Editorial : Pékin, à Bruxelles : «Y’a pas le feu à l’Europe» !

Le caprice du calendrier a placé, la semaine passée, un sommet Europe-Chine et une visite aux USA de Xi Jinping, successeur désigné de Hu Jintao (cf article p.2) : belle occasion pour la Chine de jauger ses priorités vis-à-vis des puissances de l’Ouest, aujourd’hui privées dans leur rôle d’arbitres exclusifs du monde.

Depuis 20 ans, les sommets sino-européens ronronnent dans une ambiance  studieuse, sans drame. Celui du 14/02, à Pékin, ne dérogea pas à la tradition.

Les Présidents européens H. van Rompuy (Conseil) et J. Barroso (Commission), étaient venus plaider un soutien chinois à l’Euro : la dette souveraine est « sous contrôle », et Pékin est invité à financer le fonds FESF (Fonds Européen de Stabilité Financière), que Bruxelles veut porter à 500MM².

En réponse, le 1er ministre Wen Jiabao n’a fait que réitérer sa solidarité, sans joindre l’acte à la parole. Pékin sait bien qu’il doit soutenir le marché européen, son plus grand client (460MM² d’échanges), mais l’opinion est hostile à ce que la Chine    « gaspille » son épargne pour des pays 10 fois plus riches qu’elle. D’autant que la manoeuvre n’est pas sans risques. Le 14/02, après S&P en janvier, c’était à Moody de rogner la note de fiabilité de trois pays méditerranéens et de prédire ce sort à la France, au Royaume-Uni et à l’Autriche. Aussi Lou Jiwei, patron du fonds CIC (China Investment Corporation) (460MM$), excluait d’acheter des obligations du FESF. Xia Bin, Conseiller à la Banque populaire de Chine, tirait la flèche du Parthe : « nous sommes peut-être pauvres, mais pas idiots » !

Un autre conflit avec l’Europe peut  freiner le chèque chinois. Avec 27 pays, dont les USA et l’Inde, Pékin refuse la taxation des émissions de CO² des transporteurs aériens, (intra- et extracommunautaires) en son espace aérien. L’Union  l’a confirmé, ce mécanisme déjà voté est irrévocable. Mais pour le pouvoir chinois, ce combat contre l’Europe renforce sa stature internationale, et faute d’obtenir gain de cause, pourrait lui servir de monnaie d’échange. En sa demande de reconnaissance du statut d’«économie de marché» par exemple, contre lequel la Commission réclame une réforme du crédit en Chine, dont il n’est, pour l’heure, pas question à Pékin…

Sur le fond, la Chine a deux raisons de ne pas se presser au secours de l’Euro : [1] La part de l’exportation est de 1%, sur les 10% de croissance réalisés depuis 20 ans – l’Union Européenne représentant 30% de ses exportations. L’impact sur la Chine d’une chute du marché de l’Union Européenne resterait donc assez limité.    [2] La crise frappe moins fort qu’il y a deux ans. Les USA redémarrent, et Pékin ne croit simplement pas à l’hypothèse d’un effondrement de l’Euro ou de l’Europe !

Absence remarquée au communiqué final : le traité de partenariat stratégique, en panne malgré des années de palabres. Tout au plus les partenaires envisagent d’entamer des négociations pour un traité de protection des investissements (ce que Chine et Canada viennent de signer la semaine dernière, cf VdlC n°5). Un traité de libre échange est aussi dans les cartons, mais à longue échéance, faute d’intérêt chinois. « La Chine, dit ce témoin, n’a pas d’appétit pour l’Europe, marché de produits finis où elle a déjà ce qu’elle veut. Elle s’intéresse plus aux pays à ressources minières, Australie, Brésil ou Canada ».

Les choses pourraient changer, avec le tournant constaté par A Capital. En 2011, la Chine a doublé ses rachats en Europe, en actifs industriels, à 10,4milliards de US$, dont 4milliards$ de la CIC (China Investment Corporation) dans GDF-Suez et 2,35milliards$ de Bluestar rachetant Elkem (Norvège, silicone photovoltaïque).

Dans ce nouveau contexte, la Chine pourrait se montrer plus désireuse d’un accord de protection de ses investissements. Mais dans ce cas, face à elle, elle trouvera des Eurocrates réclamant en retour la suppression des chasses-gardées en Chine, et du catalogue d’investissements qui bannit pour l’heure les étrangers de secteurs comme les nouvelles technologies ou certains services…                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                            

 

 

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