Politique : Pyongyang, dernière foucade—maritime

Le 05/05, le Liaoning Generic fishing n°25222, chalutier battant pavillon chinois, fut arraisonné au large, au nord de Dalian dans les eaux internationales par un garde-côte nord-coréen. L’armateur reçut plusieurs messages des ravisseurs et du capitaine prisonnier avec ses 15 hommes d’équipage – les ravisseurs réclamaient 100.000$ pour les laisser repartir. 

L’affaire ressemblait à un autre acte de piraterie 12 mois plus tôt, par la marine du « pays du matin calme » : en mars 2012, 3 chalutiers étaient pris 15 jours, puis relâchés, « allégés » des GPS, filets et autres effets personnels des 29 marins. 

Dans le nouveau cas, plusieurs détails bizarres apparurent. Ainsi, l’armateur aurait attendu 5 jours, le 10/05 pour signaler le kidnapping, non pas à Pékin mais… à l’Ambassade de Chine à Pyongyang, comme s’il craignait la lourdeur (l’absence de motivation) du gouvernement à intervenir. De même, c’est encore lui qui, le 18/05, finit par alerter la presse, via son compte « weibo », message qui fut rediffusé et commenté 12 000 fois. Mais est-il bien plausible que ce propriétaire ait osé faire son annonce, sans l’accord, voire l’ordre de Pékin ?
En fin de compte, après avoir fait le plus longtemps possible la sourde oreille, Pyongyang laissa repartir le chalutier le 21/05, pillé mais « sans avoir payé de rançon », dit la presse. 

Pour démêler cet incident, deux explications concourent. Œ

[1] Cui Zhiying, patron d’un Centre de recherches inter-coréennes à l’univ. Tongji (Shanghai) pense que les relations Chine-Corée du Nord quittent lentement la sphère idéologique pour arriver à la « normalité ». Ces pays désormais, ne se font plus de cadeaux. Mais stricto sensu, un kidnapping a du mal à passer pour « normal », surtout en eaux internationales. 

[2] Jin Qiangyi, chercheur à l’université Yanbian (Jilin) confirme que Pékin cherche toujours à faire profil bas en ce genre d’agression du petit voisin. Les kidnappings de 2012 avaient pu passer pour un geste désespéré de militaires nord-coréens non payés, recourant au piratage pour assurer leur survie. Mais ce dernier acte élimine cette hypothèse. C’est bien un acte de révolte contre Pékin que Pyongyang instigue, et complète en testant à la même période (19-21/05) 6 missiles de courte portée.

Leur marge de manœuvre, au demeurant, est très limitée, du fait de leur dépendance envers cette même Chine. D’où l’aspect contradictoire et en « dents de scie » de leur démarche : à peine le chalutier rendu, un émissaire de Kim Jong-un, le « leader suprême », se rendit à Pékin (22/05) pour tenter de recoller les pots cassés. Il fut reçu par Liu Yunshan, le N°5 du Parti, puis par Xi Jinping en personne, qui lui déclara sans prendre de gants que la seule voie de sortie pour lui, était de retourner à la table des négociations internationales à six pays. Mais cet émissaire, porteur d’une lettre de Kim, avait pris les devants, prétendant la Corée du Nord prête à rouvrir ces palabres de paix, après semé les bruits de guerre depuis des mois. 

Où va donc Pyongyang? Le mystère demeure. La Chine peut-elle se permettre de sacrifier le petit allié à l’autel de l’amitié sino-américaine ? L’opinion chinoise, outrée, réclame la fin du laxisme, envers celui qui « mord la main qui le nourrit ».

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