redorer l’image – toutes choses inaccessibles sans une part de participation des ténors internationaux de la filière. 

Danone conclut donc deux mariages à la fois. COFCO, conglomérat d’import- export alimentaire, détenait 36% du capital de Mengniu : pour 175 millions d’€, il en cède 4% à Danone, soit 49% d’une JV spécialement créée, qui en reçoit 8%. D’ici décembre, Danone doit voir ses parts de Mengniu monter à 10%. Ainsi, Danone se dote d’un allié puissant, qui l’aidera à naviguer à l’aise dans les courants troubles de l’économie chinoise. La seconde joint-venture, avec Mengniu, vise 21% du marché du yaourt frais : pariant sur une croissance forte, la JV vise 21% des ventes (500 millions d’€). Chacun apporte ses usines locales (13 au total) et sa distribution. Danone, qui pèsera 20% dans la JV, apportera 150M€, sa ligne Activia et son expérience en produits de «santé active», fort utile en ce pays qui en est au « B-A-BA » de la diététique. C’est « l’union idéale », dit Frank Riboud, le PDG, le fondement d’une alliance stratégique avec le groupe mongol, si tout se passe bien…

Le groupe a beaucoup à gagner : avec le Brésil, c’est la Chine qui tire le marché mondial du lait, tandis que l’Europe recule. Porté dès 2013 par la double alliance, il devrait tripler ses ventes à 5% du marché contre 1,6% en 2012. Danone avait profité jusqu’alors de l’effet « pro-étranger » en exportant en Chine son lait en poudre pour bébé et ses eaux comme Evian. Mais en yaourt, il restait à la traîne avec 25M€ de chiffre, sur un marché local de 2 milliards d’€. Cependant, s’associant à un groupe à l’image faible, Danone prend le risque de se retrouver comme le néozélandais Frontera en 2008, alors actionnaire du groupe Sanlu, qui venait de se rendre coupable des fraudes du lait à la mélamine. 

COFCO elle, fait un placement « de père de famille », mais c’est aussi un service commandé, investissement politique, pour sauver le laitier chinois. 
Mengniu lui, est grand gagnant, protégé à l’avenir par les normes sécuritaires-nutritionnelles Danone, et la R&D française appliquée à la recherche de goûts chinois. Ce groupe d’ailleurs, n’avait pas attendu Danone pour chercher à se renforcer par des alliances. En juin 2012 avec COFCO, il s’associait à Arla (danois, 10 milliards d’€ de ventes, n°1 mondial du yaourt bio) et début mai, il prend 27% de Modern Dairy, groupe privé, pour s’assurer des rentrées en lait de qualité. Pour l’alimentaire chinois, cette alliance sonne peut-être l’heure d’un tournant, et celle d’une vraie synergie mondiale en Chine.


Architecture - Urbanisme : Le futur NAMOC à Pékin, signé Jean Nouvel
Le futur NAMOC à Pékin, signé Jean Nouvel

Namoc Pres Du Niz D'oiseaux Vue De La Facade Donnant Sur Laxe Impérial Jean Nouvel Et Biad.Jgg225 mètres : c’est la longueur du futur Namoc ( National Art Museum of China) à Pékin, près du « Nid d’oiseau » – concours remporté par les Ateliers Jean Nouvel avec le BIAD (Beijing Institute of Architecture & Design). 

Pour refléter le temps et les saisons, l’architecte se serait inspiré de la calligraphie du peintre Shi Tao 石涛, (dynastie Qing).


A la loupe : Réchauffement climatique: Shenzhen révolutionne

Corbis ShenzhenLe 17 juin, Shenzhen lancera sa bourse des crédits carbone – la 1ère des 7 villes ou provinces qui testeront dès 2014 cette technique d’avenir pour réduire les émissions de CO2.

Dans la ville, 638 usines et entreprises de construction recevront un quota d’émissions. Après un an, si elles utilisent moins, elles pourront revendre le surplus en bourse. Si elles dépensent plus, elles devront acheter un droit supplémentaire à des firmes ayant pu économiser. Deux buts sont visés, déjà bien connus en Europe : ces firmes seront forcées à s’équiper en filtres à poussières et à séquestration de CO2, et en machines moins énergivores. D’autre part, les plus « petits », incapables d’investir dans leur décarbonisation, devront fermer. 

On voit les failles possibles : la fraude et erreur humaine, sur lesquelles la bourse de Shenzhen a beaucoup travaillé. Les prix de l’électricité devront être dérégulés, ainsi que ceux du charbon, faute de quoi de graves distorsions de concurrence tueront le système. ƒ Shenzhen devra pouvoir statuer de façon indiscutable sur les scores d’émission de chaque firme – ici, l’arbitraire sera inacceptable. 

A ce stade, les firmes concernées ne pèsent que 38% des émissions de 2010 : le reste, y compris transports et centrales thermiques, viendra plus tard. Avec les autres régions tests, les émissions chinoises concernées par ce mécanisme seront 7% du total. N’empêche, par ce système, la Chine fait un immense, admirable saut dans le vide. Cessant de bloquer les actions mondiales de mitigation, elle tente à son tour d’entrer dans le jeu du « pollueur payeur ».


Diplomatie : Première sortie de Li Keqiang : Inde, Pakistan, Suisse, Allemagne

Anti Li Keqiang Protest In India On SundayLe choix de l’ Inde comme première étape de la mission de Li Keqiang en Asie et Europe (19-25/05) n’était pas dû au hasard. Entre ces deux pays géants, les échanges en 10 ans sont passés de 2,1 à 68 milliards de $. Le ciel pourrait être limpide s’il n’y avait une immense méfiance entre eux :83% des Indiens perçoivent les Chinois comme « un danger ». Mais 64% se disent prêts à coopérer avec eux pour s’imposer ensemble dans le monde. 

Pour Li Keqiang, ces chiffres discordants étaient l’indice que que le moment était bon pour tenter de rétablir la confiance. Mais le chemin à parcourir est sans fin. Finalement, le communiqué commun évitait de prononcer le mantra sacré de Pékin, le principe d’« une seule Chine » – à cause du Tibet, dont l’Inde occupe une miette, et à cause du Cachemire, indien et pakistanais, mais dont la Chine détient aussi une fraction (au Ladakh)…

La seconde étape de Li Keqiang au Pakistan, vieil allié, visait à rassurer Islamabad, après le passage à Delhi. Li et le nouveau 1er ministre, Nawaz Sharif, ont réévoqué le réacteur nucléaire de 1000 MW (peut-être) commandé par Islamabad, et la coopération en matière de technologie nucléaire civile.

Plus spectaculaire était son passage en Suisse, « symbole de l’ouverture chinoise au monde extérieur ». C’était pour signer, avec le Président Ueli Maurer, le 1er accord de libre échange (FTA) avec une des 20 premières puissances commerciales. Comme déjà évoqué (cf VdlC n° 18), Pékin espère via ce texte, accélérer un accord « FTA » avec l’UE, sous la pression des secteurs européens (chimie, machine outil, horlogerie/luxe) pénalisés par les avantages concédés aux Suisses : 6 à 12% de baisse douanière sur les montres.

Puis venait le clou du voyage, l’Allemagne. Li Keqiang y atterrissait (25/04) au cœur d’une dispute sino-Union Européenne à propos des panneaux solaires (cf VdlC 17), où Berlin pouvait apparaître en arbitre, puisque opposé à l’approche « négative » de la Commission : sa taxe dès le 06/06, de 47% en moyenne des produits chinois. En fait, dès maintenant, d’intenses palabres sont en cours, avec une quarantaine de firmes chinoises réunies en club d’autodéfense. Déjà auteurs de rétorsions identiques, les Etats-Unis cherchent eux aussi à obtenir un « suspension agreement », moyennant l’assurance d’une autodiscipline d’export – quotas, prix minimums. Ce qui révèle la véritable nature du conflit en cours. Européens, Américains et Chinois ne visent pas à éreinter l’autre par une guerre commerciale, mais à établir de nouvelles règles, pour des échanges encore plus intenses. 

Il suffit, pour s’en convaincre, de lire les dernières déclarations de la Commission : « banco, dit-elle en substance, pour un accord FTA, mais moyennant l’ouverture du marché chinois des services, et la protection des investissements ». Bruxelles va aussi très bientôt présenter une « stratégie commerciale commune » euro-chinoise. Elle propose que le secteur environnemental des 27 Etats Membres participe à l’équipement décarbonisé des villes chinoises, que les deux blocs s’attèlent ensemble en Afrique, à l’exploitation minière et des matières premières… Et dix autres idées pour rétablir la croissance, entrer dans une autre ère ! 

Légende : protestations anti-chinoises à Delhi le 20/05


Politique : Pyongyang, dernière foucade—maritime

Le 05/05, le Liaoning Generic fishing n°25222, chalutier battant pavillon chinois, fut arraisonné au large, au nord de Dalian dans les eaux internationales par un garde-côte nord-coréen. L’armateur reçut plusieurs messages des ravisseurs et du capitaine prisonnier avec ses 15 hommes d’équipage – les ravisseurs réclamaient 100.000$ pour les laisser repartir. 

L’affaire ressemblait à un autre acte de piraterie 12 mois plus tôt, par la marine du « pays du matin calme » : en mars 2012, 3 chalutiers étaient pris 15 jours, puis relâchés, « allégés » des GPS, filets et autres effets personnels des 29 marins. 

Dans le nouveau cas, plusieurs détails bizarres apparurent. Ainsi, l’armateur aurait attendu 5 jours, le 10/05 pour signaler le kidnapping, non pas à Pékin mais… à l’Ambassade de Chine à Pyongyang, comme s’il craignait la lourdeur (l’absence de motivation) du gouvernement à intervenir. De même, c’est encore lui qui, le 18/05, finit par alerter la presse, via son compte « weibo », message qui fut rediffusé et commenté 12 000 fois. Mais est-il bien plausible que ce propriétaire ait osé faire son annonce, sans l’accord, voire l’ordre de Pékin ?
En fin de compte, après avoir fait le plus longtemps possible la sourde oreille, Pyongyang laissa repartir le chalutier le 21/05, pillé mais « sans avoir payé de rançon », dit la presse. 

Pour démêler cet incident, deux explications concourent. Œ

[1] Cui Zhiying, patron d’un Centre de recherches inter-coréennes à l’univ. Tongji (Shanghai) pense que les relations Chine-Corée du Nord quittent lentement la sphère idéologique pour arriver à la « normalité ». Ces pays désormais, ne se font plus de cadeaux. Mais stricto sensu, un kidnapping a du mal à passer pour « normal », surtout en eaux internationales. 

[2] Jin Qiangyi, chercheur à l’université Yanbian (Jilin) confirme que Pékin cherche toujours à faire profil bas en ce genre d’agression du petit voisin. Les kidnappings de 2012 avaient pu passer pour un geste désespéré de militaires nord-coréens non payés, recourant au piratage pour assurer leur survie. Mais ce dernier acte élimine cette hypothèse. C’est bien un acte de révolte contre Pékin que Pyongyang instigue, et complète en testant à la même période (19-21/05) 6 missiles de courte portée.

Leur marge de manœuvre, au demeurant, est très limitée, du fait de leur dépendance envers cette même Chine. D’où l’aspect contradictoire et en « dents de scie » de leur démarche : à peine le chalutier rendu, un émissaire de Kim Jong-un, le « leader suprême », se rendit à Pékin (22/05) pour tenter de recoller les pots cassés. Il fut reçu par Liu Yunshan, le N°5 du Parti, puis par Xi Jinping en personne, qui lui déclara sans prendre de gants que la seule voie de sortie pour lui, était de retourner à la table des négociations internationales à six pays. Mais cet émissaire, porteur d’une lettre de Kim, avait pris les devants, prétendant la Corée du Nord prête à rouvrir ces palabres de paix, après semé les bruits de guerre depuis des mois. 

Où va donc Pyongyang? Le mystère demeure. La Chine peut-elle se permettre de sacrifier le petit allié à l’autel de l’amitié sino-américaine ? L’opinion chinoise, outrée, réclame la fin du laxisme, envers celui qui « mord la main qui le nourrit ».


Politique : Dans les coulisses du pouvoir…

Liu TienanL’affaire de la chute de Liu Tienan, ce n°2 de la Commission Nationale pour la Réforme et le Développement ( NDRC) prend des dimensions nouvelles et plus complexes. 

La version officielle de la semaine passée vieillit mal, selon laquelle Liu aurait été dénoncé par son amante, et que l’histoire aurait été diffusée à l’initiative privée de Luo Changping, le courageux journaliste, sur son compte weibo. 

Plusieurs objections ont été relevées par des connaisseurs. Le fait, par exemple, que la NDRC ait immédiatement rejeté les allégations, ce qui en terme réglementaire, n’est pas une procédure standard. D’autre part, que ce cadre supérieur à la revue Caijing ait pu s’attaquer à un ministre, sans ordre ni devoir en référer à quiconque, ne ressemble pas à la discipline de la grande maison. 3ème indice : entre sa dénonciation en décembre par Luo Changping et la chute de Liu Tienan en mars (alors patron de l’Agence Nationale de l’Energie), le long silence de l’Etat fait penser qu’un furieux débat eut lieu à son sujet au sommet – une négociation, un vote. 

G. Raby, ex-ambassadeur d’Australie aujourd’hui consultant, très bien introduit en ce pays, estime que Caijing, publication privée, est très respectée et soutenue par Wang Qi-shan, le membre du Comité Permanent et patron de la CCID (police du Parti), nommé par Xi Jinping pour relancer la campagne anti-corruption. Xi, alors, promettait de faire tomber « les mouches (les petits) et les tigres (les grands) ». Liu Tienan est le premier « tigre » à tomber. Cependant pour obtenir sa chute, il fallait contourner son protecteur, qui n’était autre que Li Peng, l’ex 1er ministre, un personnage clé du secteur de l’énergie. Pour Raby, Wang aurait informé le journaliste, puis protégé des retours de flamme durant sa divulgation. Cette chute sert la cause de la réforme, car il s’agit de modifier, voire abolir le protocole de gouvernance des projets énergétiques, source de corruption énorme—et ensuite d’endettement des provinces sur des projets hasardeux. 

Vu sous cet angle, la chute de Liu a deux utilités :

– Sous prétexte de lutte anti-corruption, elle renforce le nouveau pouvoir, en écartant un homme de l’ancien. Vieille méthode : en 1998, pour corruption, Jiang faisait chuter Chen Xitong, compagnon de Deng ; en 2006, Hu écartait Chen Liangyu, vassal de Jiang. Et aujourd’hui, Xi écarte Liu, homme de Li Peng, obstacle à sa politique de réforme… 

– Elle prépare la réforme de l’énergie. Liu Tienan, patron de l’ANE, était au bon endroit pour influencer les projets d’équipement et bloquer toute décision contraire aux intérêts de ses mandants. On pense alors à la dérégulation des prix de l’énergie et de la création d’un super ministère de l’énergie.
Au demeurant, la campagne se poursuit. Vient de chuter aussi Yang Kun, ex-directeur exécutif de la Banque de l’Agriculture, une des 4 grandes banques. On lui reproche un prêt de complaisance de 3 milliards de ¥ à un promoteur immobilier pour couvrir ses dettes de jeu à Macao. Une autre action qui démarre, est l’examen de tous les projets fonciers publics (20/05), pour vérifier leur respect de la nouvelle règle de frugalité. Cette procédure est sans précédent.
Une des raisons de ce grand nettoyage, est plus pragmatique : pour financer le nouveau programme d’urbanisation, d’ici 2020, il faudra au bas mot 8000 milliards de $ de fonds nouveaux qu’il faut aller chercher là où ils sont !


Religion : Pékin/Vatican, l’hiver au printemps

Matteo Ricci Guangqi Park ShanghaiEn 2013, la prière annuelle de la chrétienté pour l’église de Chine (24/05) a été moins sereine que d’habitude. Le pape François a exhorté les Chinois à rester loyaux au Vatican. Ce raidissement va à rebours des dernières années qui avaient été consacrées au rapprochement. Depuis 2000, toujours plus d’évêques étaient nommés conjointement. 

Vers 2010, Benoit XVI déclarait le schisme comblé entre églises officielles et de l’ombre : à la tête des diocèses, presque tous les évêques avaient reçu la bénédiction papale. 

Tout bascula en juillet 2012, quand Thaddée Ma Daqin fut assigné à résidence, pour avoir prétendu quitter l’Association Catholique Patriotique de Chine (ACPC), l’organe de contrôle officiel, le jour de sa consécration à la tête du diocèse de Pékin. A la même époque, la Curie condamnait la nomination unilatérale par Pékin d’un autre évêque, sans l’accord papal. Que s’était-il passé ? Le rapprochement se faisait au détriment de l’Association Catholique Patriotique de Chine et de la Conférence Episcopale (étatique), au point de menacer leur légitimité et leur fortune, les biens de l’église, héritage du passé. 

Puis en avril 2013, l’église officielle a durci les règles de consécration : impossible désormais d’élire un prélat sans l’accord de la Conférence. Au risque de voir des diocèses recommencer à élire des évêques secrètement. Le schisme est revenu. 10 ans de rapprochement sont rayés de l’histoire, et les rapports Pékin-Vatican, au plus bas. 

NB : une figure vénérable fait les frais de ce froid, Mateo Ricci (cf photo), l’introducteur du catholicisme en Chine devra attendre des temps meilleurs, pour sa canonisation, qui dépend en définitive du climat actuel.


A la loupe : Eric Meyer de passage à Shanghai et Hong Kong – conférences à ne pas rater !

Shanghai : conférence le 28 mai à la CCIFC 

Site

A l’occasion de la sortie du complément de l’étude « Xi Jinping, la nouvelle ère » (plus d’infos par ici !), Eric Meyer donnera une conférence à la CCIFC à 18h30, sur le rêve chinois de Xi Jinping. Cette conférence sera suivie d’un cocktail.

Aux prémices de son mandat, le nouveau Président vient de déclarer la guerre à la corruption, aux dépenses ostentatoires et autres gaspillages… Mais qu’en est-il des réformes de fond comme l’accès au crédit ou l’environnement? Mettra-t-il fin à une politique de croissance basée sur l’investissement public? Quelle sera la portée du nouveau Conseil d’Etat (ministères et commissions) et qui seront les acteurs de ce changement ? Autant d’enjeux pour la décennie à venir.

Pour s’inscrire, cliquez ici !

Shanghai : conférence le 29 mai au Lycée Français (Qingpu) sur « Tibet, dernier cri »

Eric Meyer sera au LFS le mercredi 29 mai à 17h pour parler de son livre « Tibet, dernier cri » paru le 14 février 2013 aux éditions de l’Aube – grâce au soutien de nombreux contributeurs. 

L’ouvrage restitue la magie antique de cette civilisation, soudainement plongée dans la tourmente. D’où le titre de ce livre qui se réfère aux deux avenirs possibles pour la région, soit l’agonie d’une culture tibétaine étouffée, soit la renaissance à travers le syncrétisme des deux civilisations qui ferait de la région le phare d’un monde de la foi et de l’art de vivre, et, sans doute, une destination « dernier cri » !

Plus d’infos ici !

Hong Kong : rencontres et signatures de « Tibet, dernier cri ! » le 30 mai à la librairie Parenthèses

Rencontre avec Eric Meyer autour de « Tibet, dernier cri » à 18h30 à Librairie Parenthèses.

Plus d’infos ici !


Petit Peuple : Harbin – Jiang Diajun ou l’art de pièger trois lièvres à la fois

Au Heilongjiang, Sun Jianqing, 45 ans, est un brave agronome dirigeant une large ferme coopérative. A ce titre, il reçoit la visite d’étrangers, experts en technologies agricoles. Comme en 2007, ce représentant de Nosh, le semencier de Minneapolis qui lui proposa de tester sur sa glèbe une espèce d’orge US, propre à faire du malt pour la bière. Trois mois plus tard, Sun rappelle Nosh pour lui faire part du succès complet. Jiang Diajun, 40 ans, nommé peu avant PDG de la branche malterie- brasserie des fermes coopératives de la province, est le patron de Sun - un jeune loup qui croit en sa bonne étoile et encore plus en sa volonté de fer, affûtée par une absence totale de scrupules devant la loi. 

Naïvement Sun rapporte à Jiang le projet américain. En l’entendant, Jiang a eu un éclair dans ses yeux, puis en bon chef, le félicite chaleureusement. Peu après, Jiang fait désigner Sun, vice-pré-sident du groupe. Une belle promotion qu’il complète d’u-ne mission: l’agronome devra négocier avec le partenai-re américain une JV de production de cet orge brassicole pour le marché régional. 

Sun accepte avec gratitude. Nosh, lui, ne se tient plus de joie à la perspective de ce marché du Dongbei : 160 millions de buveurs de bière, soit la moitié des Etats-Unis ! C’est la percée rêvée depuis tant d’années… 

Tambour battant, son Etat-major descendu de St Paul, visita ces grandes malteries et fut reçu par le gouverneur. Un cabinet d’avocats ficela le contrat. Jiang et Sun signeront l’été suivant à Minneapolis. La joint-venture s’apprêtait à sortir de terre, le terroir de culture était sélectionné, l’usine dessinée – tout allait bien !

Sauf qu’au 1er Conseil d’Administration, quatre mois après, ce fut le coup de tonnerre : face aux partenaires proches de l’apoplexie, aux côtés de Sun rouge de honte, un Jiang au sourire carnassier annonça que suite à un « malentendu », on n’était plus d’accord sur rien. Il fallait tout renégocier, à des conditions revenant à spolier Nosh. Consternés, les avocats durent constater la mauvaise foi mais aussi l’absence de recours pour le semencier : au tribunal, l’échec était couru d’avance… Exit donc Nosh, après rupture plus ou moins à l’amiable. 

Un an plus tard, Jiang congédia un employé pour une peccadille – il l’ignorait, mais c’était une lourde erreur, et pour lui, le début de sa fin. Pour se venger, le renvoyé alla tout raconter à Nosh qui tomba des nues: Jiang n’a-vait jamais sérieusement voulu s’associer aux américains. En émule de Mao, son héros d’enfance, il ne cherchait qu’ à exploiter stratégiquement les faiblesses des adversaires. 

A Nosh, il a agité le chiffon rouge du marché chinois. Aux instances provinciales, il a fait miroiter un fort investissement étranger. Comme Pékin bénissait ce type d’accord prometteur de richesses aux campagnes chinoises, Jiang avait reçu sans peine beaucoup d’argent public pour bâtir un joli centre de recherche, une usine qui ne lui avaient pas coûté un sou. Sans risque pénal, les négociations étant à la charge de Sun qui porterait le chapeau, les choses dussent-elles tourner mal.

Une fois le tour joué, Jiang n’avait plus eu qu’à expliquer à Harbin, non sans aplomb, que les « longs nez, barbares étrangers » l’avaient grugé. Quant au malheureux Sun, qui en savait trop, Jiang n’oublia pas de le mettre au placard, dans une ferme enclavée à la frontière russe. Ce qui était l’exacte application de la 3ème ruse du livre des 36 stratagèmes, « emprunter à X sa dague pour le tuer » (借刀杀人,jiè dāo shā rén). 

Il le fit même trois fois, piégeant d’un seul coup son subordonné, l’Américain, et l’Etat chinois. Mais ce crime presque parfait comportait un maillon faible, même deux – prouvant que Jiang était décidément plus finaud que vraiment intelligent. Car au lieu d’affecter la subvention comme prévu en trieurs à grain et en fours de maltage, pour développer cette industrie et générer de la croissance pour la région, il avait détourné l’argent, qu’il grillait en noubas et s’en vantait les soirs de libation au « Baijiu », l’alcool de sorgho local.

Du coup,l’homme de Nosh sut comment agir: allant repêcher Sun au fin fond de sa quasi-Sibérie, il le confessa, obtenant toutes les preuves nécessaires, puis porta plainte. Et comme l’action tombait en plein dans une campagne anti-corruption, Jiang fut expédié au cachot pour 10 ans, en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Car si le socialisme veut bien verser une larme modérément sincère sur l’épreuve d’un étranger grugé par un national, il ne supporte pas de voir le trésor public, réduit au rôle du pigeon ! 

La fin de l’histoire est morale – ce n’est pas toujours le cas ! Pour l’entreprise publique et la province, la JV avec Nosh reprenait tout son sens. Elle fut remontée en deux temps, trois mouvements. Et devinez qui fut nommé calife à la place du calife ? Sun, évidemment ! 

Merci à Alain Bonjean pour cette contribution.


Rendez-vous : Rendez-vous de la semaine du 27 mai au 9 juin 2013
Rendez-vous de la semaine du 27 mai au 9 juin 2013

29-31 mai, Shanghai : Bio Forum, Salon des biotechnologies 

30 mai – 1er juin, Canton : INTERWINE China

3-6 juin, Shanghai : ALTM, Salon des voyages de luxe

4-6 juin, Shanghai : Metro Shanghai Expo

4-6 juin, Shanghai : Shanghai Tube Expo 

5-7 juin, Shanghai : AQUATECH China, Salon de l’eau

6-8 juin, Urumqi : ICME, Salon du charbon en Asie Centrale