Société : Henan- dans la charité, le torchon brûle

En Chine, les organisations caritatives poursuivent leur course à la croissance. En 2009, la Fédération Caritative de Chine recevait 4,64MM¥ et 6MM¥ en 2010 (+29%). Un essor qui n’empêche pas un certain malaise. En juin, un scandale éclaboussait la Croix Rouge (cf VdlC n°25).

A présent, éclate le cas de la Fondation Soong Ching Ling du Henan (HSCL). Avec 3  milliards de ¥ d’actifs fin 2010, HSCL est l’organisation caritative la plus riche du pays, qui en compte 2.270 – un patrimoine triple de celui de la Croix Rouge.

Fort succès, mais qui cache des fraudes anciennes. En 2005, la province constate que HSCL agit comme une banque, empruntant avec intérêt et prêtant à des firmes, à un taux supérieur (12,5%) à celui légal. Une fois remboursé, le capital est classé «donation» (hors taxe !) et l’intérêt «subside». Magnanimes, les fiscalistes de Zhengzhou donnent alors 3 ans à HSCL pour se régulariser—ce qu’elle fait… mais en transférant un certain appel de capital vers son programme «Santé sociale», assurance-santé pour pauvres, en JV avec des organes locaux. La légalité est violée : 335.000 clients sont couverts moyennant 10.000¥ de « dons remboursables » par an – 65.000 autres, vrais pauvres, l’étant à faible prix.

Les prêts aux firmes (immobilier, acier, internet, commerce) étaient l’affaire de HSCL-Invest, filiale créée en 2001. Ses investisseurs étaient cadres de HSCL mais aussi actionnaires majoritaires de ces firmes (selon Caixing et Nanfang Zhoumou) : la boucle est bouclée !

En 2005, quand le Henan débusquait ses activités usurières, HSCL-Invest était si peu inquiète qu’elle fonda sa société immobilière, Song Foundation Tongji et se mit à développer des terrains. Pour la vitrine, HSCL annonçait la construction d’un Centre aéré de 148.000 m² au coût de 800 M¥. Mais en 2007, le projet avait réduit à 60.000m², et en 2011, à 30.000m². La fonte en peau de chagrin était expliquée par une «impécuniosité». Mais les 120.000m² perdus pour le Centre, passaient dans une résidence de luxe presque achevée, devant rapporter 2MM¥…

HSCL aurait pu continuer longtemps. Elle prenait toujours soin d’associer à ses projets d’autres organes, capables de la défendre en cas de pépin. Mais en 2010, elle eut l’imprudence d’attaquer un groupe en défaut de paiement, incapable de rembourser 1,25M$ sur trois mois (+250.000$ d’intérêts). Arguant de l’illégalité du prêt, le juge la débouta, et tout l’écheveau se déroula.

Selon le règlement, toute donation devait être investie dans des oeuvres, à 70% min., sous 1 an. Or sur les 1MM¥ ratissés en 2010, HSCL avait prêté 90%, conservant le reste, et n’investissant en social que 23% de son revenu brut de 2009… On était loin du compte et la Fondation nationale Soong Ching Ling, à Pékin, a pris ses distances, niant tout lien avec HSCL.

NB : Le problème est lié au monopole des fondations d’ Etat sur les collectes de fonds. En l’absence de cadre légal et de contrôles stricts, ceci aboutit à des géants de la charité, paralysés et corrompus. Cet été, conscient du problème, l’Etat fait un petit pas vers la voie qu’il n’aime pas : légaliser les petites ONG, telle la One Foundation de l’acteur Jet Li (HK).

Enfin, que tout ceci ne fasse pas croire que les Chinois ne soient pas sensibles à la détresse : depuis 2009, Li Laofa, à Zhengzhou, purifie des centaines de litres d’eau/jour, les conditionne et les livre gracieusement aux migrants de la ville – attendant le droit de collecte, pour pouvoir étendre l’action aux provinces voisines…

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