Petit Peuple : A Guiyang, le trappeur de rats !

A Guiyang (Guangxi) en 1943, Zeng Qingguo, enfant de 8 ans, vit son chat blanc se tapir, bondir pour attraper un raton, jouer avec, le croquer enfin. La scène lui fit une si forte impression qu’il en découvrit la mission de toute sa vie : trappeur de rats !

Sans jamais se déjuger ensuite, durant ses années «tendres», il apprit le métier, à bastonner la bête, l’appâter au tofou puant, l’enfumer ou piéger.

Adulte, il vit la révolution embraser le pays, durant 30 ans qu’il passa à l’usine textile n°2 comme ouvrier, dans sa maison comme époux et père de trois beaux enfants : rien, en toute sa vie, ne put le détourner de sa rage exterminatoire.

A force de recherches, Zeng a créé sa propre méthode d’éradication. Ayant constaté que le poison détruisait aussi les prédateurs du rat, hibou, renard, serpent et chat, il proscrit l’usage du poison, et fait sa «chasse à la baguette», qui lui vaut dans son quartier le sobriquet du«hibou aux cheveux blancs ». Peu de jours ne se passent sans qu’il reçoive l’appel au secours de restaurants, commerces ou voisins. Car avec son climat humide et doux, Guiyang est un terrain idéal de prolifération des muridés dévorant le grain, faisant risquer toutes sortes d’épidémies. Une fois chez le client, Zeng commence par repérer les pièces préférées des parasites. Dans chacune, il y laisse ses «baguettes», en réalité des triques de 70 cm, et une planchette posée par un bout sur l’arrête d’une plinthe. Quand le rat entre, il ferme doucement la porte et puis se montre, forçant à la «baguette» la bestiole terrorisée à se réfugier sous la planche : il n’a plus qu’à sauter dessus, écrabouillant l’intrus.

A 73 ans, Zeng qui additionne depuis l’enfance ses tableaux de chasse, comme d’autres les conquêtes féminines, estime à plus de 5000, la cohorte des rats réduits par ses soins à l’état de fantômes. Soit une moyenne d’1 tous les 4 jours. Zeng a rassemblé sa vie de trappeur dans un livre, au titre du genre « moi et mes rats ». Il a aussi commis bon nombre d’articles touffus (jusqu’à 20.000 caractères), mais pour l’instant, nul éditeur ou rédacteur n’a voulu de sa prose. En désespoir de cause, faisant irruption dans la rédaction, il a réussi à intéresser le Journal de Guizhou qui a publié l’histoire de sa vie, sa prière qu’on lui trouve un éditeur, assortie d’une offre de conférences gratuites pour signer son oeuvre et former sa relève, des armées d’intrépides tueurs pour l’avenir…

Mais au fait, pourquoi telle passion mortifère? Selon nous, au nom d’une lecture idéologique du symbole du rat, insufflée par le régime, et qui fait le fil rouge de la vie de notre héros. En 1950, Mao donnait le (ra-)ton, traitant de «rats» les bourgeois et les propriétaires, puis lançant quelques années après une campagne d’éradication du rat (accompagné du moustique, de la mouche et du moineau). En 1978, Deng spécifiait que la couleur du chat n’avait pas d’importance : le bon chat était celui qui prenait la souris «抓老鼠的,就是好猫» (zhuā lǎoshǔ de, jiù shì hào māo). Enfin, dans les années ’80, un dessin animé par épisodes mettait en scène à la TV un commissaire-chat noir, brave et loyal, qui  débarrassait la Chine de ses rats fourbes et cruels… A l’instar de ses contemporains, Zeng avait saisi le message de l’appareil. Mais son propre génie, signe d’une intuition politique surdéveloppée, fut de passer aux actes : il s’assimila au chaton blanc de son enfance, au greffier noir de ses 50 ans pour éliminer la vermine ratière, assurant ainsi son humble et indéfectible contribution à l’édification du socialisme !

 

 

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